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Demi-victoire

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En 1951, au gré de sa pièce de théâtre Le Diable et le Bon Dieu Jean-Paul Sartre le fait remarquer : "une victoire racontée en détail, on ne sait plus ce qui la distingue d'une défaite".

Le vote de l'Assemblée dans la nuit du 19 au 20 décembre illustre ce jugement. La réunion de la Commission mixte paritaire a été suivie d'un vote où 37 députés Renaissance et 20 centristes du Modem ont fait défaut, cependant que l'intégralité des députés de droite, LR comme RN, a voté en bloc. Ce résultat mitigé, cafouilleux au sein des macroniens, implique qu'un remaniement ministériel semble presque inéluctable.

Essayons donc au lendemain de cette séquence CMP de démêler dès lors le vrai du faux.

La procédure parlementaire suivie avait été voulue, rappelons-le, par le chef de l'État, et semble-t-il, de gré ou de force, par son gouvernement.

Au passage au sein de l'équipe de Mme Borne la démission, a été annoncée ce matin, du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Elle confirme son rôle politique aux côtés de la Première ministre. [cf. notre chronique du 22 juin 2023 "La Gauche case ses pions"]

Au bout du compte, c'est à la surprise des commentateurs agréés et à la grande déception des professeurs de morale que le texte de synthèse a été adopté au Sénat, puis à l'Assemble nationale. Ses conclusions ayant penché en faveur d'une loi globalement restrictive sur l'immigration, ce qui semble bon l'emporte à nos yeux, pour une fois sur ce qui semble mauvais.

Faut-il s'en contenter ? Faut-il seulement déplorer son insuffisance ?

Victoire morale ont pensé certains, victoire idéologique a-t-il été clamé, alors même que le bon sens l'a simplement emporté, sur de nombreux points. On souhaitera notamment que, sauf censure scandaleuse du Conseil constitutionnel, les prestations non contributives ne soient plus immédiatement versées désormais à des étrangers qui ne travaillent pas mais résident sur notre sol.

Si les prétendus "Sages", sous la présidence de Fabius devaient triturer demain certaines dispositions adoptées par les deux chambres, ils ne feraient que confirmer ainsi la pertinence de la campagne pour une Référendum. [cf. notre chronique du 15 décembre "La CEDH sur la sellette"]

On devrait cependant toujours se méfier des victoires dites morales. Cette douteuse appellation est trop souvent synonyme de défaite. De Crécy à Moncornet, du XIVe au XXe siècle la France a en a trop connu. Quand sur le terrain on a été battu on ne peut plus se satisfaire de ces prétendues victoires morales.

Dans un pays où le pouvoir exécutif n'assure pas l'exécution des lois, et où le pouvoir judiciaire de fait, celui de la magistrature syndiquée n'hésite pas à les réécrire à sa manière, on ne saurait se contenter de simples affirmations symboliques.

Concrètement en effet, le concept attaché aux prétendues "Obligations de quitter le territoire français", est documenté sur les sites internet administratifs de la manière suivante :

"La décision d'éloignement ou d'obligation de quitter le territoire français est prise par le préfet, notamment en cas de refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier, situation d'un étranger qui ne possède pas les documents l'autorisant à rester en France en France. Si vous êtes concerné, rajoute le site, la décision vous oblige à quitter la France par vos propres moyens dans un délai de 30 jours. Dans des situations limitées, elle peut aussi vous obliger à quitter la France sans délai."

Or, non seulement, si l'on en croit le site officiel service-public.fr, "Un recours est possible", mais en fait de nombreux recours, 12 avant le vote de la loi, 3 désormais, paralysent au départ ces fameuses OQTF.

"Obligation" ne veut donc pas dire grand-chose.

Au bout du compte elles ne sont appliquées qu'au taux de 6,9 % alors même que textuellement le candidat Macron avait promis que sous son règne elle le seraient à 100 %. Cette promesse des 100 % d'OQTF exécutées avait été faite par Emmanuel Macron lors d'une interview donnée en novembre 2019 à Valeurs actuelles. Elle a ensuite été reprise par le ministre de l'Intérieur. Elle est restée lettre morte. Selon les données chiffrées par le ministère lui-même, au premier semestre 2022, sur environ 60 000 OQTF prononcées, 4 500 étaient exécutées. Le faible taux de concrétisation s'explique par plusieurs facteurs. Le premier tient aux recours juridiquement possibles. Il est d'autre part techniquement ingérable de placer des dizaines de milliers de personnes dans des centres de rétention administrative. Enfin, il faut que les pays dont ils sont originaires acceptent de reprendre leurs ressortissants expulsés, le plus souvent, par définition, indésirables.

Nous savions déjà, depuis longtemps, ce que valent les promesses : nous devons mesurer ce que valent les "obligations".

Beaucoup de chemin reste donc à accomplir, y compris sur la voie de l'union des droites esquissée, dans le cadre de cette demi-victoire, ce 19 décembre, en accord avec 80 % de l'opinion du peuple français, au sein du Parlement.

Reste donc à transformer l'essai.

JG Malliarakis

https://www.insolent.fr/2023/12/demi-victoire.html

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