« Si l’agriculture allemande s’effondre réellement, il est possible que la nourriture doive être rationnée dans l’UE », titre le quotidien hongrois Magyar Hirlap. Le gouvernement allemand, après la Covid-19, le financement de l’Ukraine dans le conflit contre la Russie, est obligé de réduire les dépenses au risque de voir son économie craquer. Visant les agriculteurs, il cible aussi les moyens de production pour l’alimentation qui permettent de nourrir la population.
Selon le quotidien hongrois, l’actuelle crise qui secoue l’agriculture en Allemagne est due à l’agriculture ukrainienne, via les États-Unis.
Pourquoi les agriculteurs allemands manifestent ? Pour le président de l'Association des agriculteurs allemands, Joachim Rukwied, les mesures gouvernementales ne sont pas viables car il s’agit du « futur de notre industrie et de la question de savoir si la production alimentaire nationale est toujours souhaitée. Nous allons, donc, continuer à maintenir notre semaine d’action », a fait savoir sur son site l’Association allemande des agriculteurs. Le gouvernement allemand veut réduire les subventions, mais les agriculteurs ne veulent pas l'accepter. En décembre dernier, le gouvernement de coalition, SPD, FDP, GRÜNEN, a annoncé des mesures d'austérité de grande envergure à la suite de la décision budgétaire de Karlsruhe qui a interdit au gouvernement de distribuer encore de l’argent magique. Les réductions sur le diesel agricole devraient être supprimées. Le gouvernement a, également, annoncé qu'il n'exonérerait plus les véhicules agricoles (les tracteurs ont une immatriculation verte et ne paie pas de taxe) et forestiers de la taxe sur les véhicules.
En fait, le gouvernement de coalition s'est prononcé en faveur de l'austérité parce que le montant versé par l'UE aux Allemands à partir du fonds de relance après la Covid-19 a été utilisé par le gouvernement pour l'introduction et une distribution plus large des énergies renouvelables dans le but de réduire la consommation des énergies fossiles. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a, en revanche, qualifié la procédure d'illégale et a obligé le gouvernement de Berlin à compenser le montant. Cela a créé un trou de 60 milliards d'euros dans le budget de cette année. Le gouvernement a été contraint à cette situation parce qu’il avait auparavant relevé à quatre reprises le plafond de la dette du budget, au mépris de la Constitution. Il ne pouvait, donc, que recourir à des mesures d'austérité, affirmant que s'il ne le faisait pas, l'économie toute entière s'effondrerait.
Des manifestions du 8 janvier au 15 janvier. Selon les plans initiaux du gouvernement de coalition, 440 millions d'euros auraient été économisés en supprimant les allégements fiscaux sur le diesel agricole, et 485 millions d'euros supplémentaires auraient été libérés si l'exonération de la taxe des véhicules agricoles et forestiers aurait été supprimée. Les agriculteurs ne veulent pas payer le prix de la défense ukrainienne et la mauvaise gestion des responsables politiques dont le poids des sanctions contre la Russie. « Nous commençons le 8 janvier avec des manifestations et des actions à travers le pays. Le soutien de la population est grand, extrêmement important et doit être encore renforcé. La contestation sera portée dans la capitale par une grande manifestation le 15 janvier 2024 », stipule l’Association des agriculteurs.
Les propriétaires US de terres agricoles en Ukraine veulent vendre à bas prix en UE. « Les Américains ont mis la main sur une partie importante des terres agricoles ukrainiennes. Ils souhaitent vendre les céréales produites sur le territoire de l'UE, principalement en Allemagne. Mais, avant cela, le marché allemand doit être nettoyé pour faire place aux céréales ukrainiennes. Le gouvernement allemand, subordonné à Washington, veut combler le vide budgétaire en retirant de l’argent aux agriculteurs. Et, cela pourrait signifier la fin de l’agriculture allemande. C'est pourquoi d'immenses manifestations d'agriculteurs ont lieu aujourd'hui dans toute l'Allemagne », analyse Magyar Hirlap, précisant : « Les grandes entreprises américaines impliquées dans le commerce des produits agricoles ne souhaitaient probablement pas voir un tel scénario se mettre en œuvre » ; « Ils voulaient parvenir à la destruction du secteur agricole allemand et à l’introduction de produits ukrainiens moins chers sur le marché de l’UE afin de remplacer les récoltes agricoles perdues avec beaucoup moins de bruit ».
Une crise agricole qui menace de toucher toute l’UE. Le quotidien hongrois va plus loin affirmant : « La mise en œuvre de l’austérité signifierait pratiquement la fin de l’agriculture allemande, elle déclencherait une réaction en chaîne car il ne fait aucun doute que la crise s’étendrait à l’ensemble de l’Europe. Tout cela peut conduire à un déclin de la production agricole de l’UE, voire provoquer des pénuries alimentaires. Cependant, le manque de produits agricoles devra être compensé d'une manière ou d'une autre après l'effondrement réel de l'agriculture allemande et si l'Europe ne veut pas introduire le système de tickets pour l'alimentation qui s'est fait connaître pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Une volonté de détruire l’agriculture allemande ? « La première question qu'il faut se poser : comment est-il possible que l'économie la plus grande et la plus forte d'Europe soit mise à terre par un déficit budgétaire de 60 milliards ? », pose comme question Magyar Hirlap qui continue son analyse alors que l’Allemagne est le 2e producteur agricole de l’UE derrière la France et qu’en 2021, l’Allemagne est le 4e exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires derrière les États-Unis, les Pays-Bas et le Brésil : « Si nous parlons d’effondrement, la deuxième question est de savoir pourquoi les agriculteurs devraient supporter la plus grande charge du paquet budgétaire. Cela semble incroyable qu’une économie aussi énorme que celle de l’Allemagne ne dispose pas d’une certaine marge de manœuvre. Alors pourquoi veulent-ils rendre impossible l’agriculture qui assure l’approvisionnement de base, et précisément la détruire ? »
« Bruxelles a pris la décision d’acheminer les céréales ukrainiennes vers l’Afrique via les ports de l’UE. Cependant, les céréales ukrainiennes sont bloquées dans l’UE. Concrètement, elles ont été vendues ici, mais non plus comme céréales ukrainiennes, mais comme produits agricoles européens », avance Magyar Hirlap. Les produits agricoles « bloqués ici », continue le média hongrois, « étaient vendus comme produits de l'UE sur le territoire de la communauté. Les grandes maisons de commerce agricoles occidentales se sont jetées sur les céréales ukrainiennes comme des vautours et les ont achetées à un prix beaucoup moins cher que celui de l'UE », rappelant : « Les agriculteurs de Pologne, de Slovaquie, de Hongrie et de Roumanie ont dû subir d'énormes pertes ». Il est à noter que des agriculteurs polonais ou hollandais se joignent aux collègues allemands.
Les céréales ukrainiennes sont américaines. « En réalité, les céréales ukrainiennes ne sont pas ukrainiennes, mais américaines. Selon des données difficiles à vérifier datant d'il y a plus d'un an - étant donné que de nombreuses entreprises américaines ont créé des entreprises locales en Ukraine et sont, donc, considérées comme des entreprises ukrainiennes dans les statistiques - une grande partie des terres agricoles ukrainiennes est passée aux mains des Américains », fait savoir Magyar Hirlap, complétant : « Les entreprises américaines pourraient le faire légalement puisque le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a levé le moratoire sur les achats de terrains en 2021. Grâce à la privatisation, il est devenu possible de vendre des terres agricoles à des sociétés étrangères. Cela signifie en gros que la superficie des terres détenues principalement par les Américains équivaut à peu près à la taille des terres cultivées de la Russie ».
« Les céréales ukrainiennes utilisent des herbicides génétiquement modifiés afin que les céréales ne soient pas envahies par les mauvaises herbes, ce qui permet d'obtenir des rendements nettement plus élevés. Les producteurs peuvent battre tous les concurrents grâce à cette méthode. Par conséquent, si la distribution de céréales génétiquement modifiées en provenance d’Ukraine était autorisée dans l’UE – c’est actuellement très réglementé – les entreprises européennes n’auraient aucune chance de rester à flot. Cela signifierait également que les entreprises américaines contrôleraient l’ensemble de l’industrie alimentaire européenne », conclut le média hongrois, Magyar Hirlap.
Philippe Rosenthal
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