Au lendemain d’une élection, après l’adrénaline de la victoire pour les uns, la satisfaction du maintien par les autres et la tristesse de la défaite pour les vaincus, les confidences se libèrent et l’on constate le degré de perception que chacun éprouve de la situation. C’est toujours étonnant et encore une fois, la règle est respectée. Nous avons bien, le rêveur, la chouineuse et la lucide.
Honneur aux dames. Yaël Braun-Pivet s’est présentée au micro de RTL avec son air de chien battu, pour nous expliquer qu’elle était inquiète de voir cette gauche, qu’elle n’aime pas trop visiblement, dire qu’elle allait gouverner, lui reprochant de ne pas avoir une assise parlementaire suffisante. Elle s’est offusquée en entendant le socialiste Faure évoquer l’emploie du 49.3 ou de décrets pour appliquer le programme. « Il faut laisser les parlementaires s’exprimer ». Oublie-t-elle cette brave dame qu’elle a contribué, par ses magouilles du second tour à cette situation ? Oui, bien entendu, c’est déjà du passé. Mais là où le discours devient lunaire, c’est sur le 49.3. Était-elle dans le coma quand Borne les enchaînait à une telle vitesse qu’on en perdait le décompte ? Que dire du tripatouillage qu’elle s’est ingéniée à réaliser avec son autre grande amie, Aurore Berger, pour vider de l’essentiel le projet de loi de la LIOT qui aurait abouti à la suppression de la loi retraite justement passée avec un 49.3 ? Soit elle est amnésique, soit de mauvaise foi, ou alors elle se fout de nous. Un peu des deux derniers certainement. La constitution permet effectivement ce contournement de la vie parlementaire et elle doit bien en savoir quelque chose puisqu’elle a été complice de ce fait. Il ne lui restera plus qu’une autre arme constitutionnelle, la motion de censure. Mais osera-t-elle la voter en même temps que le RN ? Pas certain qu’elle se parjure et ferme les yeux devant ce sacrilège. Pensez donc, se faire élire avec les voix de l’extrême gauche c’est noble et rassurant, mais faire tomber un gouvernement avec celles de l’extrême droite c’est sale et dégradant. Dans ce cas, il faudra qu’elle se bouche le nez et qu’elle subisse, en silence qui plus est.
Nous avions eu Marion Maréchal, encore très juste dans ses analyses et propos. Sans pathos elle a acté la défaite, dénonçant une droite incapable de s’unifier, indéfiniment tenue en laisse par la morale de la gauche, qui distribue ses commandements et excommunie tous ceux qui ne s’y plient pas. Un RN en tête du second tour avec 37% des voix, relégué à la troisième place, face à une gauche capable de s’unir en quelques heures pour gagner une élection, alors que la droite, paralysée par le traumatisme non digéré de la dissolution chiraquienne, se drape dans le faux manteau d’une vertu imposée par son ennemi et perd tous les scrutins. Incapable de combattre avec la même férocité son adversaire, perpétuellement dans l’excuse ou la justification tandis que la gauche frappe et accuse sans retenue. Timorée, la droite n’est que l’ombre d’une formation, elle se laisse manipuler et ne s’en rend toujours pas compte, et ce malgré les défaites successives. Si Marion Maréchal ne doit avoir qu’un sacerdoce, ce sera bien celui-ci, réunir les droites sur ce qui les rassemble et oublier le reste, avoir une vraie stratégie de victoire. Le travail est colossal, il oblige les défenseurs de la nation à se dévoiler et les autres à s’isoler. Il faudra aller vite, car le temps presse. Diplomatie, et humilité seront nécessaires, comme l’éveil des électeurs. Ces derniers se réveillent doucement et constatent les faits. Le résultat cache un déni. Un parti qui arrive en tête et qu’on s’ingénie à écarter du pouvoir, ne peut être représentatif d’une démocratie saine. Des observateurs font remarquer à juste raison que pour élire un député RN, 70 000 voix sont requises, là où 38, 37, voire 32 000, suffisent pour les autres formations. Le mode de scrutin est inique et la proportionnelle n’aurait pas permis de dégager une majorité absolue. Il faudrait adopter le scrutin uninominal majoritaire à un tour, comme en Angleterre. Ainsi la situation serait plus claire et les petits arrangements d’entre les deux tours, impossibles. Pour les ententes, c’est avant les élections que tout devrait se passer.
Enfin notre rêveur, le sénateur Retaillaud. Lui est venu sur TF1 nous expliquer d’abord que la marque LR était morte. S’il avait lu les analyses du RPF, il aurait eu cette information il y a bien longtemps. Il a annoncé sa volonté de construire un nouveau parti. Avant de poursuivre, examinons ces propos. Si l’on s’arrête à ce constat, pour lui, le sigle LR véhicule trop de renoncements et trahisons, ce qui fonderait ces mauvais résultats, et donc il suffirait que les mêmes têtes se coiffent d’un nouveau nom pour que tout soit oublié et produise un engouement soudain. Il est à craindre que cette recette soit insuffisante. Ce n’est pas tant le nom qui est un repoussoir mais bien la posture de ces parodies de chevaliers blancs.
L’homme veut se baser sur le succès de cette élection, car pour lui c’en est un, pour faire du neuf. Globalement les LR gardent le même nombre de députés, c’est donc à ses yeux la source de satisfaction et la preuve qu’ils peuvent rebondir. La réalité est cependant différente. Ils ont réellement 52 députés, en quoi est-ce un renouveau? Ce chiffre conforte au mieux une stabilisation de l’électorat déjà maigre, rien de plus. Les LR font à peine plus d’un million quatre cents mille voix, soit deux cents mille de moins que Pécresse à la présidentielle. Il n’y a donc pas de quoi sauter au plafond. Vouloir rebâtir un nouveau parti sur cette seule base ne donnera pas un meilleur résultat, sauf à s’ouvrir vers cette droite majoritaire, très loin devant, mais qui l’effarouche encore. D’ailleurs une autre réflexion devrait agiter les milieux politiques face à cette nouvelle assemblée qui ne représentent toujours pas l’exact visage de la France, celle du Sénat et de son mode d’élection. La chambre haute à majorité LR est-elle représentative et de quoi, quand on voit ou se situe les LR ? Donner une importance à Larcher président du Sénat, qui pèse finalement moins de 5% des électeurs est-ce bien raisonnable dans une démocratie ? À l’évidence non. Cette élection pose de multiples questions que la classe politique en place refuse de prendre en compte, trop heureuse de garder le pouvoir. Pourra-t-elle continuer ce déni sans en subir les foudres à un moment donné ? Pas certain.
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Par Gilles La-Carbona : secrétaire national du RPF au suivi de la vie parlementaire
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