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Informer ou enfumer ?

Crépol : encore une preuve que notre système d'information médiatique est médiocre, sans doute manipulé. La tradition anglo-saxonne du "speak with data" n'a pas encore franchi l'Atlantique.

Les technologies électroniques de communication créent aujourd’hui une saturation du récepteur que nous sommes.

Il faut une forte volonté pour échapper au flux informationnel. Si nous pouvons couper radios et télés, nos proches et amis ne peuvent s’empêcher de nous faire part des dernières nouvelles afin de partager et diluer leurs angoisses.

Saturés, mais par quoi ? Voilà une bonne question. Le contenu de ce flux électronique permanent crée une atmosphère qui se superpose à l’atmosphère familiale, à l’ambiance de la sphère professionnelle, à celles de la rue, du quartier. Ce flux électronique finit par « faire société », par orienter et structurer les discours et, pour une part, les opinions.

Du coup sommes-nous surinformés, super-informés ?

Le drame de Crépol apporte une réponse à cette question : clairement non. Nous sommes saturés mais ne sommes ni surinformés, encore moins super-informés. Nous sommes bercés, enfumés.

Il y avait des centaines de personnes à la fête de Crépol ce 19 novembre. Ces personnes ont subi une attaque d’une bande armée, faisant un mort et des blessés. Compte tenu du nombre de témoins directs de cette attaque, on se dit que le système informationnel va immédiatement recueillir des dizaines de témoignages et les diffuser par tous moyens et supports électroniques. Nous devions donc avoir très vite une vision claire des faits qui se sont produits, de leur déroulement détaillé. En quelques heures, en un jour tout au plus, on devait connaître l’essentiel et le détail.

 Combien d’assaillants, avec combien de voitures. A quelle heure sont arrivés les assaillants, comment ont-ils opéré. Une seule équipe ou plusieurs. Comment ont réagi les participants à la fête. Où s’est déroulé l’affrontement, provoqué par qui et par quoi. Combien de temps a duré l’attaque. Description des tenues, attitudes, accents (du Sud-Ouest …) des assaillants, comment sont-ils repartis …

Une semaine après les faits, soit le 26/11, tout le système informationnel, ses centaines de « journalistes », sont encore incapables de décrire précisément, complètement le déroulé des faits et de répondre à ces questions. Ils glosent sur une supposée « rixe », font allusion à un quartier où se vend de la drogue mais où ils ne vont pas chercher l’info. (trop dangereux ?). Des bribes d’information sont diffusées de-ci de-là au compte-goutte, dans une sorte de brouillard informationnel.

Pourquoi, alors qu’il eut suffit du travail d’une dizaine de journalistes dignes de ce nom pendant quelques heures pour établir, avec une sélection de participants à cette fête, un déroulé précis des faits. Et d’en rendre compte.

Alors que le gouvernement a pris conscience de la dimension politique de ce fait divers et envoie un ministre sur le terrain, certains « journalistes » d’infos-TV en continu affirment qu’on ne peut rien dire tant que la Justice … blablabla. Auraient-ils renoncé à faire leur métier ? Pourquoi ?

La réponse à ce pourquoi est simple : notre système informationnel ne fait pas de l’information, ne fait pas du journalisme mais autre chose.

Mais alors que font-ils tous ces prétendus journalistes, pourquoi sont-ils payés, en partie avec nos impôts ?

Ils font ce que notre « système » attend d’eux, ils font du story telling, de l’ingénierie sociale. Ils racontent une histoire, des histoires, ce sont des storytellers/telleuses, pas des journalistes. Et nous sommes des enfants qu’il s’agit de bercer, de rassurer mais aussi de tromper avec, prétendument, les meilleures intentions du monde.

La réalité est trop cruelle, il faut la dissimuler aux enfants que nous sommes devenus, la transformer, la maquiller. Dans un pays qui a renoncé à sa souveraineté, où toute expression populaire peut être déniée (2005), il n’y a plus vraiment besoin de citoyens adultes, on a juste besoin d’enfants à bercer avec des histoires.

Anne Sophie Lapix, Nathalie Saint-Criq, Léa Salamé, Apolline de Malherbe … que des mamans qu’on aime bien. Merci mamans, mais on veut aussi des papas. Pas des papas retour de congés de paternité rallongés et continuant à jouer à la maman en nous berçant sur nos antennes, en nous enfumant, mais de vrais papas, de vrais journalistes.

par Fanny

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/informer-ou-enfumer-251756

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