Le renvoi du préfet Jean Chiappe, le 3 février 1934, fut l'erreur de trop de la Gauche au pouvoir qui contribua à mettre le peuple de Paris dans la rue le 6 février.
Un des premiers gestes du nouveau président du Conseil, Edouard Daladier, fut de renvoyer, le 3 février 1934, Jean Chiappe, qui était titulaire du poste depuis sept ans et avait tendance à se considérer comme inamovible.
Le président du Conseil souhaitait le remplacer pour obtenir un vote favorable à son investiture de la part des députés socialistes et ainsi obtenir une plus large majorité... bien nécessaire en période de trouble. Il faut dire que les socialistes de la SFIO et les communistes haïssaient le préfet de Paris très peu enclin à laisser faire les débordements lors de manifestations.
Depuis des semaines les feuilles de gauche se répandaient en insinuations pour semer dans l’opinion l’idée que Chiappe, lui aussi, était compromis dans l’affaire Stavisky. Pas une preuve jusqu’ici n’a pu en être apportée ; pas un témoignage n’a été formulé. A la tribune de la Chambre, Gaston Bergery (Républicain radical et Radical-socialiste) va même jusqu’à brandir un dossier qu’il prétend accablant et décisif, il se garde bien de l’ouvrir, et d’en faire connaître le contenu !
Pour éviter l’apparence d’une décision partisane, le président du Conseil avait proposé la veille à Jean Chiappe, en échange d’un départ volontaire, sa nomination comme résident général du Maroc. Jean Chiappe, ayant refusé en termes peu amènes, était remplacé quelques heures plus tard par le préfet de Seine-et-Oise [Bonnefoy-Sibour]. Le Préfet de la Seine, Renard, avec lequel il était lié d'amitié, donna sa démission par esprit de solidarité.
Le renvoi du préfet Chiappe eut un très mauvais effet auprès de la puissante Union Nationale des Combattants qui se sentit trahie par le Président du Conseil auquel elle venait d’accorder sa confiance en renonçant à la manifestation du 4 février.
Jean Chiappe s’empresse alors de faire publier sa lettre de démission dans la presse. Il y écrit : « La seule idée d’être le successeur du maréchal Lyautey me remplirait de fierté, de confusion et d’angoisse. Mais, dans les circonstances actuelles, je ne peux pas quitter mon poste. Quand certains crient : « Mort à Chiappe ! », Chiappe ne part pas à Rabat. Mon honneur me retient à Paris. »
Cette mesure du 3 février provoque une vive émotion dans Paris. Deux ministres, François Piétri (Ministre des finances des Républicains de gauche) et Jean Fabry (Ministre de la Défense nationale du Centre républicain) démissionnent le 4 février estimant que cette mesure a été prise sans motif sérieux.
Les élus de la Ville, conseillers municipaux et députés, ne peuvent croire qu’il soit trop tard pour persuader le Président du Conseil que les conséquences de son geste peuvent être dramatiques. Ils ont avec lui une entrevue et l’adjurent de rendre d’un mot la paix à Paris. Rien n’y fait !
La tension ne descendra plus jusqu’au 6 février. Le 5, les Croix de Feu font une démonstration devant la place Beauvau où campe Eugène Frot, ministre socialiste de l’Intérieur. Dans la bagarre qui s’en suit, la hampe de leur drapeau est brisée. Des heurts violents se produisent. Un officier de réserve demande avec insistance à un capitaine de la Garde de le laisser passer avec ses camarades. Le capitaine lui répond d’une voix presque implorante : « Je vous en prie, n’insistez pas. Nous avons des ordres impitoyables... »
L’émeute qui suivra le 6 février n’a pas directement été provoquée par Jean Chiappe, mais son éviction brutale assortie du manque d’expérience de son successeur contribua à la rendre dramatique. Rappelons qu'il y eut 14 morts (Dont 6 de l’UNC) et 236 blessés.