Les discussions européennes sur l’envoi de troupes occultent le fait que plusieurs pays de l’OTAN ont déjà des troupes sur le terrain.
SLT
par Ted Snider
La guerre en Ukraine a atteint la croisée des chemins tant redoutée. L’Ukraine est en train de perdre la guerre, et aucune quantité d’armes ou d’aide ne changera cela. L’Occident doit soit accepter cette évaluation et pousser l’Ukraine à la table des négociations, soit envoyer plus que des armes et de l’aide. Il va devoir intensifier son soutien et envoyer des troupes, au risque d’une confrontation directe avec la Russie et du scénario catastrophe qu’il tente d’éviter depuis les premiers jours de la guerre.
Cette prise de conscience a suscité un débat amer en Europe. Le premier ministre slovaque Robert Fico a déclaré le 26 février que «plusieurs États membres de l’OTAN et de l’UE envisagent d’envoyer leurs troupes en Ukraine sur une base bilatérale». Le même jour, le président français Emmanuel Macron a déclaré que, bien qu’il n’y ait pas de consensus aujourd’hui pour envoyer des troupes sur le terrain de manière officielle, acceptée et approuvée… aucune option ne devrait être écartée.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a répliqué que le consensus était «qu’il n’y aurait pas de troupes terrestres, pas de soldats sur le sol ukrainien qui y seraient envoyés par des États européens ou des États de l’OTAN». L’Allemagne, la Pologne, la Suède, l’Espagne, l’Italie, la République tchèque et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ont tous dit qu’il n’y avait pas de plan pour envoyer des troupes en Ukraine.
Macron a répondu que le temps est venu pour une «Europe où il sera approprié de ne pas être un lâche». Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré que «parler de troupes sur le terrain ou d’avoir plus de courage ou moins de courage (…) n’aide pas vraiment à résoudre les problèmes que nous avons lorsqu’il s’agit d’aider l’Ukraine».
Le débat sur l’envoi de troupes de l’OTAN en Ukraine peut masquer la nécessité d’un débat plus immédiat sur les troupes de l’OTAN déjà sur le terrain en Ukraine.
La transcription d’une conversation interceptée le 19 février entre de hauts responsables de l’armée de l’air allemande au sujet du transfert possible de missiles allemands Taurus à longue portée vers l’Ukraine indique que les Allemands «savent comment les Anglais font… Ils ont plusieurs personnes sur place». La révélation que le Royaume-Uni a des troupes sur le terrain a maintenant été confirmée par le bureau du Premier ministre britannique : «Au-delà du petit nombre de personnel que nous avons dans le pays qui soutient les forces armées de l’Ukraine, nous n’avons pas de plans de déploiement à grande échelle».
La transcription dit que «les Français ne le font pas de cette façon», mais Scholz a laissé entendre qu’ils le font. Le 26 février, le chancelier allemand a défendu sa décision de ne pas envoyer de missiles Taurus en Ukraine en disant qu’il faudrait la présence d’Allemands en Ukraine pour égaler leurs homologues britanniques et français. Il a expliqué : «Ce qui se fait en matière de contrôle des cibles et de contrôle connexe de la part des Britanniques et des Français ne peut pas se faire en Allemagne». Il craignait que «la participation à la guerre puisse découler de ce que nous faisons».
La transcription fait également allusion à une présence étatsunienne sur le terrain. Se demandant si l’Ukraine serait en mesure de cibler par elle-même, l’un des responsables dit : «On sait qu’il y a là de nombreuses personnes en tenue civile qui parlent avec un accent étatsunien».
Et il y a de nombreux officiers civils étatsuniens en Ukraine. Le 26 février, un rapport du New York Times a révélé plus en détail que jamais l’ampleur de l’implication de la CIA sur le terrain en Ukraine. Dans les jours qui ont précédé le début de la guerre, le personnel étatsunien a été évacué de l’Ukraine, à l’exception d’un petit groupe d’officiers de la CIA que le directeur de la CIA, William Burns, a ordonné de laisser derrière lui, et des dizaines de nouveaux officiers qui ont été envoyés «pour aider les Ukrainiens». Ils les ont aidés en leur transmettant des informations essentielles, «y compris où la Russie planifiait des frappes et quels systèmes d’armes ils utiliseraient». Les agents de la CIA ont fourni «des renseignements pour les frappes de missiles ciblées». Et ils ont fourni «un soutien du renseignement pour les opérations meurtrières contre les forces russes sur le sol ukrainien».
Ces interceptions et rapports récents suggèrent que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont déjà des troupes ou des agents sur le terrain en Ukraine. La Russie a longtemps allégué la présence d’un grand nombre de combattants polonais en Ukraine.
D’autres pays de l’OTAN semblent ouverts à une telle participation directe. Le Premier ministre estonien, Kaja Kallas, a déclaré que «tout» est sur la table lorsqu’il s’agit d’aider l’Ukraine, que «je pense que ce sont aussi les signaux que nous envoyons à la Russie, que nous n’excluons pas différentes choses». Se référant aux commentaires de Macron selon lesquels l’envoi de troupes en Ukraine devrait être une option qui n’est pas écartée, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a convenu que «rien ne peut être retiré de la table, aucune option ne peut être rejetée d’emblée», ajoutant que «J’accueille très favorablement et j’encourage la discussion qui a commencé».
Et d’autres pays de l’OTAN envisagent d’envoyer des troupes en Ukraine dans des rôles non conflictuels. Le président tchèque Petr Pavel affirme que les partenaires occidentaux de l’Ukraine ne devraient pas «se limiter là où nous n’avons pas à le faire», notamment en envoyant des troupes pour des «engagements non liés au combat», comme des missions de formation.
Le ministre de la Défense du Canada, Bill Blair, affirme que le Canada a déjà une petite présence militaire en Ukraine pour protéger le personnel diplomatique (bien qu’il ait été signalé que le Canada avait évacué ses diplomates au début de la guerre). Il dit que le Canada n’a «pas l’intention de déployer des troupes de combat» en Ukraine, mais que la formation des troupes ukrainiennes par le Canada a été «difficile parce qu’il est difficile de faire sortir des gens de l’Ukraine pour y faire de la formation». Donc, dit-il, il y a eu «des discussions qui nous ont permis de déterminer si nous pouvions le faire plus efficacement et s’il était possible de le faire en Ukraine».
L’Occident est arrivé à un dilemme effrayant. Persévérer et envoyer des troupes pour combattre en Ukraine est une option dangereuse qui pourrait conduire à une confrontation directe avec la Russie et à une guerre impensable. Mais ce n’est pas la seule voie qui peut être empruntée. L’Occident peut également fermer la voie de la guerre qui n’a profité à personne, ne pas envoyer de troupes en Ukraine et, au lieu de cela, explorer la voie diplomatique.
source : The American Conservative via Le Blog Sam La Touch