L’éditorial de François Marcilhac
Le feuilleton de l’été est manifestement politique. Et il aura commencé dès le début du mois de juin, avec les élections européennes et la décision de Macron de dissoudre l’Assemblée nationale. Tiendra-t-il encore les Français longtemps en haleine, alors que les Jeux olympiques vont bientôt faire l’actualité ? Ne soyons pas dupes : sans être un génie politique ni même un stratège de haut vol, Macron n’a pas choisi au hasard le prétexte des européennes pour dissoudre, car le calendrier lui permettait justement, en cas d’assemblée sans majorité identifiable, ce qu’il n’était pas difficile de prévoir, de laisser du temps au temps, autrement dit de laisser pourrir la situation. Sera-ce au profit du bloc central ?
Il l’espère et les prochaines semaines le diront. Il est clair, toutefois, que l’arc républicain s’est d’autant plus fortement recomposé au sein de l’Assemblée que le pays légal a eu peur, une peur surjouée, assurément, mais qui a tout de même vu le RN progresser et même avoir un allié. Les LR dits canal historique se sont vendus à la Macronie pour un poste de vice-présidente, une Macronie qui a même réussi à rafler la grande majorité des présidences de commission (six sur huit )… tout en se laissant avoir par la gauche et l’extrême gauche qui ont réussi à obtenir la majorité au bureau, ce qui n’est pas sans conséquence. Les députés RN n’auront qu’à bien se tenir : le bureau décide des sanctions.
« Zone de non-droit », l’Assemblée ? Marine Le Pen a eu raison de fustiger le fait que le RN et ses alliés n’aient obtenu aucun poste à responsabilité, et ce contrairement à la lettre même du règlement de l’Assemblée. Mais qui pour le faire appliquer ? Le bureau lui-même. On tourne en rond.
Quelle leçon retiendront les Français de ce mauvais feuilleton politique de l’été ? Que le pays légal les méprise ouvertement en faisant de 11 millions d’électeurs des citoyens de seconde zone. NFP, Macronie et Républicains croient avoir remporté le gros lot en se mettant ainsi d’accord pour ostraciser un tiers de l’électorat français et rester entre gens de bonne compagnie. Ils montrent surtout leur aveuglement : ce n’est pas en leur tournant le dos qu’on évacue les problèmes. Or la progression continue du RN est bien l’expression non seulement d’un malaise mais d’une angoisse existentielle justifiée. Que le RN soit ou non à la hauteur de cette mission historique – répondre à cette angoisse pour sauver le pays –, est une autre histoire. Mépriser à ce point la parole des Français est, en revanche, non seulement d’une profonde lâcheté, mais surtout d’une incalculable bêtise. Et croire qu’on va pouvoir tranquillement revenir à ses petites préoccupations politiciennes – les seules qui intéressent le prétendu arc républicain – est d’une rare prétention. La victoire d’un pays légal aussi méprisant – et méprisable – et aussi aveugle pourrait bien n’être qu’une victoire à la Pyrrhus.
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