Pourtant, lors d’un meeting organisé récemment à Rennes, il avait la grande forme. « Sur scène, l’Insoumis fait le show durant une bonne heure sans note. Un haut-parleur à l’extérieur diffuse ses paroles. “ Jamais on ne me fera taire, surtout après cette campagne de haine contre moi », martèle-t-il.» (Ouest-France, lundi 18 décembre 2023). Bien entendu, « il rappelle la nécessité de ne pas diviser les travailleurs, qu’ils aient ou non des papiers » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, vendredi 15 décembre 2023). Jusque là, rien de nouveau. Mais le lider maximo a la bosse du commerce et les spectateurs ont eu droit à un « message » digne d’une radio commerciale : « Voilà les fêtes qui approchent… », a-t-il lancé, l’air mystérieux. Avant de brandir son dernier livre intitulé “Faites mieux ! Vers la révolution citoyenne » (Robert Laffont). Et d’encourager le public : « ça s’offre ! ». Devant les rires (un poil gênés) de l’assistance, le triple candidat à la présidentielle s’est justifié : « Non mais attendez, je fais de la pub, j’ai le droit. Mais vous savez pourquoi ça s’offre ? Cela fait de l’effet. » Puis il a quitté la scène sur ces mots : « Moi, j’ai fait ma pub parce que sinon, après, je me fais engueuler quand je rentre à la maison. » (Le Canard enchaîné, mercredi 20 décembre 2023). Si on comprend bien, Sophia Chikirou (LFI, Kabylie), député de Paris (6e circonscription), avec laquelle il entretient des relations « extraprofessionnelles », lui demande des comptes… Il est vrai que le succès rencontré par « Faites mieux ! » reste très insuffisant si on considère l’importance de la clientèle de son auteur (7 600 000 voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2022), seulement 13 000 exemplaires vendus ; ce qui est tout de même mieux que le bouquin de Manuel Valls « Le courage guidait leur pas » (Tallandier) qui se contente d’un petit 1 500 exemplaires (L’Express, 21 décembre 2023).
On constate que toutes les femmes ne sont pas en admiration devant « Méluche » et ses copains; c’est le cas de Raquel Garrido (LFI frondeuse), députée de Bobigny-Drancy. « “ Sanctionnée par la CPI“ » (comprendre cour pénale insoumise), elle considère que la France insoumise a été structurée comme un outil de campagne personnel et se demande comment ce mouvement en est arrivé à enfanter de la sorte “ des monstres staliniens“ » (Challenges, 7 décembre 2023). C’est sans doute ce que pense Gurvan (nom d’emprunt), militant d’Ille-et-Vilaine, tiré au sort pour représenter son département lors de l’assemblée représentative du mouvement qui s’est tenue samedi 16 décembre à Paris.
« Alors qu’il souhaitait interpeller la direction de son parti pour réclamer un fonctionnement moins centralisé, ce militant dit avoir subi un recadrage en règle (…) Ce dernier avait dans son sac un texte discuté et amendé par les militants rennais et des alentours. Son titre : « Repenser la France insoumise, prendre soin du mouvement, à Rennes et à Paris » Parmi les revendications : indépendance financière des groupes locaux, instauration d’un mécanisme d’adhésion à LFI aujourd’hui inexistant, demande de pluralisme, d’ouverture… » (Le Monde, dimanche 24-lundi 25-mardi 26 décembre 2023).
Le service d’ordre de LFI ne rigole pas
Tout est fait pour empêcher un vrai débat. « Un quart d’heure seulement est consacré aux “remontées des boucles départementales“, et les militants sont installés par petits groupes pour des “discussions en table“, excluant un auditoire plus large. Le militant breton décide malgré tout de demander la parole pour s’adresser à la salle, après le discours de Sarah Legrain, députée de Paris, chargée de la vie du mouvement. On l’aperçoit debout, la main en l’air, sur la vidéo de l’événement : sur l’estrade, le député du Rhône Gabriel Amard enchaîne avec un discours et balaie de la main cette tentative inopportune. » Mais le meilleur reste à venir avec l’intervention du service d’ordre. D’abord pour le faire se rasseoir, ensuite en s’installant à sa table pour le « surveiller ». Sarah Legrain vient le voir. « J’essaye de détendre l’atmosphère en indiquant (…) que ce serait la misère si je n’arrivais pas à lire ce texte car nous souhaitons vraiment le porter à la connaissance de nos camarades », raconte-t-il. Avant de poursuivre : « Sarah Legrain me répond que “ma boucle départementale n’a pas à me demander de prendre la parole à l’assemblée“, que ma requête “détruit notre organisation collective“ et que j’essaye de “prendre en otage l’assemblée“ ». La responsable finit par lui dire qu’il serait « antidémocratique » de lui accorder cinq minutes à lui et pas aux autres. » (Le Monde, 24-25-26 décembre 2023) Le mot de la fin revient à Jean-Luc Mélenchon qui dénonce « certains “insoumis“ jamais contents qui réclament plus de démocratie interne », des « pleurnichards » qui alimentent, selon lui, une cabale médiatique anti-LFI. Il paraît que les « camarades » d’Ille-et-Vilaine soutiennent Gurvan – des autonomistes en quelque sorte !
Que pensent de ces méthodes les députés insoumis bretons ? Sont-ils satisfaits de la « démocratie interne » sauce Mélenchon ? Entrent-ils dans la catégorie des « pleurnichards » ? Comment voient-ils leur réélection en 2027 si la Nupes n’existe plus et si les candidats du Rassemblement national parviennent à se maintenir au second tour ? Voilà des questions intéressantes à poser à Murielle Lepvaud (Guingamp), Ségolène Amiot (Nantes-Saint-Herblain), Mathilde Hignet (Redon), Frédéric Mathieu (Rennes-Bruz), Andy Kerbrat (Nantes-centre) et Matthias Tavel (Saint-Nazaire). Pour l’instant, Mathieu et Hignet n’ont pas l’air d’être mécontents de leur sort car non seulement ils assistaient au meeting de Rennes, mais encore ils ont pris la parole avant le « chef » ; ils ont « chauffé » la salle.
Jeudi 14 décembre, lors de cette réunion, Jean-Luc Mélenchon a abordé également la question des élections européennes de juin. Pas question de se précipiter, « nous allons mener une bataille. Et nous avons décidé que nous déciderons nous-mêmes de l’heure à laquelle nous commencerons ». Et de poursuivre, « ne vous occupez de rien. Chacun à son poste ! » En, mars, la « convention de l’Union populaire » est censée lancer la campagne du mouvement mélenchoniste (Le Figaro, mercredi 27 décembre 2023). Par conséquent, les militants sont invités à se reposer avant la « bataille » du 9 juin. En attendant, ils ont le droit d’être inquiets car les enquêtes portant sur les intentions de vote pour les européennes ne donnent rien de bon : 28 % pour la liste du Rassemblement national, 20 % pour celle de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Horizons), 10,5 % pour celle du Parti socialiste, 9,5 % pour celle des Ecologistes, 8 % pour celle des Républicains, et seulement 7,5 % pour celle de la France insoumise (Ipsos-Sopra Steria, Le Monde, dimanche 17-lundi 18 décembre 2023). Il faudra ramer…
Bernard Morvan
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