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Un caprice présidentiel : un débat où je veux et quand je veux !

macron
Dans un entretien au Parisien, ce samedi 25 mai, Emmanuel Macron a lancé, avec le sens de l’impromptu qu’on lui connaît, une nouvelle idée. « Je suis prêt à débattre maintenant avec Madame Le Pen. » Tiens, donc ! Une conversion subite. Une illumination. Une idée géniale, forcément géniale.

Le monde politique d’Emmanuel Macron est simple. Ses équipes sont infichues de faire baisser les intentions de vote en faveur du RN le 9 juin prochain ? L’eau monte au sein du Titanic et le capitaine Hayer avance droit vers l’iceberg en klaxonnant ? Heureusement, Emmanuel Macron survient pour sauver non pas le monde mais le mondialisme. En clair, j’ai besoin de points dans les sondages, je m’offre un débat national quand je veux et avec qui je veux. Comme les Français, le président de la République doit penser que son Premier ministre a manqué d’efficacité face à Bardella devant les caméras de France 2. Les marches de l’humiliation se gravissent quatre à quatre, dans le monde étrange de la Macronie. Attal humilie Hayet en écartant la tête de liste pour débattre lui-même avec le champion du RN pour les européennes. Trois jours plus tard, Macron humilie Attal en expliquant qu’il faut refaire le boulot, qu’il s’y collera lui-même à un échelon supérieur, donc face à Marine Le Pen.

Toute-puissance

Évidemment, Marine Le Pen, plus prévoyante que le chef de l’État, avait par avance dicté ses conditions. La triple candidate à la présidentielle veut bien débattre, mais seulement si ledit débat sert à autre chose qu’à injurier la principale figure de l’opposition pour regonfler les sondages en panne de la majorité. Le Pen veut une promesse de dissolution… ou de démission en cas de défaite, a-t-elle rappelé au chef de l’État. Gouverner, c’est prévoir. Le Pen a prévu, pas Macron.

Il y a, derrière cette nouvelle initiative qui sort d’une interview comme un diable d’une boîte, tout Emmanuel Macron. Le mépris, d’abord : il a dominé un débat présidentiel contre Marine Le Pen en 2017, le second fut nettement moins à son avantage. Peu importe. L'assurance, ensuite. Il en déduit qu’en dépit du cortège spectral de ses échecs, un nouveau duel avec Marine Le Pen provoquera la fuite éperdue des partisans déclarés du RN, voire leur ralliement à la liste de Valérie Hayer. L’encyclopédie Wikipédia, pour une fois utile, donne cette définition du sentiment de toute-puissance : « Le psychique se représente comme détenteur de possibilités infinies, comme effecteur, autrement dit comme ayant une emprise sur le monde extérieur. Cette emprise glorifie le Moi, en fait un dieu surpuissant, seul à décider du cours des choses. » Une névrose obsessionnelle comme une autre, préoccupante tout de même chez celui qui conduit les affaires de la France.

Transformisme digne d'Arturo Brachetti

Le duel pose, en effet, quelques difficultés. D’abord, les deux impétrants n’ont aucun mandat européen : Marine Le Pen est députée de la nation à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron est président de la République. Le débat Bardella-Attal frôlait déjà les barbelés : Bardella est tête de liste RN pour les européennes, il était légitime. On pouvait, en tirant un peu, considérer que les Français verraient un intérêt dans un choc entre deux gabarits précoces de la politique, âgés de 28 et de 35 ans, le second représentant le parti au pouvoir. Cette fois, sur la volonté de Macron, on rejouerait le débat présidentiel en pleine fin de campagne des européennes. Toutes les listes d’opposition ont hurlé au hold-up médiatique lors du duel Attal-Bardella. Cette fois, Macron vide la salle des coffres.

Pour sauver le soldat Hayer, tout est donc, bon. La démocratie repose sur un principe. Une fois élu, le président de la République est le Président de tous les Français, y compris de ceux qui ont voté contre lui. Il le sait si bien que c’est l’argument qu’il utilise pour refuser de débattre après le 9 juin. Donc, dans la pensée magique macronienne, avant le 9 juin, il n’est le Président que d’une partie des Français. Après le 9 juin, le revoilà Président de tous. Un transformisme institutionnel digne du génial transformiste Arturo Brachetti. Chapeau, l’artiste !

Mais qui pensera que le Président représente l’intérêt de la France et de ses habitants, après cet épisode de petite politicaillerie façon voleur de poules ? Abîmer les institutions du pays qui l’a porté au pouvoir, rouler les Français dans la farine de ses intérêts partisans n’empêchent pas Emmanuel Macron de dormir. Ni de donner des leçons de démocratie urbi et orbi. Les ravages du sentiment de toute-puissance...

Marc Baudriller

https://www.bvoltaire.fr/edito-un-caprice-presidentiel-un-debat-ou-je-veux-et-quand-je-veux/

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