Bardella, rouleau compresseur
Alors, sans plus attendre, qu’a révélé cette confrontation de deux personnages que tout oppose ? Que cela aurait pu être pire. Pire pour Valérie Hayer, s’entend. Devant un Jordan Bardella, véritable rouleau compresseur qui, non seulement a montré qu’il avait travaillé ses dossiers mais qui a su les défendre avec conviction, les yeux dans les yeux, quand Valérie Hayer, visiblement, tout du moins en première partie de débat, avait du mal à regarder son adversaire en face. Elle aussi, connaissait ses dossiers mais a été plus chaotique, pour rester gentil, dans sa manière de les défendre. Elle avait travaillé et son équipe de campagne aussi - ça se voyait comme le nez au milieu de la figure - pour placer quelques petites phrases et montrer les crocs afin de tenter de mettre mal à l’aise le président du Rassemblement national : Jean-Marie Le Pen (à qui on pourrait tout de même fiche la paix), les déclarations de certains leaders d’extrême droite européens qui siègent avec le RN à Strasbourg. Pas certain que cela ait fait mouche. En tout cas, cela n’a pas spécialement ébranlé Bardella. Un Bardella qui est resté d’une parfaite courtoisie, malgré les attaques assez basses de Hayer. La plus grande qualité de Bardella, lui demande Benjamin Duhamel, animateur du débat ? « Le culot », déclare-t-elle, quand son opposant, à la même question sur Hayer répond « Le courage ». Le courage d’avoir accepté de prendre la tête de la liste macroniste, quand tous les leaders de la majorité se sont débinés, souligne le patron du RN. La flèche frappe avec élégance ! Plus loin, Hayer, beaucoup moins élégante, ira même jusqu’à qualifier Bardella d’« imposteur ». Carrément. « Ce soir, vous n’êtes pas la candidate de l’esprit de finesse », lui répond-il du tac au tac. Une candidate et une équipe de campagne qui avaient aussi sorti du congélateur les arguments vieux comme Ségolène Royal en politique, usés jusqu’à la corde : vous ne me laissez pas parler parce que je suis une femme ! Par deux fois au moins. Là aussi, Bardella ne s’est pas laissé démonter : Vous allez nous le faire encore longtemps ce coup-là ? (on cite de mémoire).
Hayer : Glucksmann, sort de ce corps !
On ne balaiera pas ici tous les sujets abordés durant ce débat. Retenons-en un qui résume tout. Celui sur la question migratoire. D’un côté, celle qui « est en responsabilité » parle de lutte contre l’immigration illégale et de... lutte contre l'immigration illégale. Point barre. De l'autre côté, celui qui aspire à gouverner la France évoque une question centrale : celle de notre identité, de notre civilisation, comme, du reste, l'avait fait Marion Maréchal devant une Valérie Hayer qui n'emploie jamais ce mot de « civilisation ». C'est trop difficile, sans doute. Vous dites, Madame, qu’en Mayenne, il n’y a pas de problèmes de migrants ? Vous avez de la chance. Visiblement, vous n’avez pas conscience de ce qui se passe en France dans beaucoup de villes, de quartiers (là encore, on cite de mémoire). Le lien entre immigration et criminalité ? « Ça peut arriver » qu'il y ait des migrants délinquants ou criminels, lâchera-t-elle, refusant d'« essentialiser ». Glucksmann, sort de ce corps !
Pour conclure sur ce débat et prendre un peu de recul, on devrait prêter un peu plus attention aux slogans de campagne électorale. D’un côté, celui du Rassemblement national : « La France revient, l'Europe revit ! ». De l’autre, celui de Renaissance : « Nous avons besoin d’Europe ». Le premier est somme toute classique et évoque une sorte de renaissance (!) : revenir, revivre… renaître, quoi ! Le second a un côté trivialement alimentaire, avouons-le, pour ne pas dire plus. Et si la candidate macroniste a tenté, non sans force de conviction, intelligence et combativité, de montrer que nous avons effectivement besoin d’Europe (qui dit le contraire d’ailleurs ?), on peut se demander si c’est vraiment la question centrale qui taraude les Français. « Besoin de rien, envie de toi », chantaient Peter et Sloane dans les années 80. Or, durant ce débat, si Jordan Bardella n’a pas été Peter, Valérie Hayer, elle, a encore moins été Sloane. Car, effectivement, on ne peut pas dire qu'elle ait vraiment donné envie de cette Union européenne dont elle assume pleinement le bilan des cinq années qui viennent de s’écouler.
Georges Michel
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