On pourrait s'en féliciter, c'est sûr : c'est une manière d'institutionnaliser et de rendre plus efficace le simple bon sens qui consiste, pour un commerce ouvert la nuit, à accueillir une femme seule. Mais il faudrait aller plus loin : quid des enfants, qui risquent l'enlèvement ou l'assassinat ? Quid des hommes qui sont les victimes les plus fréquentes de coups de couteau ? Il va falloir que tout le monde en profite. On met des vigiles dans le métro des grandes villes, les profs sont violentés par leurs propres élèves… Il va falloir protéger tout le monde. Ou alors…
Il y aurait bien une autre solution, mais qui nécessiterait de regarder les choses en face. En 1970 ou même en 1980, si on nous avait dit que les femmes de 2024 devraient utiliser une carte interactive pour se réfugier dans un bar-tabac, on aurait rigolé. Or, 81 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement de rue. Qu'est-ce qui a bien pu changer, en France, dans les quarante dernières années, pour que ces comportements se soient multipliés ? Tout le monde a la réponse, mais bien peu la formuleront : une immigration massive, venue de pays qui déconsidèrent les femmes, est arrivée par millions dans notre pays, jadis celui de la galanterie. Malgré les campagnes d'affichage, ce ne sont pas des Jean-Eudes aux cheveux blonds qui sifflent les filles en jupe dans les rues des grandes villes. L'autre solution consisterait donc à prendre le problème à la racine, et, peut-être, à convenir enfin du fait que certains modes de pensée rendent certaines populations totalement étanches à l'assimilation.
Défendre la condition féminine
Loin d'être un progrès, encore plus loin de constituer une résistance à la patiente et (à vue humaine) inéluctable tiers-mondisation de notre pays, cet enfermement des femmes, alors même que le cinéma dérisoire autour de l'IVG prétend les libérer à tout jamais, ne devrait rien dire qui vaille aux véritables défenseurs de la condition féminine. On se souvient que les féministes (Caroline De Haas, par exemple) voulaient élargir les trottoirs pour empêcher les femmes de se faire coincer par des meutes de jeunes. Avec des alliés pareils, on n'a pas besoin d'ennemis.
On pourrait prendre de l'avance sur les futurs développements de cette transformation des bars en lieux sûrs pour les femmes. Dans beaucoup de villes de Seine-Saint-Denis ou des Bouches-du-Rhône, les femmes n'ont pas le droit d'entrer dans les cafés. Les terrasses sont pleines de groupes d'hommes extra-européens chez qui la vocation chevaleresque n'est pas nécessairement un réflexe. Alors, on fait comment ? On évitera de s'y rendre, et puis voilà. Femmes obligées de s'enfermer dans des commerces, quartiers réservés aux hommes : non, vraiment, il n'y avait pas plus urgent que de garantir l'avortement, c'est sûr.
Arnaud Florac