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Le RN reste zen face à Gabriel Attal, Premier ministre anti-Bardella

« L’obsession de Macron, c’est le RN ; l’obsession du RN, ce sont les Français. » Le RN a trouvé sa formule pour commenter la nomination de Gabriel Attal à Matignon. Le nouveau Premier ministre de 34 ans est largement présenté dans les médias comme l’arme présidentielle anti-Bardella. C’est le pari d’Emmanuel Macron : faire revenir cette droite molle qui avait voté pour lui mais qui part en crabe, effarée par la dégringolade tous azimuts de la politique du « en même temps ». Et si l'on peut arracher, au passage, quelques électeurs à la puissante tenaille Le Pen-Bardella...

Un accélérateur pour sa carrière

Mais voilà, à six mois du scrutin européen, l’arrivée du chouchou du Président à Matignon ne semble pas paniquer la principale force d’opposition en France. Qu'Emmanuel Macron soit contraint de donner des signaux de fumée à la droite, via l’ancien socialiste Attal, réjouit le député RN Laurent Jacobelli, porte-parole du parti. « Sa notoriété, Gabriel Attal l’a obtenue en parlant comme nous, sur la laïcité à l’école et les signes extérieurs de prosélytisme, contrairement à ce que faisait Pap Ndiaye », analyse Jacobelli, interrogé par BV. Même avis du côté de la députée RN Edwige Diaz qui met le chéri des sondages face à son maigre bilan : « Attal est populaire quand il parle comme le RN mais, quand il était ministre des Comptes publics, les impôts des Français n’ont pas diminué. Il s’est servi de l’Éducation nationale comme d’un marchepied, d’un accélérateur pour sa carrière personnelle. » Edwige Diaz insiste sur l’amertume des profs livrés à Pap Ndiaye, puis abandonnés par Attal après seulement quelques mois.

À Matignon, considéré comme l'enfer de la vie politique française, le principal défi n’est pas de briller au début mais de tenir sur la longueur. Le RN parie sur une usure rapide. Attal devra défendre le champ de ruine laissé par la Macronie : les frontières passoires de la France et de l’Union européenne, la dramatique crise agricole, la pollution liée au libre-échange, la multiplication des éoliennes impopulaires et destructrices de nos paysages, etc.

Car la jeunesse ne fait pas tout. « La personnalité et l’âge comptent, en politique, admet Laurent Jacobelli. Mais les gens qui ont envie de voter pour notre liste sont motivés d’abord par les idées que nous défendons. » Entre Attal et Bardella, l’opposition sera frontale à propos de la prééminence de la loi française face aux lois européennes, sur l’opposition à l’Europe fédérale, sur la lutte contre l’inflation des normes et bien d'autres sujets… L’éblouissement de la jeunesse passera, se convainc le RN. D’autant plus vite que, durant trois ans, Macron tentera d’aspirer la popularité de son jeune Premier ministre pour tenir à l'Élysée. Restera, pour Attal, la tâche ingrate de Matignon, l’exécution concrète de la très brouillonne politique élyséenne… et le poids de son passif : 500.000 immigrés par an, 3.000 milliards de dette, un commerce extérieur en berne, un bilan sécuritaire dramatique. Tout cela sous le feu roulant de Bardella qui n’aura qu’à se servir en arguments.

Une voie étroite

C’est l’ampleur de ce défi électoral qui a sans doute dicté la décision présidentielle : avec Attal, il n’a pas a priori opté pour une ligne politique originale et personnelle, comme le fit Mitterrand avec Rocard, pour une nuance de programme. « C’est une question de personne, un pur casting, estime Jacobelli. Attal sourit, il est aimable. Mais où veut-il mener la France ? C’est un simple prolongement d’Emmanuel Macron, ils ont appris la politique ensemble. »

Le ministre est là par la grâce d’une obsession présidentielle : Emmanuel Macron se lève et se couche en pensant au RN. Il ne veut pas paraître devant l’Histoire comme celui qui aura laissé les rênes de la France à Marine Le Pen, humiliation majeure pour un mondialiste. Alors, il tente. Derrière cette nomination, pas de conquête de nouveaux électorats. « C’est une solution de confort, poursuit le député RN. Attal lui doit tout. » Comme Castex, comme Borne.

Le RN est confiant. Trop ? Peut-être, car la politique n’est jamais écrite d’avance. Et le nouveau Premier ministre, porté par une vraie popularité, peut aussi se révolter contre ce destin tout tracé de victime expiatoire du macronisme. Il peut montrer les dents et sortir les griffes. Pour éviter l’écrasement sous la meule macroniste, Gabriel Attal devra rapidement « tuer le père », marquer sa différence, sa distance critique et son réalisme, taper fort. Au risque d’être éjecté comme le furent Élisabeth Borne, Jean Castex ou Édouard Philippe. Au risque, aussi, d’incarner le visage du traître mordant la main qui l’a nourri. La voie est étroite, mais elle existe. Rendez-vous dans deux ans.

Marc Baudriller

https://www.bvoltaire.fr/le-rn-reste-zen-face-a-gabriel-attal-premier-ministre-anti-bardella/

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