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Contre l’esprit bourgeois, pour une nouvelle Révolution conservatrice !

Contre l’esprit bourgeois, pour une nouvelle Révolution conservatrice !

« Dans l’attaque, nous espérions trouver une délivrance […] nous espérions sentir en nous les véritables valeurs du monde […] Nous croyions  au bonheur d’une prompte décision […] Nous ne luttions pas pour donner le bonheur au peuple. Nous luttions pour lui donner un destin. » (1)

Les Réprouvés d’Ernst von Salomon éclairent d’une lueur d’incendie une nécessité impérieuse : « La rupture de tous les liens qui nous attachaient à un monde corrompu, un monde à la dérive. »

Dominique Venner ne s’y est pas trompé, qui a très tôt été fasciné par cet ouvrage. Dans la Nouvelle Revue d’Histoire, en 2007, il salue encore « un grand livre plein de fureur et de noblesse, qui tire un trait sur le vieil humanisme et les bons sentiments. Un désir forcené de hauteur et d’héroïsme. La main qui ne tremble pas. Un autre avenir qui se dessine »… (2) Par ces quelques mots sont résumés l’esprit de ce qu’il faut bien nommer, même faute de mieux, la Révolution conservatrice que nous appelons de nos vœux.

Dominique Venner est resté fidèle toute sa vie aux Réprouvés, figures de « maudits » dont le récit constitue un véritable viatique pour ceux qui n’entendent pas subir les « temps de confusion » que nous ne cessons de traverser.

Comme il est resté fidèle aux idéaux de sa jeunesse.

Fidèle à sa jeunesse même – se blessant à ses épines, goûtant ses alcools forts, cette farouche volonté de « vivre plus vite, plus fort », de « brûler sa vie au service d’une grande cause ».

Car c’est encore cette odeur de soufre, de poudre, de métal et de feu, cette tension vers « la hauteur et l’héroïsme », que l’on retrouve – reformulées mais en aucun cas « assagies » – dans ses derniers écrits et bien sûr dans ses carnets. Il y dénonce « l’immonde bourgeoisie et ses rejetons de l’extrême-gauche à prétention humanitaire, les éternels sursitaires coliqueux pétochards de la guerre d’Algérie », considère la démocratie moderne comme un « système basé sur le compromis, le scepticisme et la relativisation des idées, la réduction de toute chose aux petits intérêts et à la tranquillité bourgeoise », et y affiche sans fard ses convictions : « Ce que nous détestons, c’est le bourgeois, les tièdes, les mous. »

Pourquoi une Révolution conservatrice ?

Nous savons avec Nietzsche ce qui mine notre vieux monde européen, ce qui flétrit l’âme des jeunes Européens et entache – entrave – leur devenir.

Ce sont l’universalisme, l’égalitarisme, la moraline.

Et derrière, les objets comme autant de véhicules de cette modernité : la Matière, les Machines, le Marché, la Marchandise. L’utilité comme destinée, la production comme horizon.

Être révolutionnaire-conservateur, c’est refuser ce destin de mouton.

Se révolter contre le monde moderne, c’est vouloir abattre ses fausses idoles.

C’est promouvoir l’identité des peuples et la polyphonie du monde face à l’universalisme niveleur. C’est vouloir incarner une nouvelle « aristocratie des âmes fortes » face à l’égalitarisme mesquin, au ressentiment des faibles. C’est, enfin, renouer avec le « réalisme héroïque » (Jünger), au risque du nihilisme, contre la moraline, les bons sentiments, le prêchi-prêcha du nouveau clergé politico-médiatique.

La nécessaire subversion doit donc s’opérer contre l’esprit du temps, qui est un esprit bourgeois.

Non pas le bourgeois en tant que classe sociale – on est toujours le bourgeois de quelqu’un ! – mais en tant qu’esprit. Un esprit de boutiquier : calculateur, utilitaire, égoïste, rationnel, étriqué, conformiste. Lâche.

Cet « esprit mercantile » est strictement contraire à l’« esprit héroïque », pour reprendre la célèbre dichotomie analysée par Werner Sombart :

« Le marchand et le héros : ils constituent les deux grandes oppositions, les deux pôles de toute l’orientation humaine. Le marchand entre dans la vie en lui disant : que peux-tu me donner ? Il veut prendre, il veut, en échange du moindre effort, avoir le plus possible, il veut conclure avec la vie une affaire avantageuse. Bref : il est pauvre. Le héros entre dans la vie en lui demandant : que puis-je te donner ? Il veut faire des cadeaux, il veut se dépenser sans contrepartie. Bref : il est riche. Le marchand ne parle que de ses « droits », le héros ne parle que de ses « devoirs » […] Nous pouvons dire encore que la mentalité mercantile tourne autour de l’intérêt, la mentalité héroïque autour de l’idée ; l’essence de celle-là [celle du bourgeois] est de réclamer, l’essence de celui-ci [le héros, en réalité l’aristocrate de sa vie] est de se sacrifier. » (3)

Combat titanesque et permanent, que Jünger résume en une formule cinglante : « Un abîme nous sépare de ceux qui se battent pour un bien-être matériel. » (4)

Révolte contre la bassesse du monde

Notre combat est donc celui-là : l’insurrection face à la laideur, la révolte contre la bassesse du monde – le refus que règne en maître cette bassesse qui existe en chaque homme.

Tuer d’abord, chaque matin, le petit-bourgeois qui sommeille en nous.

Si nous voulons une révolution, c’est pour renouer avec la beauté réelle et les sentiments profonds, avec l’esprit de sacrifice et la volonté de puissance.

L’étincelle qui embrasera la plaine doit d’abord embraser les cœurs et les esprits de chacun d’entre nous, les « Vieux Européens ».

Cette révolution est conservatrice au sens où il ne s’agit pas de défendre l’ordre en place, bien sûr, mais d’incarner ce qu’il reste de valeur non marchande dans un monde étriqué, épuisé, finissant.

Cette « révolution » doit se comprendre au sens étymologique et technique, astronomique du terme – comme un retour sur notre axe original, originel, « dans l’axe central et royal du nouveau courant » (Evola). Ce que résume bien Heidegger lorsqu’il écrit que « le commencement a fait irruption dans notre avenir » et qu’« il y demeure, nous appelant de sa voix lointaine à rejoindre de nouveau sa grandeur ».

Car ce qu’il s’agit de conserver, ce ne sont pas les formes d’une civilisation occidentale à l’agonie. C’est la soif de l’âme qui ne demande qu’à s’abreuver aux sources pérennes de notre culture européenne.

Être « conservateur », ce n’est pas être réactionnaire, c’est être radical. Revenir aux racines. Ne rien regretter, ne rien concéder. Non pas tenter de réanimer artificiellement des choses mortes, mais reprendre conscience d’un héritage pour le recréer sous des formes nouvelles. Arthur Moeller nous le rappelle : « Ce qui était ne sera jamais plus ; mais ce qui est de toujours peut toujours revenir. » (5)

C’est à cette révolte de l’âme contre le Zeitgeist petit-bourgeois de l’époque qu’appelaient déjà Stefan George mais aussi Jean-René Huguenin, contemporain de Dominique Venner – dont la lecture de Heidegger lui inspire le commentaire suivant : « Retour aux origines, condition de tout renouvellement, de tout recommencement. » (6)

Pour un Ordre implicite…

Les modalités de la révolution importent peu.

Elle adviendra fatalement pour résoudre la crise que nous traversons, que Jünger assimilait à un nœud gordien à trancher, et Gramsci à un interrègne entre un ordre déjà mort et un autre à venir, entre « l’ancien monde qui meurt » et « le nouveau monde [qui] ne parvient pas [encore] à naître », et où toutes les bifurcations sont donc encore possibles. (7)

Cette révolution sera nécessairement brutale, surgissant comme un « imprévu dans l’histoire », dès lors que le « bourgeois » aura vraiment peur, mal, froid, et sera donc en quête éperdue de protection dans le chaos des temps à venir.

Mais nous pouvons préparer cette révolution – mieux encore nous y préparer – à la fois intellectuellement, métapolitiquement, et surtout spirituellement. Non pas céder au culte des ruines et des cendres, mais préserver la forge et le feu. Par la constitution de quelques « secrètes aristocraties », gardiennes des mystères sacrés.

Il ne s’agit plus en effet de prendre de vive force quelque Palais d’Hiver, le pouvoir n’étant plus depuis longtemps là où il prétend être. Mais de construire des « citadelles intérieures », inexpugnables, où se vivent, se gardent et se transmettent nos lois immémoriales.

Ce sont ces lois, cette secrète alchimie qui unit une terre et un peuple, justifiant la persistance de ce peuple dans l’histoire, sur la terre de ses ancêtres, qu’il nous reviendra de révéler à des populations déboussolées, ivres de sens et de repères – ivres du vin et du sang perdus.

Dominique Venner évoque dans La Nouvelle Revue d’Histoire ces loyautés silencieuses, ces « exemples vivants d’héroïsme intérieur et d’authentique noblesse [qui] forment à travers les âges une sorte de chevalerie secrète, un Ordre implicite, dont Hector le Troyen fut le précurseur ». (8)

C’est le cercle des « exilés de l’intérieur », porteurs du flambeau d’une « Allemagne secrète », souterraine, regroupés autour du poète Stefan George, et dont Stauffenberg sera le chevalier porte-glaive. (9)

C’est « l’aristocratie des âmes fortes » que le romancier Jean-René Huguenin appelait de ses vœux, pour « créer les conditions d’un nouvel héroïsme [et] attaquer, par tous les moyens possibles, la civilisation bourgeoise », afin de « retrouver le secret de cette union insensée entre la puissance et l’amour ». (10)

C’est aujourd’hui l’Institut Iliade, né du sang du sacrifice de Dominique Venner, dont la jeunesse est un élan. Car « ce que nos morts attendent de nous, ce n’est pas un sanglot, mais un élan. » (Pierre Brossolette)

Un double élan.

Un élan héroïque pour s’arracher aux pesanteurs du matérialisme, aux seules lois de l’économie, de l’utilité, de la futilité.

Un élan poétique vers un horizon de grandeur et de beauté.

Élan vital que résume notre vieux cri de guerre et de volonté : « Europe, réveille-toi ! »

Grégoire Gambier

Notes

  • 1. Ernst von Salomon, Die Geächteten, 1930.
  • 2. La Nouvelle Revue d’Histoire n°32, septembre-octobre 2007.
  • 3. Werner Sombart, Händler und Helden, 1915.
  • 4. Ernst Jünger, Das Wäldchen 125, 1925.
  • 5. Arthur Moeller van den Bruck, Das dritte Reich, 1923.
  • 6. Dominique Venner, Carnets rebelles, volume 1, 2021.
  • 7. Antonio Gramsci, Cahiers de prison (1929-1935), 1948.
  • 8. La Nouvelle Revue d’Histoire n°45, novembre-décembre 2009.
  • 9. Cf. Stefan George et son Cercle – De la poésie à la révolution conservatrice, par Benjamin Demeslay, La Nouvelle Librairie Editions, coll. Longue Mémoire de l’Institut Iliade, 2022.
  • 10. Jean-René Huguenin, Journal, 1964.

https://institut-iliade.com/contre-lesprit-bourgeois-pour-une-nouvelle-revolution-conservatrice/

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