Délit d’opinion
Après plusieurs années sans aucun souci financier – « nous n’avons jamais eu de problème, nous n’avons jamais été dans le rouge », se souvient la jeune femme -, les militantes ont senti le vent tourner brusquement. À l’époque, le collectif change de présidence. Les militantes s’empressent alors de notifier cette nouvelle nomination à leurs conseillers bancaires, comme le veut la règlementation. « À ce moment-là, ils se sont replongés dans nos statuts. Ils ont (re)découvert notre collectif, nos actions militantes et notre ligne. Ils ont alors réalisé qu’ils avaient le diable chez eux… », ironise tristement la porte-parole. Depuis, les relations entre le collectif et la banque se refroidissent. Conseillers injoignables, difficultés pour obtenir une nouvelle carte bancaire, questions pressantes sur les donateurs… « On trouvait tout cela de plus en plus étrange, jusqu’à ce qu’ils nous annoncent finalement la clôture de notre compte », rapporte la militante. Pour Alice Cordier, cette décision est loin d’être motivée par des enjeux financiers. « C’est une question d’opinion, nous assure-t-elle. Ils ne veulent pas héberger d’associations identitaires ou de partis politiques de droite. »
« Il y a, par ailleurs, une volonté de nuire », ajoute Alice Cordier. En effet, l’annonce de la clôture du compte arrive au plus mauvais moment de l’année. « Les mois de novembre et décembre sont les mois pendant lesquels le collectif engrange le plus de dons », explique la porte-parole, qui s’inquiète de ne pas trouver rapidement un autre moyen d’encaissement.
Ce n’est pas la première fois que le collectif Némésis craint pour sa survie financière. Il y a quelques semaines, à la fin du mois d’octobre, l’association a vu son compte PayPal - qui lui permet de recevoir des dons - clôturé « sans aucune raison ». Après un vaste mouvement de protestation sur les réseaux sociaux, les jeunes militantes finissent par obtenir son rétablissement provisoire. « Nous sommes actuellement en pourparlers avec PayPal. Ils nous demandent de leur fournir tout un tas de justificatifs sous peine de fermer définitivement notre compte », résume Alice Cordier.
Le RN privé de banque
Cette situation, d’autres militants de droite la connaissent bien. Le reporter militant Vincent Lapierre, à la tête du Média pour tous, a lui aussi appris la fermeture « arbitraire » de son compte bancaire « en raison d’opinions politiques non partagées par ma banque », explique-t-il sur X (anciennement Twitter). « Ils ne disent pas [leurs motivations], ils ferment le compte et à vous de deviner pourquoi », dénonce-t-il. De la même façon, le fondateur du site identitaire Breizh Info affirme avoir été victime de ces fermetures de compte « arbitraires ». « Quelques semaines après Breizh Info, le Crédit mutuel ferme les comptes de Nemesis », s’indigne-t-il sur X, avant de partager sur son site le courrier adressé par sa banque.
Côté politique, le Rassemblement national a également été confronté à des banques peu adeptes du pluralisme politique. En 2013 et 2014, le parti de Marine Le Pen cherche à emprunter cinq millions d’euros. Les banques françaises contactées par le Front national lui adressent une fin de non-recevoir, obligeant alors le parti à se tourner vers une banque russe. Trois ans plus tard, la Société générale, prétextant une mauvaise santé financière du RN, demande au parti de clôturer rapidement tous ses comptes. Une demande qui ne sera pas adressée à l’UMP, également client dans cette banque, pourtant endettée de près de 55 millions d’euros à cette époque-là. Outre-Manche, Nigel Farage, figure du Brexit, a aussi vu son compte bloqué par une célèbre institution bancaire britannique car ses opinions politiques entreraient « en conflit avec les valeurs défendues par la banque ».
Clémence de Longraye
https://www.bvoltaire.fr/delit-dopinion-des-comptes-bancaires-de-militants-de-droite-fermes/