Cette circulaire du 20 juin 1902 qui s’assoit sur la Liberté d’opinion, que nous publions in extenso, est le premier épisode de ce qui sera un des plus grands scandales de la République radicale-socialiste : L'Affaire des Fiches. Elle montre comment la Gauche du début du vingtième Siècle se joua de cette grande idée de "LIBERTÉ" inscrite aux frontispices de tous nos monuments publics.
Les consignes données par le Président du Conseil sont claires : « votre devoir vous commande de réserver les faveurs dont vous disposez seulement à ceux de vos administrés qui ont donné des preuves non équivoques de fidélité aux institutions républicaines. Je me suis mis d'accord avec mes collègues du cabinet pour qu'aucune nomination, qu'aucun avancement de fonctionnaire appartenant à votre département ne se produise sans que vous ayez été au préalable consulté. »
Émile Combes continuera en mettant en place, avec le concours du grand Orient de France, un système de fichage généralisé qui conduira à l'affaire des fiches qui lui coûtera sa place ! Il s'agira d'écarter de la fonction publique, de l'enseignement et de l'armée tous ceux que le grand Orient de France ne trouvait pas assez républicain...
Dans une République qui prône la Liberté d’opinion et l’égalité de traitement, cette circulaire institue tout le contraire : Une mise à l’écart de la très grande majorité des fonctionnaires pour délit d’opinion. Un statut de Dhimmi des monarchies musulmanes… ou d’apartheid !
Ces pratiques de « sales gueules » qui visaient les catholiques et les juifs finirent par faire tomber le ministère très autoritaire d’Emile Combes (18 janvier 1905).
Malheureusement, ces pratiques détestables de "Discrimination administrative pour délit d'opinion" continueront à être pratiquées discrètement jusqu'en 1940 (Avec notamment sous le Front populaire, un certain René Bousquet)… pour finir par redevenir officielle sous le Régime de Vichy (Elles visaient alors les résistants et les juifs)
Circulaire envoyée le 20 juin 1902 par Emile Combes alors président du Conseil et Ministre de l'Intérieur et des Cultes depuis le 7 juin 1902
"" Monsieur le Préfet, Le suffrage universel vient de se prononcer une fois de plus et d'une façon particulièrement éclatante en faveur du maintien et du développement de nos institutions républicaines, et le Cabinet que j'ai l'honneur de présider a le devoir et la ferme volonté de suivre ses indications. Pour mener à bien l'œuvre démocratique, si heureusement inaugurée par le précédent ministère, j'ai besoin de votre concours le plus loyal et le plus résolu, et de celui de tous les fonctionnaires qui détiennent une parcelle quelconque de la puissance publique. Vous êtes dans votre département, Monsieur le Préfet, le représentant du pouvoir central et le délégué de tous les ministres. A ce titre, il vous appartient d'exercer, sous votre responsabilité, une action politique sur tous les services publics : leurs chefs, s'ils jouissent d'une certaine autonomie, en ce qui concerne la tractation des affaires administratives, et relèvent, à ce point de vue, de leurs supérieurs hiérarchiques, ne sauraient oublier qu'ils ont l'obligation stricte de se conformer à votre direction politique. Votre autorité sur eux sera d'autant plus efficace que, vous conformant vous-même aux principes dont s'inspire le Gouvernement, votre attitude sera nettement et résolument républicaine et que tous vos actes tendront à reconnaître la confiance qu'il a placée en vous. Je crois devoir ajouter que si, dans votre administration, vous devez la justice à tous, sans distinction d'opinion ou de parti, votre devoir vous commande de réserver les faveurs dont vous disposez seulement à ceux de vos administrés qui ont donné des preuves non équivoques de fidélité aux institutions républicaines. Je me suis mis d'accord avec mes collègues du cabinet pour qu'aucune nomination, qu'aucun avancement de fonctionnaire appartenant à votre département ne se produise sans que vous ayez été au préalable consulté. J'ai la confiance, monsieur le Préfet, que vous ne perdrez pas de vue ces recommandations. Au surplus, le Gouvernement ne saurait tolérer ni la moindre hésitation, ni la moindre défaillance de la part des fonctionnaires auxquels il délègue son autorité, et dont le premier devoir est l'attachement absolu à la République. Veuillez m'accuser réception de la présente circulaire. "