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A La Une, International Claudiu Stanasel (Lega) : « Notre défi, en tant que citoyens italiens, et de tous les citoyens européens, doit être de vaincre définitivement l’immigration illégale » [Interview]

Claudiu Stanasel, membre de la Lega (Ligue), est vice-président du Conseil municipal de Prato, une ville de Toscane, en Italie, qui compte près de 200.000 habitants et qui est située près de Florence. Il est originaire de Roumanie. Lionel Baland l’a interrogé pour Breizh-info.

Breizh-info : Vous êtes arrivé en Italie en l’an 2000 avec vos parents. La culture italienne et la culture roumaine semblent proches. Quelles sont cependant les différences qui existent entre-elles ? Votre intégration a-t-elle été facile en Italie ? Vous avez acquis la nationalité italienne. Vous sentez-vous plus Roumain ou Italien ? Avez-vous encore des liens avec des personnes vivant en Roumanie et vous y rendez-vous de temps à autre ? Comment percevez-vous l’évolution de la Roumanie au cours des dernières années ? 

Claudiu Stanasel : Je suis arrivé en Italie en l’an 2000, à l’âge de 6 ans, grâce à l’engagement et au sacrifice de mes parents. Cela constitue un changement qui a bouleversé ma vie et grâce auquel j’ai rencontré des opportunités que je n’aurais jamais pu avoir dans mon pays d’origine, la Roumanie, au cours de ces années-là. Pour cela, je serai toujours reconnaissant envers mes parents car ce qu’ils ont fait pour moi est vraiment extraordinaire et m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui. Il y a beaucoup de choses en commun entre la Roumanie et l’Italie, aujourd’hui encore plus que lorsque je suis parti. À l’époque, il y avait une grande différence entre la Roumanie, un pays qui sortait d’une révolution qui avait eu lieu en 1989 et qui avait profondément bouleversé le pays, et l’Italie, le fleuron de l’Occident, dans l’une de ses périodes de vraie splendeur. J’ai connu ce choc et je suis tombé amoureux de l’Italie dès que je suis entré dans la ville de Prato, à l’âge de six ans. J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens qui ont cru en moi et m’ont aidé, facilitant ainsi mon parcours d’intégration. J’ai rapidement appris la langue italienne et, depuis le début, j’ai toujours été traité par tout le monde avec gentillesse et respect et c’est pourquoi, honnêtement, je n’ai jamais eu de réel problème tout au long de mon parcours d’intégration et d’insertion dans la société italienne. La véritable intégration passe par le respect, le travail et la participation et c’est ce que j’ai toujours essayé de faire pendant toutes ces années, fort des valeurs et des idéaux avec lesquels mes parents m’ont élevé alors que je tombais de plus en plus amoureux de ce grand pays qu’est l’Italie. Pendant toutes ces années, j’ai toujours cultivé mes origines, ma langue et les traditions du pays d’où je viens, tout en apprenant de plus en plus ce que représente l’Italie et ce que signifie vraiment devenir citoyen Italien.

Ici, en Italie, en 2015, j’ai ouvert mon entreprise, toujours active aujourd’hui, grâce à laquelle je fournis du travail à de nombreuses personnes, des citoyens italiens et d’autres pays. Le travail est la base d’une véritable intégration et c’est avec le respect de la loi et des devoirs que vous construisez une expérience dont vous pouvez être fier et grâce à laquelle vous pouvez toujours marcher la tête haute. J’ai attendu de nombreuses années pour demander la citoyenneté italienne parce que je voulais d’abord prouver, à moi-même et à tous ceux qui ont toujours cru en moi, que je pouvais donner beaucoup à ce pays avant de demander un tel honneur, parce que c’est ce que la citoyenneté italienne signifie pour moi. Je suis devenu citoyen italien le 2 mars 2023, à l’âge de 28 ans, après plus de 22 ans de résidence et de vie en Italie. J’avais pris cette décision à l’âge de 18 ans, parce que je voulais pouvoir entrer dans les institutions en tant que citoyen roumain et en tant que citoyen européen, afin de travailler pour Prato en vue de lui apporter des résultats concrets et une valeur ajoutée pour la citoyenneté. C’était la façon, à mon avis la meilleure, que je devais utiliser afin de dire merci à l’Italie et de mériter plus tard la citoyenneté italienne. Un honneur qui récompense un parcours d’intégration sain, long et compliqué, pour lequel j’ai toujours tout donné. J’ai été le premier administrateur local roumain, dans l’histoire de l’Italie, à obtenir la citoyenneté italienne au cours de son mandat et ce fut un des jours les plus intenses, les plus beaux et les plus excitants de ma vie. J’entretiens de nombreux liens avec la Roumanie, tant dans les sphères familiale et personnelle que dans celles de la politique et des institutions, puisque je collabore depuis des années avec les partis roumains de centre droit au niveau politique et institutionnel et avec tous les gouvernements qui se sont succédé, ces dernières années, en Roumanie. J’ai été, je suis et je serai toujours Roumain parce que les origines d’un homme viennent toujours en premier, mais j’aime profondément mes deux pays, à la fois celui où je suis né, la Roumanie, et celui où je vis et qui a fait de moi ce que je suis, l’Italie.

Breizh-info : L’Europe de l’Est, qui, pour le moment, n’est pas envahie par des migrants illégaux venus du tiers-monde, ne devient-elle pas plus attractive que l’Europe de l’Ouest ? Vous désirez faire reconnaître les deux millions de Roumains vivant en Italie en tant que minorité, cela ne va-t-il pas à l’encontre des valeurs patriotiques italiennes que représentent la Ligue et Frères d’Italie ? Le parti nationaliste roumain AUR désire voir les Roumains qui vivent à l’étranger rentrer au pays pour y faire leur vie. Que pensez-vous de cette idée et celle-ci vous tente-t-elle à titre personnel ?

Claudiu Stanasel : Le roumain est aujourd’hui la deuxième langue parlée sur le territoire de la péninsule après l’italien, mais n’est pas encore reconnu au niveau national conformément à la loi italienne 482 de 1999, contenant le « Règlement sur la protection des minorités historico-linguistiques », qui prévoit la reconnaissance de 12 langues. La communauté roumaine fait partie intégrante de la société italienne depuis de nombreuses années et c’est pourquoi j’ai décidé de porter à l’attention du public et de remettre à l’ordre du jour politique national une question telle que la reconnaissance d’une minorité nationale, une proposition que beaucoup avant moi dans le monde des associations roumaines ont avancée et soutenue, mais qui, jusqu’à présent, n’est jamais devenue réalité. Ce qu’il faut, d’un point de vue technique, c’est une simple modification de la loi actuelle afin que la langue roumaine soit ajoutée. En Roumanie, la communauté italienne est reconnue au niveau national par la loi en tant que minorité nationale depuis de nombreuses années, conformément à la Constitution et à la loi roumaines, qui diffèrent de la loi italienne dont nous parlons, mais qui offrent également une série de droits et d’avantages aux citoyens appartenant à des minorités reconnues. Tant pour une question de réciprocité, que pour une plus grande intégration entre nos deux peuples, je crois que le moment est venu de modifier la loi 482 de 1999 à propos de laquelle de nombreux citoyens, roumains et italiens, sont intervenus ces dernières années pour demander des changements et des mises à jour afin de soutenir la reconnaissance de la communauté roumaine compte tenu des changements qui ont eu lieu au niveau national au cours des 20 dernières années. Cette reconnaissance garantirait certainement une valeur ajoutée à la fois pour la communauté roumaine d’Italie et pour l’Italie elle-même, car elle contribuerait à renforcer encore plus la communauté étrangère la plus intégrée de ce pays en démontrant que la méritocratie et le respect sont aujourd’hui, plus que jamais, des valeurs et des idéaux sur lesquels reposent le Parlement italien et le gouvernement italien et, par conséquent, à travers eux, toute l’Italie et son peuple, à qui je dirai toujours un sincère merci pour l’accueil et la confiance qu’ils ont pu placer en moi et en tant de citoyens roumains comme moi, qui vivent ici dans le respect de ce pays. C’est pourquoi j’ai lancé, avec de nombreux amis italiens et roumains, une campagne de promotion et d’information au niveau national qui nous emmène dans de nombreux endroits du pays pour expliquer à tous l’importance de cette proposition et le grand impact positif et la valeur ajoutée qu’elle apportera à l’Italie, une fois approuvée et devenue réalité. La Ligue et Frères d’Italie sont deux partis politiques qui ont toujours soutenu la valeur de l’identité des peuples et ce qui pourrait être plus identitaire que la langue parlée par un peuple. Dans ce cas précis, la langue roumaine est une langue néo-latine qui a, par conséquent, des origines et une histoire communes avec l’Italie et sa reconnaissance législative ne ferait que promouvoir davantage la culture européenne qui a ses racines chez les anciens Romains et dans la langue latine. Une proposition, celle que j’ai lancée, qui a immédiatement reçu un accueil plus que positif de la part de ces deux formations politiques, mais aussi d’autres partis, tant dans la coalition de centre droit qu’à l’extérieur, parce que je crois que c’est une bataille de civilisation pour une communauté, la communauté roumaine, qui est aujourd’hui à tous points de vue la mieux intégrée dans le tissu social italien et c’est pourquoi je suis sûr qu’elle sera bientôt portée devant le Parlement.

Tous les gouvernements roumains qui ont dirigé mon pays d’origine depuis 1989 ont été confrontés à la grande émigration qui a eu lieu ces dernières années depuis la Roumanie et qui se chiffre à plus de 5 millions de citoyens roumains résidant à l’étranger. Cependant, ils n’ont jamais réussi à donner à ces citoyens roumains l’importance que ceux-ci méritent et se sont limités à des politiques ratées qui n’ont produit aucun avantage, ni pour la Roumanie, ni pour ces citoyens roumains vivant à l’étranger. Ce que je souhaite à l’AUR et à tous les partis qui visent à gouverner la Roumanie, c’est de pouvoir construire un programme gouvernemental qui garde à l’esprit que les citoyens roumains vivant à l’étranger sont une valeur ajoutée pour la Roumanie et pas seulement au niveau économique – seulement en 2022, les citoyens roumains résidant à l’étranger ont envoyé plus de 5 milliards d’euros en Roumanie – mais aussi en tant que partenaires et investisseurs majeurs dans leur propre pays d’origine. En ce sens, je pense qu’il est essentiel, avant tout, de construire une Roumanie qui offre des conditions dignes de ce nom, avec des incitations et un soutien, afin de pouvoir rapatrier les citoyens roumains vivant à l’étranger. Dans le même temps, nous devons attribuer plus de ressources et de meilleurs outils à nos ambassades et à nos consulats afin de garantir de meilleurs services aux Roumains à l’étranger et en même temps à ce que ces représentations construisent un véritable lien institutionnel entre la Roumanie et les nombreux citoyens roumains qui croient encore en leur pays d’origine malgré les distances et qui sont prêts à donner un coup de main pour une meilleure Roumanie, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Je vis personnellement ici, en Italie et en Europe, chez moi et je suis fier du chemin politique, entrepreneurial et institutionnel que j’ai accompli ces dernières années ici, mais dans l’avenir tout est possible. Nous, citoyens roumains vivant à l’étranger, sommes les premiers ambassadeurs de Roumanie dans le monde et nous avons le devoir de faire de notre mieux pour rendre notre pays fier et montrer ce que cela signifie vraiment être Roumain.

Breizh-info : Vous avez été actif durant cinq ans au sein de Forza Italia, puis, en 2018, vous avez rejoint la Ligue. Pourquoi un tel choix et quelles sont les différences entre ces deux formations politiques ?  

Claudiu Stanasel : J’ai débuté mon activité politique au cours des dernières années d’école, quand j’ai décidé vouloir en savoir plus sur ce monde qui m’avait toujours intrigué. J’ai été approché par des représentants locaux du mouvement de jeunesse de Forza Italia, avec lesquels j’ai débuté un parcours qui m’a amené à devenir représentant des étudiants à l’Institut Tullio Buzzi, l’un des lycées les plus renommés de toute la région de Toscane. Je me suis toujours retrouvé dans les valeurs libérales sur lesquelles le parti de Silvio Berlusconi était basé. Forza Italia était le parti politique qui s’est le plus rapproché de mes idées à ce moment-là de ma vie. J’ai beaucoup appris, en travaillant d’abord au niveau local, puis au niveau régional et national. Avec de nombreux amis, j’ai créé un mouvement de jeunesse à l’échelle régionale qui compte toujours de nombreuses personnes, malgré le déclin du soutien du parti. Je dois beaucoup à Forza Italia et à tous ceux qui ont été à mes côtés et qui m’ont permis de grandir. Je suis devenu un leader régional au sein du parti, après y avoir travaillé pendant plus de 5 ans.

J’ai toujours cru à la restructuration et à la relance de Forza Italia bien que cette dernière ait été tellement discutée au fil des ans sans voir de conséquences concrètes et réelles. C’est précisément pour cette raison que j’ai décidé d’abandonner cette voie, malgré le fait que le choix était douloureux. En 2018, j’ai changé de parti, pour diverses raisons, tout d’abord parce que je ne reconnaissais plus celui auquel j’avais adhéré des années auparavant. Je crois que, en politique comme dans la vie, nous devons prendre des décisions difficiles, comme celle que j’ai adoptée en rejoignant la Ligue et en quittant un monde qui a été ma famille pendant de nombreuses années. Je suis parti en disant merci et en promettant de ne jamais regarder en arrière ou de dire du mal, comme cela arrive malheureusement souvent lorsque quelqu’un va ailleurs. J’exprimerai toujours mon respect et ma gratitude à Forza Italia pour m’avoir donné l’opportunité de grandir et de faire de la politique dans ma ville et ma région. Mon choix, à l’époque, a été douloureux et je me souviens encore de combien de temps il m’a fallu pour le réaliser, mais c’était un choix forcé.

En effet, Forza Italia connaissait alors à Prato une grande crise politique et un déclin rapide en raison de mauvais choix politiques et du manque de dialogue interne, dont aucun parti ne pourra jamais se passer s’il veut avoir un avenir. Je crois encore aujourd’hui que Forza Italia peut apporter une valeur ajoutée à la coalition de centre droit, mais, pour ce faire, nous avons besoin de clarté, de cohérence et de concret. Je suis un politicien de droite dans l’une des régions les plus à gauche d’Italie et j’ai l’habitude de faire de la politique dans un climat difficile et de lutter contre certaines idées et visions. Je crois que le centre droit a montré ces dernières années une ouverture concrète aux citoyens étrangers ou italiens d’origine étrangère, en leur donnant la possibilité de faire de la politique, personnellement et à des niveaux institutionnels importants, et surtout les outils pour cela. Rejoindre le parti de Matteo Salvini m’a apporté de la force et de l’énergie. J’ai reçu un accueil merveilleux dès le début et j’ai entrepris un nouveau voyage avec une équipe forte et soudée.

Dans mon cas particulier, la Ligue a décidé, en 2019, de placer un garçon de 24 ans, né en Roumanie, sur les listes parmi les plus convoitées pour les élections locales, dans une municipalité comme Prato, qui compte environ deux cent mille habitants et qui a vu plus de cinq cents personnes se présenter au poste de conseiller municipal. Avec mon équipe, nous avons montré que c’était un choix gagnant, étant donné que j’ai obtenu 442 voix. Grâce à la Ligue, je suis ensuite devenu vice-président du Conseil municipal de Prato, un rôle qui, pour la première fois dans l’histoire de la ville, a été attribué à un citoyen étranger et à un si jeune conseiller. Cela montre en effet qu’à droite, contrairement à ce que certains veulent souvent dire, si un citoyen étranger ou un jeune décide de faire de la politique sérieusement, il a à ses côtés des partis prêts à le soutenir, même dans des réalités importantes comme celle de la troisième ville d’Italie centrale.

Je suis et serai toujours un homme de centre droit et mon arrivée à la Ligue a été la suite naturelle d’un parcours qui a vu, pour moi, dans ce parti la réalité qui, à cette époque, incarnait le mieux des valeurs telles que la liberté, le concret et la cohérence. Aujourd’hui, je suis le premier citoyen roumain à occuper un poste institutionnel de ce niveau et je pense que c’est un signal important pour tous les partis politiques : nous, les jeunes d’origine étrangère, avons tous les outils et toutes les qualités nécessaires pour devenir des protagonistes au sein des institutions.

Quelles sont les principales différences entre la ligne politique de la Ligue et celle de Frères d’Italie ?  

Claudiu Stanasel : La Ligue et Frères d’Italie sont deux partis similaires mais différents, uniques mais complémentaires. Ils représentent le mélange parfait, avec Forza Italia, d’un modèle politique, celui du centre droit italien, qui fonctionne bien et convainc les gens, tant en Italie qu’en Europe et dans le reste du monde. La Ligue a une histoire de trente ans, qui a commencé en 1991, en tant que parti autonomiste, contrairement à Frères d’Italie, qui est un parti nationaliste de dix ans, qui a débuté en 2012. Ils ont une histoire profondément différente et cela jette les bases de ce que sont les spécificités et les particularités de ce qui est la ligne politique du centre droit qui gouverne l’Italie.

Un gouvernement basé précisément sur une vision commune, un accord signé avant les élections législatives entre les trois partis Lega, Fratelli d’Italia et Forza Italia et qui représente une méthode spécifique de cette coalition de centre droit qui existe en Italie et que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans d’autres États européens. Cela dit, il est certain que, au sein de la coalition, durant cette période spécifique d’un an après son arrivée au pouvoir, chaque parti a des priorités basées sur les valeurs et les idéaux spécifiques qui le distinguent au sein de la coalition, mais je ne définis pas ces aspects comme des différences, mais en tant que valeur ajoutée que chaque parti apporte à la coalition. Si, d’une part, la Ligue se concentre davantage sur des questions telles que la sécurité, l’autonomie des régions, l’impôt uniforme pour réduire la charge fiscale sur les entreprises et les familles, les infrastructures et les transports, d’autre part, Fratelli d’Italia se tourne davantage vers des questions telles que le soutien à la chaîne d’approvisionnement Made in Italy, à la légalité, à la famille et au taux de natalité, à l’agriculture et au sport. Il y a beaucoup de questions et de priorités sur lesquelles la vision est commune à la fois pour ces deux partis et pour Forza Italia et tous les autres membres plus petits du centre droit italien, démontrant que le travail d’équipe est au cœur de notre action. Cependant, au-delà de ces détails, ce qui rend ce centre droit italien si fonctionnel, c’est sa capacité à réaliser une synthèse et à trouver de plus en plus souvent une vision commune sur chaque question afin de la transformer en véritable action gouvernementale pour apporter les changements promis au cours de la campagne électorale à nos électeurs parce que c’est ce qui compte le plus. Je suis de plus en plus convaincu que ce modèle italien de centre droit, qui rassemble les trois partis appartenant respectivement au groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), au groupe Identité et démocratie (ID) et au Parti Populaire Européen, peut devenir le modèle européen d’une nouvelle direction du Parlement européen qui puisse marquer une véritable renaissance pour toute l’Europe.

Breizh-info : Vous êtes vice-président du Conseil municipal de Prato, une ville qui compte environ 200.000 habitants, en Toscane. Comment expliquez-vous que cette partie de l’Italie soit fortement ancrée à gauche ? Est-il difficile pour un cadre politique de la Ligue d’être actif en politique à cet endroit ? Quelles y sont les relations entre, d’une part, la Ligue et Frères d’Italie et, d’autre part, les partis de gauche ?  

Claudiu Stanasel : En 2019, je suis devenu le citoyen roumain occupant la plus haute position institutionnelle dans une grande municipalité italienne au niveau national et, pour cela, je dirai toujours merci, tout d’abord aux citoyens qui m’ont placé parmi ceux ayant reçu le plus de voix parmi plus de 800 candidats au Conseil municipal, puis aux partis qui m’ont choisi et fait élire vice-président du Conseil municipal pour représenter l’ensemble du centre droit de Prato, me faisant l’honneur, qui n’avait jamais été accordé auparavant à un élu aussi jeune, de devenir le premier citoyen étranger à occuper cette position institutionnelle dans l’histoire de Prato. Je crois que c’est un des défis les plus difficiles à réaliser, dans une situation politique très compliquée pour ceux qui sont de notre côté, de conduire une politique de droite dans cette région historiquement de gauche.

La région de Toscane a toujours été considérée comme la plus à gauche de toute l’Italie, mais la situation a beaucoup changé, grâce au travail que nous avons accompli avec de nombreux collègues du centre droit régional au cours des 5 dernières années. La bonne gouvernance de nos administrateurs nous a permis de nous consolider de manière structurelle dans des territoires qui ont toujours été gouvernés par la gauche. Lors des récentes élections législatives de 2022, le centre droit a gagné pratiquement dans toutes les circonscriptions de Toscane, apportant un résultat historique dont personne n’aurait même rêvé jusqu’à il y a quelques années. Il en va de même pour les élections locales de 2023 qui nous ont vu gagner pratiquement partout avec des résultats extraordinaires. Dans les situations difficiles, cependant, des opportunités sont créées et seul le meilleur d’une classe dirigeante de politiciens se dégage parce que dans ces conditions, seul un travail précis, prudent, concret, valable et continu peut apporter des résultats. En Toscane, le centre droit est uni, prêt à gagner à nouveau et, ces dernières semaines, nous travaillons avec les trois partis, Fratelli d’Italia, Lega et Forza Italia, pour nous préparer aux élections locales du 9 juin 2024, au cours desquelles plus de 1.000 municipalités de Toscane voteront, y compris Florence et surtout mon Prato, actuellement gouvernée par le centre gauche.

En Toscane, il y a toujours eu deux tendances : une coalition de centre gauche conduite par le Parti démocrate et une coalition de centre droit dirigée aujourd’hui par Fratelli d’Italia, le parti le plus soutenu au sein de notre coalition. Le centre gauche est notre adversaire et il n’est jamais arrivé que, dans cette région, il y ait eu un gouvernement local ou régional dans lequel ces deux tendances étaient ensemble parce que nous sommes profondément différents à bien des égards et c’est bien, à mon avis. Au contraire, ces derniers temps, certains partis, qui ont historiquement été dans la coalition de centre gauche, abandonnent le Parti démocrate pour rejoindre le centre droit et c’est le cas d’Azione et d’Italia Viva, des partis avec lesquels nous administrons ensemble certaines municipalités en Toscane. J’ai toujours cru que les projets et la vision politique d’un territoire devaient passer avant les individus et, d’après ce que j’ai vu ces dernières années, le gouvernement de centre droit représente une véritable renaissance pour les municipalités et les régions qui ont toujours été sous le joug du centre gauche. Je continue à travailler chaque jour pour un centre droit uni qui se concentre sur la méritocratie, la constance, la cohérence et le concret, parce que c’est la clé de la bonne gouvernance que, ici en Toscane, nous avons montrée dans les endroits que nous gouvernons.

Breizh-info : La Ligue, Frères d’Italie et le M5S ont-ils, en Toscane et ailleurs, des électeurs communs ? Le gouvernement réunissant, de juin 2018 à septembre 2019, le M5S et la Ligue a-t-il été une réussite ? Comment expliquez-vous le fait que, aussi dans certains endroits du nord de l’Italie, Frères d’Italie soit arrivé à obtenir plus de voix que la Ligue ? Le fait que la Ligue soit présente désormais dans le sud de l’Italie n’est-il pas étrange ? 

Claudiu Stanasel : Le Mouvement 5 étoiles a constitué la plus grande farce et moquerie de la politique italienne au cours des 30 dernières années. Un parti qui a trompé les Italiens qui y croyaient par millions, remplissant les places et allant voter dans toute l’Italie pour un projet, celui du M5S, qui semblait la solution à tous les maux causés, selon eux, par les autres partis politiques italiens. En réalité, ce que nous avons vu était une véritable trahison générale de tous les principes, idées et propositions politiques qui les ont conduits à atteindre des millions de voix. Beaucoup de leurs électeurs viennent massivement de la gauche, mais il y a toujours eu une partie d’entre eux provenant aussi de notre monde, celui du centre droit et cela s’applique à la fois au niveau national et régional ici en Toscane. Des électeurs qui se seront sûrement sentis déçus au fil des ans par les partis de centre droit et ceux que nous avons déjà, en partie, reconquis ces dernières années mais pour qui il y a encore tant à faire si nous voulons pouvoir tous les convaincre que notre proposition politique est bien meilleure que celle du Mouvement 5 étoiles, du moins ici en Toscane où, au cours des dernières années, le M5S a toujours obtenu des résultats inférieurs à 10%. Je crois que les gouvernements Conte n’ont certainement pas été de bonnes expériences pour l’Italie, à la fois la première menée par l’alliance entre le M5S et la Lega et la seconde conduite par le M5S et le Parti démocrate. Si, dans le gouvernement Conte I, grâce à la Ligue, plusieurs améliorations ont été apportées à l’Italie et surtout sur les questions de sécurité et d’immigration, dans le gouvernement Conte II, une série de mesures ont été prises qui sont vraiment contre-productives et nuisibles pour l’Italie, tant au niveau national qu’au niveau international.

Ces dernières années, la Ligue est devenue une formation politique nationale, présente partout, du nord au sud, avec des sections dans toutes les municipalités d’Italie et des administrateurs à tous les niveaux institutionnels dans chaque région de la péninsule. Malgré ce développement, il y a eu une diminution en termes de votes et ce, en grande partie, précisément à cause de cette triste expérience du gouvernement Comte I, dans laquelle, pour le bien de l’Italie, des compromis ont dû être faits, qui ont conduit à cette perte de voix et de confiance de la part du peuple. Des votes et une confiance qui ont été gagnés par les Frères d’Italie, qui a toujours été un parti d’opposition avant la naissance du gouvernement Meloni, une position qui a certainement permis de réaliser une activité politique différente dans la période au cours de laquelle la Ligue était au gouvernement avec les 5 étoiles et surtout après, dans le gouvernement constitué du M55 et du Parti démocrate. Mais ce qui est clair est que le modèle du centre droit italien est basé sur un peuple de centre droit qui voit dans les trois partis, Fratelli d’Italia, Lega et Forza Italia, une vision beaucoup plus large basée sur un projet commun de gouvernement qui rassemble et unit les électeurs de ces partis individuels. En même temps, ils maintiennent les différences entre eux, tout en travaillant toujours de manière unie.

Breizh-info : Dans cette ville de Prato et en Toscane, des migrants illégaux sont-ils présents et cela pose-t-il des problèmes ? Restent-ils dans cette partie de l’Italie, ou tentent-ils de rejoindre des pays situés plus au nord. La situation est-elle la même dans les autres parties de l’Italie ? 

Claudiu Stanasel : Prato est la ville la plus multiethnique d’Italie, avec plus de 120 groupes ethniques différents dans la région. Une grande ville d’environ 200 000 habitants, la troisième plus grande municipalité d’Italie centrale en nombre d’habitants, une réalité pleine de problèmes mais aussi de nombreuses opportunités, située au cœur de l’une des plus belles régions du monde : la Toscane. Ici, il y a la plus grande communauté chinoise en Italie (proportionnellement au nombre d’habitants de Prato, ils représentent environ 20% de la population) et ensuite une grande communauté roumaine et une communauté albanaise tout aussi importante. J’ai toujours considéré l’intégration et le multiculturalisme comme une valeur et une grande possibilité, mais seulement s’ils sont gérés de manière appropriée, ce qui n’a jamais été réalisé à Prato en raison de la vision culturelle profondément erronée du Parti démocrate, qui gouverne notre ville. De nombreuses communautés ne se sont jamais pleinement intégrées dans le tissu social de Prato, telles que la chinoise ou d’autres originaires de pays africains et arabes, ce qui a créé, au fil des ans, de nombreux problèmes de sécurité et d’illégalité sur notre territoire.

Les structures pour les migrants présents sur notre territoire sont pleines, mais notre situation n’est certainement pas aussi dramatique et critique que celle des villes du sud de l’Italie où les migrants arrivent dans la première phase ou dans les villes du nord de l’Italie d’où ils essaient de partir vers d’autres pays européens. La coexistence avec les migrants présents sur notre territoire est de plus en plus difficile, aussi parce que ceux-ci alimentent une situation déjà critique en ce qui concerne le manque de sécurité qui est un problème structurel de notre territoire depuis des années. Ce dernier est principalement un point de transit, comme la plupart des zones d’Italie centrale, même si les flux deviennent de moins en moins soutenables, même pour cette partie de l’Italie. La situation s’est encore aggravée dans la région de Toscane et dans celle d’Émilie-Romagne, les deux dirigées par le Parti démocrate, qui s’est rangé du côté du gouvernement italien et de sa proposition de créer des centres de rapatriement afin d’accélérer drastiquement le voyage des migrants présents ici vers leur pays d’origine. Un choix, celui de ces présidents de régions qui est purement idéologique, mis en œuvre uniquement pour créer des problèmes au gouvernement de Rome mais qui engendre, avant tout, un problème pour notre territoire car les structures d’accueil sont limitées et il n’est plus possible d’accepter d’autres migrants. J’espère sincèrement voir un changement d’approche dans ces endroits, car ce n’est qu’ensemble, que le gouvernement et les régions pourront apporter des résultats positifs à toute l’Italie dans cette bataille contre l’invasion illégale et incontrôlée venant d’Afrique du Nord.

Breizh-info : Le gouvernement de centre droit en place, dirigé par la nationaliste italienne Giorgia Meloni (Frères d’Italie), et dont le chef de file de votre parti Matteo Salvini (Ligue) est le vice-Premier ministre, semble engranger des succès, mais complètement échouer dans le domaine de la lutte contre l’immigration illégale. Comment expliquez-vous cela ? Des solutions, dans le cadre actuel, afin de mettre fin à ces arrivées massives de migrants, peuvent-elles voir le jour ?  

Claudiu Stanasel : Un gouvernement de centre droit qui est mis en place pour la première fois après une décennie de gouvernements techniques et de gouvernements de gauche a certainement un défi difficile à relever, mais je crois qu’il y a eu un assez bon début, par rapport aux bases desquelles il devait démarrer. Il y aura sûrement beaucoup à faire d’ici la fin des cinq ans pour pouvoir tenir la parole donnée aux électeurs et garder foi dans le grand programme politique qui nous a permis de gagner les élections. Je crois que le plus grand défi de notre époque est la question de l’immigration illégale en provenance d’Afrique du Nord et, en ce sens, je suis d’accord avec ce que fait le gouvernement, même si je suis bien conscient que cela prendra du temps avant d’engendrer des résultats. L’immigration devient une valeur lorsqu’elle est gérée de manière rationnelle et respectueuse envers ceux qui arrivent et envers ceux qui sont déjà ici, et c’est ce que le gouvernement tente de faire avec une action complexe et conduite sur plusieurs fronts. Pour la première fois dans l’histoire récente, un État européen important comme l’Italie a proposé un véritable plan pour l’Afrique, le soi-disant « Plan Mattei pour l’Afrique » et vise en même temps à créer une véritable alliance entre l’Union européenne et l’Union africaine pour faire face ensemble aux défis, unis, pour la première fois dans l’histoire,  en tant qu’alliés et co-protagonistes. D’une part, des canaux doivent être garantis pour l’immigration légale et contrôlée pour des raisons de travail dans les secteurs où il existe un besoin objectif de main-d’œuvre supplémentaire, et, d’autre part, la gestion de la question du travail doit être amenée au niveau européen parce que ce n’est qu’en tant qu’Union européenne entière que nous pouvons gérer ce phénomène sérieusement. Il est certainement nécessaire d’accroître l’engagement en matière de rapatriements et de continuer à faire pression sur les États d’Afrique du Nord, en poursuivant sur la voie de ce que le gouvernement actuel a déjà fait en établissant de nouveaux accords avec la Tunisie ou par le « Processus de Rome », l’initiative qui a vu, pour la première fois en Europe, dans notre capitale, une première conférence mondiale sur les migrations qui a débouché sur un véritable pacte entre les dirigeants des pays méditerranéens et du Golfe avec l’Italie et les dirigeants de l’UE.

Notre défi, en tant que citoyens italiens, et de tous les citoyens européens, doit être de vaincre définitivement l’immigration illégale causée par les trafiquants d’êtres humains et soutenue, plus ou moins directement, par trop de politiciens africains et européens, qui, dans divers rôles (opposition ou gouvernement), ont à plusieurs reprises promu, soutenu ou défendu cette honte inhumaine qui affecte la Méditerranée depuis trop d’années maintenant et nous pouvons le faire, définitivement, uniquement sur la base d’accords nationaux et internationaux. Une vision cohérente et révolutionnaire qui vise à résoudre les problèmes à la source et en même temps à saisir les opportunités de croissance d’un tel travail d’équipe. L’Italie est, en peu de temps, en train de retrouver le rôle de leader au sein d’une Union européenne délibérément maintenue divisée pendant toutes ces années par les bureaucrates qui la gouvernent et c’est sur cette voie que nous devons continuer. Maintenant, l’Union européenne doit agir et doit le faire immédiatement et le soutien de tous les États européens sera nécessaire parce que nous ne gagnerons ce défi qu’ensemble, mais il est clair que, si leur réponse est d’ignorer continuellement notre demande d’aide et nos propositions, alors nous serons prêts à défendre l’Italie en mettant en œuvre des mesures fortes et décisives, à l’instar de ce qu’a fait Matteo Salvini lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, période au cours de laquelle, ces dernières années, il y a eu le plus faible nombre de débarquements illégaux en Italie grâce aux mesures prises par ce gouvernement.

Breizh-info : Quel rôle pensez-vous que la Roumanie et l’Italie, votre pays de naissance et votre pays de résidence, auront dans l’Europe qui émergera après les élections européennes de 2024 ? 

Claudiu Stanasel : En Italie, nous avons depuis un an un gouvernement de centre droit qui représente fortement la volonté populaire. C’est le modèle que l’Italie, un des plus importants pays de l’Union européenne, a montré à l’Europe et au monde entier et qui a immédiatement reçu une grande appréciation et une grande participation qui ont donné naissance à un sentiment de renaissance et d’espérance sur tout le continent européen. La Roumanie connaît aujourd’hui une situation très similaire à celle que l’Italie a rencontrée lorsque Mario Draghi était au gouvernement et c’est parce qu’elle aussi, comme l’Italie, est dirigée par un gouvernement de soi-disant « responsabilité » nationale qui a uni les éternels rivaux du centre gauche et d’une partie du centre droit dans un mélange qui produit d’excellentes bases pour une victoire nationaliste, sur le modèle italien, aux prochaines élections législatives de 2024.

La victoire du centre droit italien a ouvert la voie à d’innombrables autres victoires de partis du type de Fratelli d’Italia, de la Lega et de Forza Italia. C’est ce que nous pouvons tous construire ensemble : une nouvelle alliance de ces trois grands partis qui changera complètement la gestion du Parlement européen, trop longtemps dominé par une alliance entre les socialistes et le Parti Populaire Européen, rivaux dans leur propre pays mais qui, en Europe, doivent se soumettre à un tel accord. Un accord de gouvernement politique en Europe qui a créé des politiques néfastes pour la grande majorité des peuples européens et c’est pourquoi 2024 peut être une année historique qui jette les bases d’une politique européenne complètement nouvelle et, par conséquent, aussi au niveau de la géopolitique mondiale. Nous avons l’occasion de construire une véritable Union européenne des peuples qui sache se tailler un rôle de premier plan au niveau mondial et dont le leadership peut enfin être dans les mains de pays comme l’Italie, harcelés et tenus à distance depuis trop d’années par les politiques délirantes de l’Union européenne actuelle. Un nouveau Parlement européen de centre droit, avec un Conseil de l’Europe de centre droit, peut garantir une nouvelle Commission européenne et ainsi changer réellement l’histoire, en remettant le pouvoir à la disposition des citoyens européens et en le retirant des mains des bureaucrates qui ont détruit toutes les valeurs et les idéaux qui étaient à la base du grand rêve appelé Union européenne. L’Italie et la Roumanie, en ce sens, peuvent et doivent faire beaucoup en augmentant et en améliorant les relations économiques, culturelles, politiques et institutionnelles qui sont déjà excellentes et en croissance constante pour créer une alliance de pays européens qui transforme cette vision qui nous appartient en réalité. Ensemble, en tant que protagonistes, à la tête d’une nouvelle Europe pour redevenir grands.

Propos recueillis par Lionel Baland

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