Maurice Bernard
Au début du mois d’avril dernier, le ministère des Finances du sémillant et prolifique auteur Bruno Le Maire (reconverti depuis dans l’enseignement, à Lausanne) réévaluait le déficit budgétaire prévu pour 2024 de 4,4% du PIB à 5,1%. Au même moment, l’analyste financier Marc Touati, lui, l’estimait plutôt à 6%... Six mois plus tard, nous savons qui avait raison : une nouvelle fois, les services de Bercy ont péché par excès d’optimisme : au lieu des 5,1% annoncés, on s’oriente plutôt vers 6,2%, selon les déclarations du nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Au moment de la réévaluation du printemps dernier, la députée socialiste Valérie Rabault précisait, sur France Info : « Quand on a 0,7 point de PIB de déficit en plus, on est autour de 18 milliards de plus ». Avec 1,8 point, on doit donc en être à environ 46 milliards supplémentaires, pour un total de l’ordre de 180 milliards… Un beau dérapage qui vient s’ajouter à la longue liste des précédents…
Sur LCI, hier au soir, Darius Rochebin recevait la députée macroniste de Paris Olivia Grégoire.
Question du premier : « Vous avez été aux affaires, vous avez été à Bercy, au cœur de cet immense Bercy qui représente tellement de spécialistes, d’inspecteurs des finances. Comment une erreur de prévision de 100 milliards est-elle possible ? Geoffroy Roux de Bézieux disait : "De mémoire d’observateur économique, ça n’est jamais arrivé qu’on passe en quelques mois de 4,7 à 6% et peut-être davantage" ».
Réponse de la seconde, en gros : ça s’est fait à l’insu de notre plein grès, c’est pas de notre faute, c’est même, pour partie, une conséquence de la réussite de notre brillante politique : « (…) On a déjà une structure (…) de la croissance en France qui a bougé. Ça n’explique pas les 100 milliards de sous-évaluation de Bercy, mais ce qu’il y a d’intéressant, c’est que ça fait sept ans qu’on se bat pour réindustrialiser ce pays, ça fait sept ans qu’on s’est battu en matière d’attractivité et effectivement, nous sommes devenus plus une nation de producteurs et un peu moins une nation de consommateurs - lié aussi à l’inflation et à la poussée inflationniste -. En un mot : moins de recettes de TVA ». Avant d’ajouter : « De grâce, (…) prenons un peu de recul. Le moment est grave, il n’est pas dramatique. Rappelez-vous : (…) sous le gouvernement de monsieur Fillon, à combien était le déficit ? À 7,9% (…), et aujourd’hui, on est encore en train de se parler et la France continue son chemin (…) ».
7,9% (en fait, 7,1%) en 2010, certes. Mais la dette de la France représentait alors 1591,2 milliards d'euros, soit deux fois qu'aujourd'hui...
Le numéro d'équilibriste de Madame Grégoire, hier soir, a été d'un tel niveau qu'on ne peut plus parler d’artisanat, mais plutôt de grand art. Chapeau, l’artiste ! Tout bien réfléchi, c’est décidé : si la réincarnation existe, je veux revenir macroniste. Car, comme pourrait s’écrier le Jack Lang de Laurent Gerra, cette assurance inoxydable, ce contentement de soi à toute épreuve, cette capacité infinie à réécrire l’histoire, à travestir les faits et à retourner une situation en faveur de son camp, « c’est chié, non ».