Nutri-score est en effet souvent cause d’incompréhension et d’indignation, notamment dans les filières agricoles et agro-alimentaires sous SIQO (signes d’identification de la qualité et de l’origine), surtout quand sont évoqués des exemples déroutants de produits industriels mieux notés que des produits du terroir : frites surgelées en A, chips industrielles en C, plats préparés en barquette en B, pizzas surgelées en C...
Inventé afin de rendre plus lisible un tableau nutritionnel, ce système de notation des produits alimentaires est apparu en France en 2017, avant d’être adopté par d’autres pays européens (Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Luxembourg). Facultatif, son étiquetage classe la qualité nutritionnelle des produits selon une échelle de cinq couleurs associées à des lettres allant de A à E. Le classement est déterminé au moyen d’un algorithme qui considère la teneur en nutriments et aliments à favoriser et en nutriments à limiter (acides gras saturés, sucres, sel).
Un calcul partial
Ce classement ne se fonde ainsi que sur le tableau nutritionnel. Il ne tient pas compte des ingrédients, c’est-à-dire des éventuels additifs, édulcorants et allergènes, et surtout des procédés de fabrication
Ainsi, certains produits de nos régions comme les fromages, les charcuteries, les fruits secs, dont la provenance et les procédés de fabrication sont connus et reconnus, se trouvent en mauvaise posture face à la concurrence des produits transformés. Produits dont les sucres, sels et mauvaises graisses peuvent disparaître de leurs emballages, car la notation influant sur les ventes (comme le montre une étude Nielsen de 2019, citée dans un rapport du Sénat), les industriels ont adapté les recettes, optant pour le camouflage. D’où la mode grandissante des produits « zéro calorie », « sans sucre », « -25 % de sel ».
Pendant que les géants de l’agro-alimentaire raflent les A et les B, des fromages comme le roquefort sont condamnés au E, à moins d’abandonner les recettes ancestrales que la France, et l’Europe, se donnent pourtant tant de mal à protéger (AOC, AOP, IGP...). Il existe cependant une autre alternative : adapter les critères de calcul du Nutri-score.
Adapter les critères de notation
De fait, ce n’est pas tant son bien-fondé que ses critères qui sont remis en cause par nombre de producteurs. Il est ainsi proposé de fonder les calculs sur des portions adaptées (30 g et non 100 g pour le fromage) et de préciser si le produit a été transformé. À ce sujet, le Sénat a souligné, dans un rapport d’information de juin 2022, le danger que présentaient les aliments ultra-transformés (AUT). Il dénonçait ainsi ces AUT comme cause, entre autres, de risque d’obésité. Aussi, « consommer 1.000 kcal d'aliments peu transformés n'a pas le même effet que 1.000 kcal d'aliment ultra-transformés », précisait Anthony Fardet, chercheur en nutrition, consulté par les rapporteurs.
Sachant que la Commission européenne s’est engagée à proposer une législation pour un étiquetage nutritionnel commun aux vingt-sept États membres, une réévaluation des critères du Nutri-score est donc souhaitable. Réévaluation qui se fondrait, d’ailleurs, parfaitement dans la stratégie très contestée « de la ferme à la fourchette » présentée en mai 2020 par la Commission. Mais de ce projet européen, pas de nouvelle…
Jean de Lacoste
https://www.bvoltaire.fr/cree-contre-la-malbouffe-nutri-score-menace-des-produits-du-terroir/