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La population clandestine aurait doublé en France depuis 2015

La population clandestine aurait doublé en France depuis 2015

L’immigration illégale en France est comprise entre 780000 et 900.000 personnes dont un accroissement net d’environ 400.000 sur la période 2015-2022 soit un quasi-doublement. L’IFRAP a publié une étude sur le coût de l’Aide Médicale d’Etat, réservée aux étrangers en situation irrégulière.

Le 4 décembre 2023 un rapport important sur l’aide médicale d’Etat était publié par Claude Evin (ancien ministre) et Patrick Stéfanini (Conseil d’Etat honoraire) à la demande des ministres de l’Intérieur et de la Santé. Une publication anticipée au 4 décembre en lieu et place d’une parution initialement prévue le 15 janvier 2024 afin de porter un regard expert (et défavorable sur le plan budgétaire) sur la suppression de l’AME remplacée par l’AMU par le Sénat en 1ère lecture dans le cadre de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Les conclusions tirées du rapport par voie de Presse ont généralement été lénifiantes et convenues : « l’AME est « globalement maîtrisée », mais « mérite d’être adaptée ». En réalité le rapport se révèle beaucoup plus riche, tant en constatations qu’en propositions, mais le manque de temps pour l’achever explique que de nombreuses pistes aient été laissées à l’état d’ébauches

Une augmentation des allocataires de 38,8% depuis 2015 et des ayants-droits de 60,4%

Tout d’abord le rapport met en avant un premier constat, entre 2009 et 2023, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 121,7% dont 38,8% entre fin 2015 et mi-2023 (dont +30% entre fin 2015 et fin 2022).

Par ailleurs sur le plan budgétaire, le coût financier de l’AME a augmenté de 79,3% en euros courants entre 2009 et 2022 (soit +428 millions d’euros) et de 46,3% sur la même période en euros constants (+250 millions d’euros). Entre 2015 et 2022, le coût budgétaire s’apprécie quant à lui de 31,9% en euros courant et de 15,7% en euros constants. Il est donc vrai qu’il existe une maîtrise budgétaire de l’AME entre 2015 et 2022, ce qui était moins vrai pour la période précédente.

Mais là où les rapporteurs avancent les chiffres les plus intéressants c’est dans la composition des bénéficiaires. En effet l’AME s’adresse non seulement aux assurés, mais aussi à leurs ayants-droits, or c’est dans cette seconde catégorie que les bénéficiaires explosent : +60,4% lorsque les assurés n’augmentent que de 31,8% entre fin 2015 et mi-2023.

Il y a donc une augmentation significative des bénéficiaires indirects de l’AME, la proportion des assurés directs baissant dans le total des bénéficiaires de 3,8 points entre 2015 et 2022 (passant de 75,6% des allocataires et 71,8%). Le rapport souligne par ailleurs que l’on observe une croissance près de trois fois plus forte entre 2015 et 2023 pour les mineurs en métropole(+65%) et les personnes au-delà de 60 ans (+75%) que pour la tranche centrale des 18-59 ans (+23%) sur la période.

Une vision très extensive des ayants-droits

Comme l’évoque le rapport « le terme « bénéficiaire » de l’AME recouvre deux populations : les « assurés » et les ayants-droits. Les « assurés » sont les personnes qui portent directement les droits, les ayants-droits sont leurs enfants (mineurs et potentiellement jusqu’à l’âge de 20 ans), leurs conjoints, partenaires de PACS ou concubins, ainsi qu’une personne majeure « cohabitante » à charge. » Il existe donc potentiellement un vivier très extensif de bénéficiaires indirects dont certains pourraient eux-mêmes entamer une démarche d’assurance à l’AME, soit n’y aurait aucun droit en cas de séparation ou de non-cohabitation.

  • Ainsi tous les bénéficiaires de l’AME ne sont pas en situation irrégulière ;
  • Tous les ESI (étrangers en situation irrégulière) ne sont pas bénéficiaires de l’AME (soit parce qu’ils n’y ont pas droit (présence sur le territoire depuis moins de 3 mois[1], plafond de la C2S[2] dépassé, non-recours) ;

On relève ainsi plusieurs points particulièrement fraudogènes :

  • La question de la non-émancipation des ayants-droits majeurs se pose afin de mieux contrôler les bénéficiaires de l’AME ;
  • Par ailleurs les ayants-droits majeurs qualifiés de « cohabitants » peuvent agréger les mineurs devenus majeurs de plus de 20 ans résidants au domicile de leur parents (que ces majeurs y résident en situation légale ou illégale) sans limitation d’âge ;
  • Mais aussi tout autre majeur cohabitant au terme de la notice Cerfa n°50741#9, et sans tenir compte pour ces derniers de leurs conditions de ressources, bien qu’ils doivent être déclarés cependant « à charge ».

Comme l’évoque le rapport « la non prise en compte, dans la détermination des ressources financières, des revenus du conjoint, concubin ou partenaire de PACS » doit être interrogé, d’autant plus si « ce dernier est français ou en situation régulière ».

S’y ajoute un possible effet « noria » sans lien direct avec l’AME, reposant sur des « entrées régulières en France (…) et sur la délivrance, dans un délai très rapide après l’arrivée en France, de soins urgents et vitaux. » Toutefois comme le relève le rapport « ces personnes (…) souvent dans des situations médicales complexes restent sur le territoire en situation irrégulière afin de continuer via l’AME, à bénéficier de soin. » On le constate par l’augmentation de leurs séjours (dialyse, chimiothérapie, radiothérapie etc… dans le cadre des soins urgents a été supérieure à +100% en 2022, alors que cette augmentation n’est que de +20% pour les bénéficiaires de l’AME. « Il est vraisemblable qu’une partie des 9,5% des personnes bénéficiaires de l’AME identifiés (…) comme ayant déclaré être venus en France pour raison de santé, ont utilisé ce mode d’accès aux soins » (soit plusieurs milliers par an).

Focus sur les Outre-mer et des territoires métropolitains spécifiques

L’augmentation des bénéficiaires est tout particulièrement importante en Outre-mer, mais aussi façon particulièrement atypique :  les 4 DROM (départements et régions ultramarines) regroupent 10,5% du total des bénéficiaires de l’AME (soit 46.189 personnes), pour une population représentant 3,2% de la population française. Pourtant des territoires se détachent par rapport à d’autres :

  • La Guyane voit une croissance des bénéficiaires de 130% entre fin 2015 et mi-2023, suivie par la Martinique (+301%) et la Réunion (+171%) mais les niveaux sont très différents : la Guyane passe ainsi sur la période de 82,2% des bénéficiaires « domiens » à 86,2% de ces mêmes bénéficiaires, suivie par la Guadeloupe 10,9% (2023), la Réunion et la Martinique ne totalisant à la même date que 2% et 0,9% (en 2023). On comprend donc que la Guyane avec la proximité du Brésil (état de l’Amapá) et du Surinam[3]subit une très forte pression migratoire irrégulière, mais comment expliquer le différentiel entre la Martinique (en croissance forte, mais partant de très bas) et la Guadeloupe qui en accueille 100 fois plus ?
  • On vérifie également une très forte poussée des ayants-droits avec +144% pour la Guyane entre 2015 et mi-2023, +613% en Martinique et +508% à la Réunion. Ils sont principalement centrés sur les moins de 18 ans (+133%) et les 18-59 ans (+111%). En revanche se sont les assurés âgés (+60 ans) donc bénéficiaires directs de l’AME qui augmentent le plus sur la période avec +144%.

Par ailleurs, en métropole, certains territoires spécifiques concentrent l’essentiel des bénéficiaires de l’AME : « cette concentration est d’abord une concentration « francilienne » avec une région qui totalise plus de 200.000 bénéficiaires d’AME soit plus de 55% de la population des bénéficiaires en métropole (…) alors que l’Ile-de-France représente moins de 20% de la population résidant en France métropolitaine » dont près de 30% du total métropolitain concentré sur Paris et la Seine-Saint-Denis. Si on ajoute à l’île-de France, les Bouches du Rhône, les Alpes Maritimes et le Nord, on obtient une population de bénéficiaire représentant plus des 2/3 des allocataires de l’AME. Il existe donc une très grande concentration sur les métropoles les plus importantes et situées dans partie Est de la ligne le Havre-Marseille.

Une consommation de soin relativement stable par bénéficiaire sur les 15 dernières années

Si l’on regarde maintenant la consommation de soins effectués par les bénéficiaires de l’AME la constatation est faite d’une augmentation des dépenses d’AME largement corrélée à celle de l’évolution du nombre de bénéficiaires. C’est si vrai que « la consommation trimestrielle moyenne par bénéficiaire est restée stable au cours des 15 dernières années, en dépit de l’augmentation du coût des soins sur la période. » La consommation trimestrielle moyenne par bénéficiaire est passée de 642 € en 2009 à 604 € en 2022, tandis que la consommation moyenne par consommant est passée de 785 € en 2009 à 823 € en 2022.

On relève par ailleurs que la consommation hospitalière diminue, passant de 68%/69% autour de 2010 à 61%/62% au début des années 2020. Marquant le virage « ambulatoire » que l’on retrouve au sein des soins de ville qui progressent en direction des consultations médicales, dentaires et des auxiliaires paramédicaux. En milieu hospitalier la durée moyenne du séjour est plus forte chez les bénéficiaires d’AME (5,5 jours) que chez les assurés sociaux (4,7 jours) soit +17%. Les soins urgents concernant d’abord la tranche 40/59 ans. On relève toutefois diverses situations atypiques notamment en matière de dialyse, des soins urgents en 2022 et s’agissant des greffes hépatiques… et sans doute pour les bénéficiaires de l’AME sondés par l’IRDES et déclarant être venus « pour raison de santé » sur le territoire français.

Le passage de l’AME à l’AMU voulue par le Sénat aurait des conséquences budgétaires défavorables

C’est sans doute tout à fait contre-intuitif au premier abord, mais le rapport Evin/Stefanini a le mérite de faire apparaître des éléments qui montrent la très grande rigidité budgétaire de ce type d’allocation au sein du continuum de couverture des personnes résidents en France en matière de Santé. Seule exception, les irréguliers de + de 3 mois dont les revenus excédent le plafond de la C2S (809,9 €/mois) et qui se retrouvent alors sans aucune couverture[4].

En particulier il relève tout d’abord les bienfaits de l’enrichissement du dispositif initial au Sénat : « l’inclusion de la prophylaxie et du traitement des maladies graves lors de la discussion en séance publique est de nature à réduire les craintes formées à l’encontre de la rédaction initiale », les rapporteurs de la mission soulignant que la réduction du panier de soins pourrait avoir plusieurs conséquences négatives :

  • Une difficile articulation avec les soins urgents et vitaux : dans la mesure ou l’AMU comprendrait simplement en sus l’accès au bout de 3 mois de résidence irrégulière sur le territoire national, l’accès à la prophylaxie, du traitement des maladies graves, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive.
  • Les risques d’un non-recours plus important et d’un panier de soins dégradé pourraient aboutir à surcharger les urgences hospitalières alors même que l’on cherche précisément à les décongestionner (via un renforcement des prises en charge par la médecine de ville), et que le rapport dans le cadre actuel de l’AME est favorable aux soins de ville (745.531 consultations médicales, contre 172.565 consultations en structures hospitalière dont 79,8% au sein du secteur public).
  • Enfin sur le plan budgétaire les hospitalisations sont beaucoup plus coûteuses que les soins prodigués en ambulatoire : la dépense moyenne d’un bénéficiaire d’AME est près de 7 fois supérieure au titre des séjours hospitaliers qu’au titre des honoraires médicaux (1.468 € contre 212 €).

Mais des arguments symétriques peuvent exister pour conduire à dégager des économies :

Reste un panier de soin actuel sans doute trop étendu : notamment en direction de soins non urgents voir de confort : rééducation physique, kinésithérapie « auxquels les bénéficiaires de l’AME accèdent (…) de manière inconditionnelle et sans participation financière. » Ces actes pourraient nécessiter une autorisation préalable délivrée par la CNAM, mais « [la mission] n’a pas été en mesure d’identifier les actes qui seraient soumis à cette procédure », ce qui semble pour le moins curieux… mais qui mériterait d’en dégager une typologie détaillée.

La mission relève toutefois que l’AME « contribue au maintien en situation de clandestinité d’étrangers dont elle est parfois le seul droit »… et pas seulement au regard des prestations de santé offertes mais également des droits connexes accordés :

  • L’obtention d’une réduction de 50% sur le coût des transports collectifs (contre 75% en Ile-de-France avec la C2S) ;
  • La présentation d’une carte d’AME afin d’avoir accès à des prestations associatives de type : banque alimentaire, tarifs sociaux appliqués par certaines collectivités (notamment pour la restauration scolaire) etc.
  • Permettre via la carte d’AME délivrée annuellement, de bénéficier une preuve de résidence continue sur le territoire français dans la perspective d’une prochaine régularisation (AES par exemple[5]). La mission identifiant à près de 100.000 les personnes oscillantes entre PUMA, AME, demandeurs d’asile etc.

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