Le maréchal Ferdinand Foch, polytechnicien, artilleur – ce qu’on appelait, alors, une arme savante -, était un « grand cartésien » qui « avait foi dans la raison humaine », comme l’écrivit André Tardieu (1876-1945), son collaborateur pendant la guerre et futur président du Conseil. Raymond Recouly (1876-1950), un autre de ses biographes d’avant-guerre, rapportait les propos de Foch au sujet d’un homme politique que l’on disait appelé à un bel avenir : « C’est un sceptique. Il ne croit à rien. Ainsi, n’arrivera-t-il à rien. » Foch était donc aussi un homme de foi : « Une foi de simple, de charbonnier » qui lui donnait « une assiette fixe, inébranlable, pour y bâtir et y organiser son existence tout entière », poursuivait Recouly. Toujours dans son Mémorial de Foch, Recouly raconte que le maréchal évoquait souvent ce légionnaire romain prévoyant qui emportait toujours avec lui un pieu pour étayer sa tente lorsqu’il arrivait le soir à l’étape. Foi et raison.
Et c’est donc à un officier romain que Foch, signataire de l'armistice, généralissime des armées alliées en France, marqua sa reconnaissance en faisant apposer, la guerre terminée, un ex-voto dans la crypte de la basilique Saint-Martin à Tours :
« À saint Martin – 11 novembre 1918 – Foch – Maréchal de France »
Car Martin, l’apôtre de la Gaule, né en 316 dans l’actuelle Hongrie, fut d’abord un soldat. Comme son père. Il combat les Alamans en Rhénanie. Puis il se fait baptiser et quitte l’armée pour rejoindre à Poitiers saint Hilaire. Averti en songes qu’il devait convertir ses parents, il traverse de nouveau l’Europe pour se rendre en Illyrie - l’actuelle Albanie. De retour à Poitiers, Martin se voit confier par Hilaire la mission de fonder un ermitage à Ligugé. Ce sera le premier monastère de Gaule. En 371, les habitants de Tours demandent à Martin de devenir leur évêque. Réticent, il se soumet cependant à la vox populi. Martin, homme de terrain, refuse de s’enfermer dans son palais épiscopal, vit comme un moine, fonde des monastères, dont celui de Marmoutier près de Tours, et sillonne les campagnes pour évangéliser la Gaule. En 397, le vieil évêque se rend à Candes, village situé au confluent de la Loire et de la Vienne, pour régler un litige entre ecclésiastiques. Il y meurt le 11 novembre. Poitevins et Tourangeaux se disputent alors sa dépouille, mais ces derniers sont plus rusés et réussissent à la rapatrier par voie fluviale. C’est là que la légende et l’Histoire se mêlent puisque les fleurs se seraient mises à éclore au passage de la barque funéraire : l’été de la Saint-Martin !
La popularité de saint Martin fut très grande au cours du Moyen Âge et il ne faut d’ailleurs pas s’étonner si près de cinq cents localités en France portent son nom. Et le patronyme Martin est l’un des plus répandus, aujourd'hui encore, chez les « Français de souche ». La Saint-Martin restera pendant des siècles une fête très populaire en France. C’était le jour où étaient renouvelés les baux dans nos campagnes, où les valets de ferme se cherchaient aussi un nouveau maître. En somme, une fête enracinée au plus profond de la terre gauloise.
Une terre à laquelle la famille de Foch était attachée. Fils de fonctionnaire, petit-fils d’un officier, chevalier de l’Empire, il « sortait d’une forte race de tisseurs et de drapiers du Comminges ; d’une race commerçante, mais qui tenait au sol par ses racines et qui avait toujours vécu dans sa maison », écrivait Tardieu. Le 11 novembre 1918, le vieux pays gaulois combat depuis plus de quatre ans pour recouvrer ses provinces perdues et sa frontière sur le Rhin, face, non pas aux Alamans, mais aux Allemands.
Georges Michel
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