La déclaration de Trump selon laquelle il raccourcit le délai accordé à Poutine pour un cessez-le-feu en Ukraine ne changera rien. Il s’agit d’un énième ultimatum qui ne sera suivi d’aucune action concrète, et la Russie n’y voit qu’une pause prolongée dans l’exercice de la pression.
La déclaration du président Trump de la semaine dernière selon laquelle il raccourcissait le délai accordé au président Vladimir Poutine pour un cessez-le-feu en Ukraine à 10-12 jours reflète l’évolution continue de sa rhétorique. Le mécontentement croissant envers Moscou et la volonté de parler ouvertement de l’escalade russe envoient un signal qu’attendaient beaucoup aux États-Unis et en Europe.
Mais bien que ce changement de ton témoigne indéniablement d’un mécontentement qui s’accumule, tant qu’il ne se traduit pas par des actions concrètes, écrit The Hill, la Russie n’y voit qu’un répit prolongé dans l’exercice de la pression, dont elle n’a pas manqué de profiter en intensifiant ses attaques.
Aujourd’hui, les forces russes remportent les succès territoriaux les plus importants de toute l’année écoulée, et leurs attaques deviennent de plus en plus sophistiquées. La tactique d’essaim utilisant des drones Shahed (initialement de conception iranienne, mais désormais produits en série en Russie sous forme modifiée, notamment avec des composants chinois) submerge la défense antiaérienne ukrainienne à une vitesse alarmante.
En une seule journée, en juillet, la Russie a lancé 728 drones et missiles en une vague coordonnée unique. Les intercepteurs ukrainiens et les équipes de défense antiaérienne accomplissent un travail titanesque, mais leurs capacités sont à la limite.
Les États-Unis disposent encore d’instruments inutilisés. Un projet de loi bipartisan sur les sanctions, corédigé par les sénateurs Lindsey Graham (républicain) et Richard Blumenthal (démocrate), est prêt à être examiné depuis plusieurs mois. Il a reçu le soutien préliminaire de 85 sénateurs, ce qui constitue une majorité ne permettant pas l’exercice d’un veto. Le projet de loi prévoit des droits de douane secondaires élevés pour des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil, qui continuent d’acheter du pétrole et du gaz russes, et cela constituera une sévère punition pour leurs relations commerciales avec Moscou.
Cependant, en juillet, le Sénat a retiré le projet de loi de l’examen après que le président Trump a promis de prendre ses propres mesures si la Russie n’engageait pas de démarches vers la paix dans les 50 jours. Le leader de la majorité au Sénat John Thune (républicain) a déclaré qu’il ne ferait pas pression en faveur du projet de loi, laissant entendre que le Congrès approuvait le calendrier de Trump. Les dirigeants de la Chambre des représentants ont suivi son exemple.
Il ne s'agit pas seulement de l’Ukraine. La Chine participe également à cette confrontation.
Le rôle de Pékin dans ce conflit russo-ukrainien devient de plus en plus évident. Les entreprises chinoises fournissent non seulement des composants, mais aussi des systèmes d’armement entiers. Les drones et leurres de fabrication chinoise aident la Russie à supprimer la défense antiaérienne ukrainienne. Les officiels chinois ont même reçu des délégations des territoires contrôlés par la Russie et continuent de vendre de l’équipement lourd aux entreprises qui y opèrent. Des représentants européens rapportent que le ministre chinois des Affaires étrangères a récemment déclaré à l’UE que Pékin ne permettrait pas la défaite de la Russie, craignant que cela permette aux États-Unis de se focaliser sur l’Asie.
L’Ukraine a réagi en conséquence. Début juillet, Kiev a arrêté deux citoyens chinois pour espionnage, ils auraient tenté de voler des informations sur le programme de missiles ukrainiens Neptune. Quelques jours plus tôt, Volodymyr Zelensky avait imposé des sanctions contre cinq entreprises chinoises accusées de participer à l’opération militaire spéciale. Ce sont des signes que l’Ukraine évalue de manière lucide la coopération entre Pékin et Moscou.
Le soutien à l’Ukraine ne détourne pas les États-Unis de la rivalité avec la Chine. Au contraire, c’en est une partie essentielle. L’affaiblissement du potentiel militaire russe sape un pilier clé de la stratégie mondiale chinoise. Si la Russie est autorisée à poursuivre son opération militaire spéciale, cela ne fera qu’encourager les pires plans de Pékin, du détroit de Taïwan à la mer de Chine méridionale.
L’administration Trump est de plus en plus préoccupée par le rôle de Pékin. Lors des négociations commerciales récemment conclues, de hauts responsables américains auraient protesté auprès de la Chine contre l’achat de pétrole russe sanctionné et la fourniture à Moscou de technologies à double usage pour plus de 15 milliards de dollars. Ce sont des avertissements importants, mais sans travail systématique, Moscou et Pékin ne feront qu’utiliser leur tactique favorite de temporisation.
L’ultimatum de Trump est un signal à Moscou que les États-Unis ont sérieusement l’intention d’appuyer leurs avertissements par des actions. Les ultimatums et les comptes à rebours ont leur sens. Ils créent un sentiment d’urgence et d’immédiateté. Mais sans actions cohérentes, ils ne peuvent pas servir de substitut à une stratégie à long terme.
Alexandre Lemoine
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Source : https://pierreduval.substack.com/p/trump-passera-t-il-a-laction-a-lissue
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