Suite au renversement, le 26 juillet dernier, du président de la République du Niger, Mohamed Bazoum, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adressé, quatre jours plus tard, un ultimatum aux putschistes militaires.
Il a expiré ce 6 août, sans autre réaction que la fermeture préventive « jusqu’à nouvel ordre » de l’espace aérien national.
On pourrait croire que cette fermeté affichée, soutenue par le ministre des Affaires étrangères de la France, fera de ce putsch singulier le dernier d’une longue et ancienne série de renversements politiques au Niger. On peut en douter.
Car le rejet de cet « ultime ultimatum » pourrait sonner le glas de « l’ultime illusion » de l’autorité et de la crédibilité des institutions africaines, divisées et impuissantes face à des populations exaspérées par la défaillance et la prédation de régimes corrompus. Rejetée, la France continue pourtant de faire preuve d’activisme politique. Par idéal démocratique prétexté ; solidarité politique légitimée ; impératif de sécurité collective invoqué ; mais aussi par intérêt économique inavoué. Car, au Niger, ultimatum rime avec cet uranium exploité par la société française Orano, le nouveau nom d’Areva.
À l’échelle régionale, si corrélation n’est pas causalité dans des contextes différents, un lien évident existe avec les renversements militaires et populaires survenus au Mali (août 2020, mai 2021), en Guinée Conakry (septembre 2021) et au Burkina Faso (septembre 2022). Les tentatives d’étouffement par sanctions économiques et isolement politique de ces mouvements populaires, dont le principal tort est d’avoir renversé par la force des régimes incapables d’assurer leur part régalienne du contrat social (sécurité, santé, éducation, développement économique), sont inefficaces et contre-productives.
Nul besoin d’y voir l’œuvre occulte de puissances étrangères. Ce n’est pas « la faute à Wagner », quand bien même quelques drapeaux russes ont été aperçus, ici ou là.
La Macronie parvient très bien à se tirer elle-même « une balle dans le pied » par une politique africaine masochiste et confuse, impuissante et arrogante, qui fait le jeu de la Chine, de la Russie, de la Turquie et de faux alliés comme les États-Unis et des pays européens. Le deuxième Forum Russie Afrique, qui s’est tenu à Saint Pétersbourg fin juillet, a autant permis à la Russie de renforcer sa position en Afrique que le Forum Afrique France d’octobre 2021 et le Sommet de la Francophonie de novembre 2022 ont affaibli la puissance et l’influence de la France.L’ultimatum est une exigence que l'on met en demeure d'accepter, sans possibilité de discuter. Encore faut-il en avoir les moyens, car le bluff ne suffit pas et les précédents confortent les audacieux. Plusieurs pays proches, dont le géant Nigeria, le Burkina et le Mali, ont déjà rejeté le principe de leur participation à une intervention armée. La réunion de crise de la CEDEAO prévue ce 10 août pourrait exacerber les profondes divergences entre ses membres et enterrer le projet d’une force régionale significative.
On avait souligné ici, il y a un an, le caractère inédit et surréaliste d’un projet de « Force anti-Putsch » annoncé en fanfare par le président en exercice de la CEDEAO à l’occasion de la visite de Macron en Afrique de l’Ouest. « Cette entité va permettre à tout le monde de comprendre que nous sommes au XXIe siècle et qu’il est inadmissible et inacceptable de faire des coups d’État », avait déclaré le vibrionnant Président français qui avait alors hasardé : « c’est un instrument extrêmement efficace pour lutter contre les déstabilisations qu’on a vues fléchir dans la région où des groupes militaires ont exploité, parfois, l’affaiblissement de l’État pour prendre le pouvoir. Voilà ce qui est attendu de la CEDEAO. » Des paroles sans suite, faute de pertinence et de réalisme, qui font sensation dans les médias mais n’impressionnent personne sur le terrain.
Le magnat de l’automobile Henri Ford disait : « Ne cherchez pas la faute, cherchez le remède », voyant dans l’échec une chance pour recommencer plus intelligemment. Les dirigeants africains et leurs soutiens étrangers feraient bien, au contraire, de s’intéresser enfin aux fautes et aux causes, car les printemps africains avancent.