Vincent Trémolet de Villers
Nous devrions donc avoir un gouvernement Barnier. Fruit d’un accouchement douloureux et pénible. Ces derniers jours, en effet, la politique a montré un visage désolant. Elle a confondu la déloyauté et la ruse, la duplicité et l’intelligence, le narcissisme et l’ambition, la hargne et la force. Depuis la dissolution, le niveau continue de baisser (et nous étions déjà, malheureusement, proches du niveau de la mer), contre Michel Barnier, ce ne fut que copinages et coups fourrés; grands périls et petits calculs. Devant un tel spectacle, comment s’étonner que la protestation civique se réfugie dans le vote RN, le vote LFI ou l’abstention ?
Pourtant, si l’on se hisse à la hauteur du moment, on voit un pays surendetté, un président affaibli, une Assemblée fracturée, une société archipélisée et, devant ce panorama vertigineux, un premier ministre minoritaire. Cela suffirait à remplir la vie d’un homme, mais Michel Barnier doit aussi compter avec les pièges que posent sur son chemin ceux qui sont censés être de son camp. Depuis sa nomination, la techno parade de Bercy monte le son et ressort des tiroirs la boule à facettes des taxes invisibles et des impôts clignotants. Ses « amis » politiques, que l’on a connus moins vigilants sur la pression fiscale, s’en émeuvent et l’ont mis publiquement en accusation avant de le sommer, au nom de l’«équilibre», d’obéir à leurs désirs gouvernementaux, c’est-à-dire de nommer leurs amis. C’était mal connaître le Savoyard indocile. Michel Barnier a tapé du poing sur la table, menacé de claquer la porte, en espérant obtenir gain de cause dans la composition du gouvernement. Ce qu’il propose montre que s’il compte imposer les siens à Emmanuel Macron, il doit désormais cohabiter avec Gabriel Attal. Le premier ministre savait qu’il devait faire avec l’hostilité de principe du Nouveau Front populaire, l’hostilité à retardement du Rassemblement national, il doit maintenant compter avec l’hostilité sournoise du camp présidentiel. Michel Barnier n’a plus qu’un atout : prendre à témoin publiquement les Français. Leur dire qu’il ne fera pas de miracles, que la partie sera difficile mais qu’il sera concentré sur son travail plutôt qu’enfermé dans la bulle qui, à force d’agitations vaines et de conspirations stériles, vide le pouvoir de sa substance.
Source : Le Figaro 20/9/2024
http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2024/09/21/grands-perils-petits-calculs-6515524.html