Mauvaise nouvelle en effet pour les plumitifs bellicistes, non seulement la fameuse « contre-offensive » ukrainienne n’a pas produit les résultats promis, mais, en outre, le soutien occidental à Kiev marque le pas : décision de la Pologne de ne plus livrer d’armements, victoire électorale en Slovaquie de ceux qui prônent la neutralité, crise budgétaire aux États-Unis gelant les crédits promis à l’Ukraine, sans même évoquer le récent fiasco « galicien » de Zelensky au Canada.
Donc la poursuite de la guerre ne se présente pas bien, voilà qui navre Le Monde, qui aimerait manifestement qu’elle dure encore longtemps. Tant pis pour les victimes.
Alors analysons dans le détail la façon dont l’éditorialiste s’y prend pour nous faire croire qu’il fait soleil à minuit, en traduisant, en italique, le texte original en gras ci-dessous.
Le soutien à l’Ukraine à l’épreuve de l’électoralisme
[Par « électoralisme » il faut comprendre ici le mot politique. La gauche quand elle était dans l’opposition affirmait que « tout était politique ». Mais depuis qu’elle est au pouvoir, elle veut interdire que l’on ait une approche politique des questions où elle échoue. Ce serait alors faire de la « récupération politique » – comme dans le cas de l’insécurité – ou de l’« électoralisme ».]
La menace de basculement de la Slovaquie dans le camp prorusse [on sait en effet depuis le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine que toute personne qui ne soutient pas Kiev est forcément « prorusse »] risque de peser sur l’engagement européen au côté de l’Ukraine. Outre-Atlantique, le soutien à Kiev semble également devenir une variable d’ajustement politique. [Par « variable d’ajustement politique », il faut comprendre qu’il s’agit ici des débats à la Chambre des représentants, c’est-à-dire de la démocratie parlementaire ou des résultats d’une élection : où va-t-on en effet si les électeurs ou les parlementaires se saisissent de la question du soutien à l’Ukraine et donc du risque de confrontation directe avec la Russie !]
Force des démocraties, le consentement régulièrement renouvelé du peuple les expose [sic] par nature à la remise en cause des choix de leurs responsables politiques. [Intéressante affirmation postdémocratique : donc la démocratie, c’est le consentement, mais, attention, il risque de remettre en cause les choix éclairés des responsables politiques. Mais où va-t-on si le peuple arbitre ?]
Le sort des urnes en Slovaquie dimanche 1er octobre, comme le vote intervenu la veille au Congrès des États-Unis pour éviter un shutdown, soit la mise en panne volontaire de l’État fédéral, l’ont rappelé.
Ils constituent l’un comme l’autre une mise en garde contre une instrumentalisation de la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine à des fins de politique intérieure. [Cette phrase alambiquée ne veut pas dire grand-chose sinon que la politique intérieure ne devrait pas se mêler de diplomatie et de défense : intéressante vision de la démocratie !]
À Bratislava, jusqu’ici un solide allié de Kiev, le revirement promet d’être net si l’ancien chef du gouvernement Robert Fico, chassé du pouvoir en 2018 par la révélation de la pénétration de la mafia en Slovaquie [petit rappel perfide], parvient à y revenir sur la lancée de sa victoire électorale, en rassemblant derrière lui une coalition suffisamment nombreuse [qu’est ce qui permet au Monde d’en douter ?].
Le national-populisme qu’il entretient, largement inspiré par celui de son voisin, le Hongrois Viktor Orban, le classe sans ambiguïté comme prorusse. [Magnifique combo ! le national-populisme de R. Fico – mais Le Monde ne nous dit pas ce que c’est –, c’est le mal et au surplus il s’inspire de la Hongrie de V. Orban. C’est la preuve qu’il est prorusse ! Nous y voilà : le populisme, c’est-à-dire le gouvernement qui agit comme le souhaite le peuple, c’est effectivement contraire à la conception que Le Monde se fait de la démocratie.]
D’autant que Robert Fico a pu compter sur la perméabilité de la société slovaque à la désinformation, l’arme qu’use à n’en plus finir contre l’Occident le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, et qui fait du camp vainqueur un camp sous influence. [Là, nous retrouvons un grand classique formulé lors du Forum de Davos de 2017, après le vote britannique pour le Brexit et l’élection de D. Trump : si les électeurs votent mal – ici, la victoire de R. Fico –, c’est qu’ils sont désinformés, ces idiots. Accessoirement, l’auteur de l’éditorial ne se demande pas si les pays de l’OTAN ne sont pas, de leur côté, « sous influence » de Washington…]
Même si ce suivisme prorusse n’est pas encore majoritaire en Slovaquie [qu’est ce qui permet au Monde d’écrire cela ? Dispose-t-on de sondages corroborant cette affirmation ?], et si Robert Fico s’est souvent montré pragmatique par le passé, l’émergence de ce courant risque de peser sur l’engagement européen au côté de l’Ukraine [Le Monde tient donc pour acquis que cet engagement devrait durer pour le principe ?].
Les nouvelles venues de Slovaquie interviennent juste après une brouille entre Kiev et Varsovie, là aussi sur fond de compétition électorale acharnée en Pologne [reprise du même argument : poser la question du soutien à l’Ukraine, c’est de la vaine compétition électorale, ce qui revient quand même à inférer qu’une partie des électeurs commence à se poser sérieusement la question], et alors que les efforts de l’armée ukrainienne n’ont pas permis de changer radicalement le rapport de force sur le front [c’est bien la question essentielle : si l’Ukraine n’arrive pas à battre l’armée russe malgré l’engagement occidental, pourquoi continuer dans la voie de la guerre ? Mais la question ne semble pas se poser pour Le Monde].
À Washington, le soutien à l’Ukraine semble également devenir une variable d’ajustement politique, alors qu’il a notamment permis de rétablir le crédit international des États-Unis que le retrait piteux d’Afghanistan avait dilapidé. [Le Monde nous trompe quand il évoque le « crédit international » de l’engagement des Occidentaux au côté de l’Ukraine : au contraire, la majorité des États soit ne condamne par la Russie soit ne s’associe pas à la politique des sanctions. Le récent flop du président Zelensky devant l’Assemblée générale de l’ONU, parlant devant une assemblée quasiment vide, en témoigne d’ailleurs.]
Démocrates et républicains sont parvenus à un rare consensus pour prolonger de quarante-cinq petits jours le fonctionnement de l’État, mais au prix du sacrifice d’un volet d’aide que le président Volodymyr Zelensky venait pourtant de défendre au Congrès avec force. [Le « pourtant » est délicieux : comme si ce que demandait le président de l’Ukraine devait s’imposer aux parlementaires américains.]
Comme en Slovaquie, le vote du Congrès n’est pas encore le reflet d’une lame de fond [c’est ce que croit Le Monde !].
L’aile la plus trumpiste du Grand Old Party, tisonnée par l’ancien président dont la fascination pour Poutine n’est plus à démontrer, fait certes du recroquevillement [sic] le principe qui permettrait prétendument à l’Amérique de retrouver sa grandeur. [Après le méchant Orban, voilà le tour du super méchant Trump d’entrer en scène : c’est de sa faute aussi si Zelensky n’obtient pas ce qu’il demande !]
Mais la solidité d’un réel consensus bipartisan sur l’Ukraine sera véritablement éprouvée en novembre, au terme de l’arrangement provisoire qui vient d’être conclu. La volonté des trumpistes les plus déterminés à faire chuter désormais le speaker (président) de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, coupable du crime de collaboration avec l’ennemi démocrate, relativise d’ailleurs la centralité de l’Ukraine dans la guerre intestine qui ravage le camp conservateur. [Bref, Le Monde ne sait pas ce qui va se passer en novembre mais il écrit quand même cinq lignes sur le sujet ! Et il fait l’omerta sur les procédures en cours visant le clan Biden, évidemment…]
Ces événements rappellent ainsi les démocraties à leurs devoirs. [Phrase également dénuée de sens concret…]
Le consentement à un soutien prolongé à l’Ukraine [pourquoi « prolongé » alors que justement c’est la question qui se pose depuis l’échec de la contre-offensive ?] passe par un inlassable effort d’explication [par explication, il faut bien sûr comprendre « propagande »]. Par le rappel du nécessaire respect de l’intégrité territoriale et des frontières [tiens, mais que disait Le Monde lors de la guerre de l’OTAN pour imposer la sécession du Kossovo à la Serbie ou lors de la guerre au Yémen ?], mais aussi par un avertissement.
Aider Kiev vise aussi à empêcher que la force la plus brutale devienne la seule règle du jeu entre les nations. [Comme dans les banquets républicains, il faut toujours terminer par de grandes envolées lyriques qui ne débouchent sur rien.]
Bref, on doit sûrement étudier ce type d’éditorial dans les écoles de journalisme…
Michel Geoffroy 04/10/2023