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Jacques Julliard, pourfendeur de la pensée islamo-gauchiste

« Dans l’église, tout le monde se retrouve sur les mêmes bancs, mais pas le moindre signe de connivence, une forte indifférence mutuelle qui dit, à sa manière, l’itinéraire compliqué, humainement contrasté, du disparu. » (Laurent Telo, "Le Monde" le 14 septembre 2023).

L'historien et éditorialiste politique Jacques Julliard est mort vendredi 8 septembre 2023 à l'âge de 90 ans et demi (il est né le 4 mars 1933). Ce passionné de la vie politique biberonné aux louanges du radical socialiste Édouard Herriot, dont l'arrière-grand-père, le grand-père grand ami de Paul Painlevé et le père étaient des élus locaux, était l'un des intellectuels de la deuxième gauche, celle qui espérait en Pierre Mendès France, celle qui admirait De Gaulle.

L'intellectuel de gauche a été enterré ce mercredi 13 septembre 2023 en l'église Saint-Gilles de Bourg-la-Reine accompagné de quelque cent cinquante personnalités de gauche... et de droite et de nulle part, des intellectuels et journalistes comme Pascal Bruckner, Alain FinkielkrautAlain Minc, Élisabeth Roudinesco, Franz-Olivier Giesbert, Alexis Brézet, Eugénie Bastié, Michel Winock, Frédéric Martel, etc. ; et des politiques et syndicalistes comme Jean-Michel BlanquerManuel Valls, Hervé Gaymard, Nicole Notat, etc.
L'ancien ministre Arnaud Montebourg, également présent, a lâché : « Jacques a guidé mes premiers pas. Mais on se demande qui, à gauche, est encore capable de venir aux obsèques de Julliard... » (propos recueillis par "Le Monde"). Sylvie Rocard, veuve de Michel Rocard, était néanmoins présente. Parmi les absences remarquées, celles de François Hollande et de Bernard Cazeneuve. Aucun membre du gouvernement actuel non plus. L'essayiste Frédéric Martel, un peu dépité, a conclu après la messe : « Il restera le dernier d'une gauche qu'on enterre avec lui aujourd'hui. » ("Le Monde").
Au cours de la cérémonie, l'historien Christophe Prochasson, président de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) où Jacques Julliard était devenu directeur d'études, expliquait la complexité de la pensée de l'intellectuel disparu : « Jacques Julliard disait qu'en son tribunal intérieur, il y avait 50% pour la social-démocratie, 25% pour la fibre conservatrice et 25% pour le sentiment anarchiste. (…) Inclassable, il n'était jamais satisfait du confort des étiquettes. ».



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De mère catholique pratiquante et de père agnostique anticlérical, il ne se disait pas "démocrate chrétien" mais "socialiste religieux". Militant de l'UNEF puis de la CFDT, normalien, agrégé en histoire, chercheur au CNRS, essayiste réputé (il a publié une quarantaine d'ouvrages politiques ou historiques), Jacques Julliard a rimé avec Michel Rocard pendant près d'une cinquantaine d'années. Éditorialiste politique au "Nouvel Observateur" de 1969 à 2010, Jacques Julliard avait viré et certains ont même affirmé qu'il avait viré à droite. En tout cas, il publiait des éditoriaux dans "Marianne" depuis 2010 et dans "Le Figaro" depuis 2017. Il a par ailleurs produit une émission de débat sur France Culture de 1984 à 1989.
Ce qui l'inquiétait le plus dans les dernières années de sa vie (au point de trouver dans Éric Zemmour un début de salut intellectuel), c'était la montée d'une gauche qui a abandonné la laïcité et les valeurs républicaines. Ce sont les attentats terroristes de 2015 et 2016 qui ont définitivement convaincu l'intellectuel rocardien de résister à un islamisme politique conquérant.


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Et à ce titre, il n'était pas tendre avec son ancien ami socialiste Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, dans son éditorial du 3 septembre 2016 dans "Marianne", il était très clair en se référant même au roman de Michel Houellebecq, "Soumisson" : « Je me demande pourquoi tant d'agnostiques convaincus, de non-conformistes patentés, se sont laissé rassoter, cocufier, embobiner, encabêquer, tartufier par la religion la plus fidéiste, la plus conformiste et aujourd'hui, la plus sanglante de la planète ? (…) C'est le machisme le plus brutal et la réduction de la femme à l'état de propriété privée qui l'emportent, avec la complicité imbécile de quelques Marie-Chantal du féminisme. Et que dire de ces matamores de la révolte en chambre, de ces insoumis de Quartier latin, de ces hors-la-loi de plateaux télé, affichant à longueur de manifeste leur mépris de la légalité bourgeoise, qui se transforment soudain en juristes pointilleux, en avocaillons pinailleurs, dès qu'il s'agit d'excuser l'islamisme ? ».
Un autre éditorial était particulièrement important après la réélection d'Emmanuel Macron. Jacques Julliard ne comprenait pas comment le parti socialiste s'était fait escroquer intellectuellement par les insoumis en rejoignant la Nupes.



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Le 6 mai 2022 dans "Marianne", Jacques Julliard rappelait effectivement les graves dangers d'une désignation fantasmée de Jean-Luc Mélenchon à Matignon à l'issue des élections législatives. Il en énumérait cinq.
L'économique et le social : « L’application brutale de l’ensemble des propositions du programme de Mélenchon nous conduirait à la catastrophe : la retraite à 60 ans, le SMIC à 1 400 €, le blocage des prix, l’augmentation des salaires. Et j’en passe. (…) Il y a quelque chose de pire que de ne rien faire pour les plus défavorisés : c’est de les payer de fausse monnaie, au risque d’aggraver une situation antérieure. L’inflation n’est pas seulement un problème pour le secteur productif tout entier. Elle est le fléau des revenus fixes, des retraites, des bas revenus, de toutes les personnes assistées. ».
Le nucléaire : « La diabolisation du nucléaire, la plus propre, la plus décarbonée, la plus écologique des sources d’énergie, est le fait des écolos, en tout cas des plus décervelés d’entre eux. Dans la compétition internationale, dans la concurrence amicale avec les Allemands, le nucléaire est un des rares atouts majeurs de la France. ».
L'islamisme : « Jean-Luc Mélenchon est, dans ce domaine, l’exemple consternant d’un républicain, d’un laïque devenu par démagogie et électoralisme le sixième pilier de l’islam, ou plutôt de l’islamisme en France. Qu’il ait défilé avec le CCIF en est une manifestation incontestable. Il n’a jamais reconnu son erreur. Pis que cela : sous prétexte de "créolisation", un concept creux, il accorde au cléricalisme islamique ce que la République n’a jamais concédé, avec raison, au cléricalisme catholique de naguère. ».
L'Europe : « Des socialistes en peau de lapin, comme Olivier Faure, se sont ralliés à l’idée mélenchonienne de désobéir à l’Europe ! Mais nous n’avons pas à désobéir à l’Europe ; nous avons à en prendre la tête ! Dans leur majorité, les Français savent que notre avenir, notre sécurité, notre prospérité, en un mot la paix, sont liés à notre appartenance européenne. L’isolationnisme de Mélenchon est le complément de son islamo-gauchisme et de son refus de la modernité. C’est un homme du passé qui confond la France libre de Charles de Gaulle avec la France seule de Charles Maurras. ».
Et l'Ukraine : « Mettre Mélenchon au pouvoir, c’est rompre avec le sursaut et la détermination des grandes démocraties contre les agissements de plus en plus hitlériens de l’autocrate de Moscou. (…) Il m’est arrivé de dire que l’antiaméricanisme est le socialisme des imbéciles. Mélenchon n’est pas un imbécile, loin de là, et il me semble que cela aggrave son cas. Dans ce contexte, sa proposition de quitter l’Otan, c’est tenir la balance égale entre l’agresseur et l’agressé. C’est totalement inacceptable. ».
Il faut préciser que le 30 août 2023, lors des Rencontres de Saint-Denis, un consensus avait été trouvé sur le soutien sans faille à l'Ukraine par l'ensemble de la classe politique, y compris le parti de Jean-Luc Mélenchon.
La conclusion de Jacques Julliard est prophétique et sans doute qu'elle sera lue et relue par de futurs candidats à l'élection présidentielle à gauche, y compris l'ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve malgré son absence à l'enterrement : « L’avenir de la gauche est, en France, et comme dans la quasi-totalité des pays d’Europe, lié à une renaissance et à une modernisation de la social-démocratie. Qu’est-ce que la social-démocratie ? C’est la seule forme de socialisme qui n’aboutit pas à élever une dictature impitoyable sur des monceaux de cadavres. C’est l’extension de la justice sociale, de toute l’égalité sociale compatible avec un niveau incompressible de liberté. Le mélenchonisme n’est ni l’avenir ni la justice, c’est une construction qui repose sur un homme et sur les branches pourries du mouvement social. Épargnons-nous ce retour en arrière. ».
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Jacques Julliard dans "Marianne" le 6 mai 2022 : "Oui à l’union, non à Mélenchon".
Jacques Julliard.
Gérard Leclerc.
Le nouveau JDD.
Geoffroy Lejeune.
Pap Ndiaye et les médias Bolloré.
Alexandre Adler.
Antone Sfeir.
Anne Sinclair.
Jean-François Kahn.
Victoria Amelina.
Éric Zemmour.
Denise Bombardier.
Pierre Loti.
Laurent Ruquier.
François Cavanna.
La santé à la radio.
Philippe Tesson.
Daniel Schneidermann.
Catherine Nay.
Serge July.
La BBC fête son centenaire.
Philippe Alexandre.
Alain Duhamel.



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 https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jacques-julliard-pourfendeur-de-la-250292

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