Concurrence de Reconquête, réforme des retraites, euthanasie, ramadan pendant les matchs de foot… Causeur s’est entretenu avec Pierre-Romain Thionnet, le nouveau chef du mouvement de jeunesse du Rassemblement national.
Causeur. Votre mouvement politique est opposé à la réforme des retraites du gouvernement. Demander aux Français de travailler deux petites années de plus, est-ce leur demander un effort insurmontable ?
Pierre-Romain Thionnet. Ce sont deux petites années de plus qui se rajoutent aux effets de la réforme de Marisol Touraine et auxquelles viendront se rajouter deux petites années de plus dans cinq ans, puis très certainement deux supplémentaires dans 10 ans ! C’est une logique sans fin, qui consiste à repousser l’âge de départ à la retraite alors qu’il y a d’autres leviers qui ne sont pas utilisés… Nous ne résolvons pas en profondeur et de manière structurelle les problèmes de l’équilibre du système des retraites.
Quels leviers, exactement ?
Je sais qu’il y a une petite musique journalistique qui tend à affirmer que le RN n’aurait pas assez pris la parole sur ce sujet des retraites. Pourtant, pendant des mois, les députés du parti auquel j’appartiens n’ont eu de cesse de parler de la natalité française, de la productivité ou de la réindustrialisation. Les réponses structurelles au déséquilibre temporaire des retraites sont à aller chercher-là.
Le RN en parle peut-être, mais cela n’est pas repris dans le débat public.
Je crois tout de même que nous avons été entendus. Il suffisait de voir les cheveux de Sandrine Rousseau se dresser sur sa tête, parce qu’on avait osé parler de la natalité et, en effet, osé parler des femmes et des enfants ! La gauche ne supporte pas qu’on mette ces sujets sur la table. Elle a diabolisé et fascisé ce débat, alors qu’il est fondamental pour tout retour à l’équilibre de notre système des retraites. La députée EELV a quand même enjoint notre groupe parlementaire à « lâcher nos utérus » en plein hémicycle ! Puis, Mathilde Panot de LFI est montée au créneau. Et enfin, Fabien Roussel du PCF a cru malin de pétainiser le débat en le ramenant à « Travail, Famille, Patrie »…
Si vous êtes militant au RN plutôt qu’à « Reconquête ! », est-ce parce que ces questions sociales vous intéressent davantage que les questions identitaires ou sociétales ?
« Reconquête ! » prétend avoir le monopole sur les questions immigration et identité. Mais c’est oublier un peu vite que le Front national a mis ces sujets-là en avant depuis 50 ans ! Éric Zemmour a peut-être employé un mot différent pendant la campagne présidentielle – le grand remplacement – mais sur les programmes proposés, il n’y avait pas de différence majeure. Alors, quelle est la plus-value réelle de Zemmour et de « Reconquête ! » sur ces questions ? Fondamentalement, il emploie des mots différents pour des propositions identiques aux nôtres. Maintenant, oui : il y a la question du social qu’il a largement négligée, et probablement s’en mord-il un peu les doigts maintenant. Dans le même temps, on peut lire à présent çà et là que Jordan Bardella aurait une ligne plus identitaire que Marine Le Pen. En réalité, selon moi, identité et social, ce ne sont pas deux lignes avec des curseurs où plus on mettrait d’identité, moins il y aurait de social. C’est ce qu’a bien compris Marine et qui fait la force du RN. Surtout, la stratégie d’« union des droites » se construit seulement face à la gauche, alors que mon adversaire principal et celui du RN est Emmanuel Macron et son monde, le macronisme.
Vous dites que vous voulez nous sortir du modèle libéral-macroniste. Par quoi le grand-remplacez-vous ? Et que doit faire notre pays quant à ses engagements européens ?
Il y a une tendance qui consiste à dire qu’en France, il n’y aurait pas vraiment de libéralisme, qu’il n’existerait pas vraiment. Pardon, mais il me semble que dans les décisions politiques de tous les derniers mandats présidentiels, de gauche comme de droite, on retrouve quand même cette notion. Emmanuel Macron est une forme nouvelle du libéralisme, et ne pas le voir et le combattre comme tel est une erreur politique et intellectuelle. Disons en tout cas que la priorité est systématiquement donnée à l’économisme, aux lois du marché, et qu’il n’est jamais question de remettre en cause le modèle de libre échange mondial. Il n’y a de petites remises en causes que lorsque surviennent des crises extérieures terribles auxquelles on est obligé de s’adapter – le Covid, la guerre en Ukraine, des chaines de valeurs mondiales qui sont perturbées en approvisionnement… Mais à chaque fois, la France ne fait que subir ou s’adapter.
Au RN, nous proposons de revenir à une forme de protectionnisme, qui prendrait tout son sens dans un grand nombre de secteurs de notre économie. En y ajoutant la question écologique du localisme, nous offrons un tout cohérent permettant de contrebalancer le modèle du libre-échangisme actuel. Ce dernier a déjà sérieusement pris du plomb dans l’aile, les crises extérieures ont montré à nos dirigeants que le système était défaillant. Et des contre-modèles émergent, regardez la Chine, qui est en train de donner naissance à une bimondialisation. Cette crise de la mondialisation libérale va se poursuivre d’elle-même, les Français seront obligés de s’y adapter, donc il faudrait mieux l’anticiper, la préparer plutôt que de la subir.
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