Impossible de compter combien de fois, précisément, cette loi a été annoncée puis enterrée. Présentée comme un tour de vis contre l’immigration illégale dans un premier temps, la loi Darmanin-Dussopt est surtout, en l’état, un blanc-seing pour une énième pompe aspirante.
Quinze jours avant la date prévue de discussion au Parlement, le projet de loi avait bel et bien été renvoyé aux calendes grecques. Un moyen sans doute, en pleine cacophonie post-promulgation de la réforme des retraites, de calmer la gauche et la rue… et surtout de ne pas achever les dernières forces d’un Olivier Dussopt particulièrement malmené pendant cette épreuve de force. D’autant que cette décision de report s’inscrivait « dans un temps politique qui ressemblait aux derniers instants du gouvernement Borne », rappelle un fin connaisseur des rouages de Matignon qui pointe du doigt « la pression mise par LR ». En effet, les Républicains avaient forcé Élisabeth Borne à repousser au moins à l’automne l’examen d’un éventuel projet de loi immigration « faute de consensus », d’après la locatrice de Matignon.
Une décision qui avait fait enrager le ministre de l’Intérieur, impatient d’achever le coup de barre à droite. Entre l’ancien lige de Nicolas Sarkozy et l’ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, on a presque l’impression de revivre un duel gauche-droite et dont la loi immigration serait la ligne de fracture. Quand on vous dit que la politique est bien souvent une affaire de symbole…
L’immigration, « celle dont on ne doit pas prononcer le nom »
En réalité, si Borne n’a pas trouvé de consensus avec LR, elle aurait pu en trouver un avec la nation tout entière. En effet, selon un sondage CSA pour CNews publié il y a un mois, 64 % des Français pensent qu'ils faut stopper l'immigration extra-européenne en France. Au RN, on en a conscience. « On nous a présenté un texte mou et sans saveur » : le député du Gard Yoann Gillet est sans illusion. Le vice-président du groupe RN à l’Assemblée nationale a été désigné co-référent avec l’élue girondine Edwige Diaz au sein du groupe. « Darmanin va faire croire que ce texte va protéger le pays de l’immigration massive pour, à la fin, nous présenter un texte qui va faire l’inverse », prophétise l’ancien directeur de cabinet du maire de Beaucaire, qui voit dans le ministre de l’Intérieur les reniements qui lui avaient fait quitter l’UMP juste après la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007… Au fond, les étiquettes changent mais l’impuissance reste !
La question jamais réglée
« 22 lois en trente ans » sur l’immigration, rappelait Benoît Hamon sur France Info, quelques mois auparavant. 22 lois et une addition de problèmes supplémentaires. 22 lois et toujours plus d’entrées illégales et légales, 22 lois et toujours l’incapacité à expulser et protéger les Français de cette vague d’insécurité que cette immigration provoque. C’est peut-être le point d’accord qu’on peut trouver avec Benoît Hamon : ce sont 22 lois de trop quand une seule suffirait. 22 lois pour masquer l’impuissance. 22 lois pour enterrer notre incapacité à nous faire respecter.