Dans Le Figaro, Renaud Girard estime que la fin de la domination du dollar est en cours
[…] la crise financière internationale de 2008 renforça paradoxalement le dollar. Dans une conférence de presse de mars 2009, Barack Obama prédit que le dollar conserverait sa domination dans les échanges et les réserves de la planète. Son argument n’était pas économique mais politique : « Car l’Amérique a le régime le plus stable et le plus transparent du monde! » Tout le monde comprend en effet comment fonctionne le budget, la Réserve fédérale et le système financier américains alors que leurs équivalents chinois apparaissent opaques. Le dollar reste la devise refuge par excellence. Quand il y a une crise financière mondiale, les investisseurs se réfugient sur le dollar, même si la crise est d’origine américaine. C’est ce qui s’est passé en 2008-2009, où le dollar s’est réévalué par rapport à l’euro et au yen. Aujourd’hui, il représente encore 59 % des réserves mondiales de change (contre 72 % en 1999).
Mais, en transformant leur monnaie en arme de pression politique, les Américains ont, sans le vouloir, entamé un mouvement mondial de destitution du roi dollar.
En 2014 la BNP dut payer 9 milliards de dollars d’amende aux États-Unis pour avoir, légalement au regard des droits européens et français, financé (en dollars) des exportations depuis Cuba, le Soudan et l’Iran. Mais ces trois pays étaient sous embargo américain. Comme la compensation s’est faite à New York sur le compte de la BNP (une écriture électronique d’un millionième de seconde), la justice américaine s’est déclarée territorialement compétente. Voilà comment les Américains ont imposé leur droit aux autres pays de la planète. Et les sociétés européennes ont dû s’y conformer, comme on l’a vu lorsqu’elles quittèrent l’Iran en 2018, après que Trump eut unilatéralement dénoncé l’accord nucléaire de Vienne de 2015.
L’étape suivante de la « weaponisation » du dollar fut, en 2022, après l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le gel des réserves de change de la banque centrale russe libellées en dollars. Les dirigeants non-occidentaux se sont alors dit : « Si je suis en guerre avec un voisin et que ce conflit ne plaît pas à Washington, je peux perdre brutalement une grande partie de mes réserves de change. Je vais donc diminuer drastiquement mon commerce en dollars. » C’est ce que fait désormais la Russie, mais aussi l’Arabie saoudite. Sa dernière facture pétrolière à la Chine a été libellée en renminbi (dont le marché offshore atteint déjà l’équivalent de 200 milliards de dollars).
Qui plus est, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) envisagent de créer leur propre monnaie pour financer leurs échanges. La Chine a déjà mis au point son propre système de règlements électroniques interbancaires. Il offre une alternative au système Swift, coopérative contrôlée par les Occidentaux.
La dé-dollarisation du monde ne s’achèvera pas du jour au lendemain. Mais c’est clairement un mouvement irréversible.
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