La gauche a gagné, le camp présidentiel également, le RN, oui aussi, allez tout le monde y va de sa satisfaction de soirée électorale, on a envie de dire, comme trop souvent. Il est certain, n’en déplaise à beaucoup que la gauche est victorieuse, pas assez pour obtenir la majorité absolue, tant s’en faut. La macronie peut se satisfaire d’avoir limité la casse et de garder une force qui fera jeu égal avec le RN qui ne parvient pas à concrétiser la large domination des urnes du premier tour, tout en restant majoritaire en nombre de voix. Les fameux républicains, pas ceux du parti du même nom qui eux s’en sortent honorablement, peuvent donc se soulager d’avoir évité ce qu’ils ont décrit pendant une semaine comme le pire, en écartant du pouvoir, le seul parti qui individuellement bat tous les autres et améliore son score du 30 juin. Cette satisfaction là est bien mince, sauf à tenter de se rassurer sur l’avenir. C’est là le jeu à la fois des désistements et du mode de scrutin. Personne ne peut gouverner, mieux, ceux qui même au second tour sont devant, se trouvent par le truchement des arrangements en troisième position. On appelle cela la démocratie parait-il, ou comment maquiller une défaite en victoire. En réalité, les partis perdants acoquinés se retrouvent gagnants au second tour, les Français héritant donc des perdants pour qui ils n’ont majoritairement pas voté : subtil.
Rien n’est illégal, tout est immoral, mais qu’à cela ne tienne, puisque la loi le permet. Des députés élus avec des voix des uns et des autres, qui dès dimanche soir reprenaient leur rôle de comédiens en se prétendant ennemis jurés ! On sait ce que valent ces déclarations la main sur le cœur. On se souvient de Jacob au soir des législatives de 2022 : « les LR sont dans l’opposition », on a vu le résultat. Que vaudra la sortie de Coppé sur le « jamais d’alliance avec le Front de gauche » au moins autant ! Reconnaissons l’honnête prise de parole de Florence Portelli sur la réalité des uns et des autres et de la situation au soir du 7 juillet, tout comme celle de Marion Maréchal, là où beaucoup trop s’imaginent que tout sera possible grâce au parlementarisme retrouvé. Le au coup par coup sera donc la règle, elle ne durera pas très longtemps, car si jusque là les députés étaient frileux à l’idée de renverser un gouvernement et de retourner devant les électeurs, ils sont cette fois protégés pendant un an, et devraient donc s’en donner à cœur joie.
Certes la gauche va d’abord se rassurer en présentant l’abrogation de la loi sur les retraites, elle devrait être acceptée, et après ? Le vote du budget devrait mal se passer, et cet événement aura lieu en septembre, date à laquelle la France va, peut-être, perdre son double A et se retrouver sous tutelle du FMI. La perte de cette note entraînera une difficulté à emprunter sur les marchés financiers et un alourdissement des intérêts de la dette. La victoire pourrait s’avérer amère et obliger le gouvernement de gauche, s’il n’est pas tombé avant, à devoir, soit prendre des mesures totalement en contradiction avec son programme, soit être paralysé dans son action. Quelles seraient les options pour Macron en cas de motion votée ? Nommer un autre premier ministre, cette fois issu du centre gauche pour obtenir cette coalition improbable ? Elle ne durera pas plus longtemps, chacun des trois groupes montrera tour à tour sa puissance de feu en renversant les gouvernements successifs, à moins que conscient de la fragilité de la situation, le prochain ne fasse qu’expédier les affaires courantes, en priant pour que le vote du budget ne le précipite pas vers les ténèbres, là, le pari est osé. Quoi qu’il en soit la stratégie du barrage a encore marché, on pensait que les Français ne succomberaient pas aux nouvelles injonctions des partis, eh bien non. Certes le RN a dans ce second tour très souvent dépassé les 45 % et peut imaginer que dans un an cet écart soit réduit, voire totalement comblé. On peut espérer aussi que les droites veuillent bien enfin s’unir et ne plus laisser la gauche les emprisonner dans une morale dont elle dessine au préalable les contours pour remporter élection sur élection, les écartant systématiquement du pouvoir depuis 2017. Mais l’obstination de certains, comme l’égo n’autorise pas cette assurance, et beaucoup sont encore hypnotisés par l’injonction que la gauche lui commande de suivre sous peine d’excommunication, et cette fausse vertu qui permet, dans une contorsion bien française d’empêcher un électorat majoritaire d’accéder au pouvoir. Qu’attendre des souverainistes ? Pas grand-chose puisqu’ils ne jurent que par le Frexit et refusent une alliance dont le sujet ne serait pas abordé. Ils devront se contenter des 1% habituel quand ils seront présents, vu leurs finances nous ne sommes pas prêts de les revoir pour un scrutin.
Des LR, pas grand-chose non plus, avec le même nombre d’élus ils se rassurent et pensent pouvoir retrouver les sommets chiraquiens, oubliant, comme les macronistes, qu’ils doivent leurs sièges à tous ces arrangements, qu’un scrutin uninominal majoritaire à un tour, comme en Angleterre, leur aurait confisqués. Une constitutionnaliste dimanche soir expliquait que les institutions de la V permettraient de surmonter cette anomalie et de gouverner. Son optimisme pourrait bien se heurter à la réalité des blocs préservés par une dissolution impossible, car les députés ne sont courageux que quand ils ne risquent rien, et nous devrions en avoir la démonstration dans quelques semaines. Aveuglés par cette victoire en trompe-l’œil, on pourrait presque dire que ce second tour était un qui perd gagne… Quoiqu’il en soit les droites sont appelés à se rassembler, ce qu’elles ne feront pas, et la gauche à découvrir la réalité économique qui arrive et qui va emporter toutes les belles illusions sur les augmentations gratuites, sur les prélèvements destructeurs d’emplois et de croissance, et non de prospérité et de justice sociale et sur l’insécurité qui sera protégée par cette gauche humaniste et laxiste dès qu’il s’agit de choyer les minorités, soi-disant oppressées et stigmatisées. Cette victoire en est-elle vraiment une ? Et perdre hier soir n’était-il pas se préserver pour l’avenir ? La réponse devrait nous être apportée très rapidement.
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Par Gilles La-Carbona : secrétaire national du RPF au suivi de la vie parlementaire
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