Durant tout le livre, Jean-Pierre Le Mat déconstruit certains mythes Français, de Voltaire à Michelet en passant par Jules Ferry, Charles De Gaulle ou encore Louis Aragon.
On regrettera que l’auteur tombe dans une forme d’anachronisme que l’on retrouve souvent chez certains auteurs idéologiquement engagés. Il consiste à prendre des déclarations historiques, à les sortir de leur contexte et à les interpréter avec notre regard actuel. Voltaire et Barrère (comme d’autres) sont ainsi qualifiés de « racistes » et de partisans de l’inégalité des races. C’était, à leur époque, une vision pourtant courante et presque naturelle.
Il n’en demeure pas moins que ce travail précis et documenté de recherche historique fait tomber définitivement le mythe républicain français. Il démontre que ce pays, ainsi que ses modèles, ne sont pas forcément des modèles de vertu et d’humanisme comme ses élites le martèlent à qui veut l’entendre. Occultant l’Histoire de ces peuples, la France a imposé l’enseignement de sa propre Histoire. De Clovis à De Gaulle, elle a bâti une légende historique, magnifiant les faits qui arrangeaient sa politique intégrationniste et ne retenant de ses“grands hommes” que les écrits qui allaient dans son sens.
Ils ont fait la France, contre-enquête de Clovis à Charles de Gaulle – Yoran Embanner – 16€
Entretien avec Jean-Pierre Le Mat.
Breizh-info.com : pourquoi avoir décider d’écrire l”ouvrage « ils ont fait la France » ?
Jean-Pierre Le Mat : J’avais déjà publié ces études historiques, et bien d’autres, sur mon site contreculture.org. Plusieurs éditeurs m’ont proposé d’en faire un livre. Aujourd’hui c’est fait, avec Yoran Embanner.
Breizh-info.com : vous vous attachez à démonter certains mythes fondateurs de la France mais aussi et surtout de la République française. Est-ce une forme de vengeance que vous entendez mener ?
Jean-Pierre Le Mat : Pas du tout. Pour me venger de quoi ? Non, la démythification est une activité saine, sportive, accessible à tous. Elle devient jubilatoire quand il s’agit des mythes fondateurs français.
Breizh-info.com : Comment avez vous sélectionné vos personnages ?
Jean-Pierre Le Mat : J’ai choisi les personnages les plus symboliques. Ils sont vénérés par ceux qui sont fiers d’être Français. Et les mêmes peuvent en avoir le plus honte. Mélanger l’excès de fierté et de honte produit une matière explosive.
Breizh-info.com : Néanmoins, ne tombez vous pas vous même dans le politiquement correct et dans l’anachronisme, en traquant ici et là les propos racistes dans l’histoire, les prises de position antisémite, ce qui constitue une bonne partie de votre ouvrage ? Est-ce que, à l’heure ou le mot République est utilisé partout, à l’heure où la lutte contre le racisme est devenue une priorité d’Etat, vous ne donnez finalement pas du grain à moudre aux tenants d’une dictature de la République antiraciste, mémoricide, et quasi dictatoriale ?
Jean-Pierre Le Mat : Laissons l’appellation de “politiquement incorrect” aux intellectuels mondains qui passent à la télévision. Je n’en fait pas partie.
En France, pour refuser toute légitimité aux revendications bretonnes, on trouve tout à fait normal d’évoquer les Chouans et Breiz Atao, bref de faire de l’anachronisme. Je trouverais malvenu que l’on m’accuse de brandir un miroir. Mon livre rapporte des paroles authentiques et des faits avérés ; il ne porte pas de jugement.
Je ne pense pas que les tenants d’une dictature républicaine apprécieront mon livre. Je m’attends à des réactions. Les citations racistes ou antisémites des grands hommes français sont révélatrices. Mais les censurer est (et sera) encore plus révélateur.
Breizh-info.com : N’y a t-il pas, derrière l’ouvrage, une énième thèse victimaire, qui supposerait que les Bretons soient les éternels vaincus de l’histoire de France , les éternels colonisés, quitte à les comparer à des peuples qui n’ont à voir ni de près ni de loin avec eux (des Indiens d’Amérique aux Algériens ) ?
Jean-Pierre Le Mat : C’est exactement le contraire. J’ai été très impressionné par l’efficacité de la méthode mise au point par une intellectuelle bien connue pour attaquer l’identité bretonne : un mélange d’humour, de citations authentiques bien choisies, et d’explications logiques.
Retourner le jeu de massacre identitaire contre l’identité française, c’est passer du statut de victime à celui d’attaquant. Parce que la France dispose d’un Etat, d’une police et d’une Education nationale, on a cru que le jeu ne pouvait fonctionner que dans un seul sens. C’est faux et j’espère que d’autres joueurs viendront se joindre à moi. Mon livre aurait pu s’intituler : “La France, le point de vue breton”. Pourquoi pas, à suivre “La France, le point de vue algérien, russe, alsacien, corse, sénégalais” ?
Breizh-info.com : Les régionales arrivent en Bretagne. La liste d’Union Troadec – UDB qui pourrait se profiler n’est-elle pas une nouvelle répétition d’une histoire qui a conduit le mouvement Breton à l’échec permanent ? Quel est le point commun entre un Bonnet rouge canal historique et un militant de l’UDB, de gauche humaniste avant d’être Breton ?
Jean-Pierre Le Mat : Les hommes et les femmes sont toujours plus intéressants que leurs étiquettes. Ils valent mieux que les institutions ou les partis auxquels ils se rattachent. Je suis incapable de haïr quelqu’un. De plus, nous vivons dans une révolution permanente, à la fois technologique, économique et politique. Dans un tel environnement, une guerre de tranchées n’a aucun sens. L’objectif est de saisir des opportunités pour la Bretagne, pas de défendre un mythe.
Breizh-info.com : comment avez vous vécu les déclarations de l’ancien Ministre Luc Ferry qui reconnait enfin le génocide brito-vendéen ?
Jean-Pierre Le Mat : Je n’y porte aucune attention.
Breizh-info.com : que deviennent les Bonnets rouges ?
Jean-Pierre Le Mat : Ils sont comme les tremblements de terre. Ils grondent sous la surface. On sait qu’ils vont revenir. Mais nul ne peut dire quand cela adviendra, ni comment.
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