La colère monte dans le monde agricole, notamment face à la possible signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Cependant, pour Philippe Grégoire, éleveur de bovins dans la région d’Angers interviewé par le journal Epoch Times, cette problématique n’est qu’un symptôme d’une crise bien plus profonde. Selon lui, le véritable mal qui ronge la paysannerie française réside dans la captation de la valeur ajoutée par l’industrie agroalimentaire et les multinationales.
Un monde agricole au bord du gouffre
Philippe Grégoire dresse un constat alarmant : « 40 % des agriculteurs français vivent sous le seuil du RSA, et 80 % touchent moins que le SMIC brut. » Cette situation, déjà critique, ne serait pas directement liée à l’accord du Mercosur, même si ce dernier risque d’aggraver les difficultés. Pour l’éleveur, l’enjeu principal est la répartition inéquitable de la richesse générée par l’agriculture.
Les grandes centrales d’achat et les multinationales exercent une pression immense sur les agriculteurs, tirant les prix vers le bas grâce à une mise en concurrence mondiale. « Un producteur de lait devrait être payé 0,65 € par litre pour couvrir ses coûts, mais il ne reçoit que 0,43 €. » Résultat : des exploitations surendettées, une rémunération dérisoire et des conditions de travail insoutenables.
La financiarisation de l’agriculture, notamment par des acteurs comme la FNSEA ou des groupes tels qu’UniGrain et Avril, est pointée du doigt. Ces structures, alliées à des géants de la finance internationale, concentrent les profits tout en laissant les agriculteurs dans une situation de dépendance.
À cela s’ajoute un modèle fiscal inadapté. Les agriculteurs, imposés sur leurs bénéfices, peinent à réinvestir ou à constituer une marge de sécurité, accentuant leur fragilité financière. Philippe Grégoire plaide pour une réforme fiscale et un plan de désendettement global, afin de redonner une viabilité économique à la profession.
Mercosur : un faux débat ?
Pour Philippe Grégoire, l’opposition à l’accord avec le Mercosur est souvent utilisée comme un levier électoral par des syndicats agricoles. Bien qu’inquiétant, cet accord n’est qu’un élément parmi d’autres d’un système profondément inéquitable. Le véritable défi est de rétablir une souveraineté alimentaire en protégeant les agriculteurs des fluctuations des marchés mondiaux et en exigeant des conditions équitables pour tous les acteurs.
Avec une moyenne d’âge de 51 ans et un manque de renouvellement générationnel, le monde agricole se fragilise davantage. Les jeunes, découragés par des revenus insuffisants et des conditions de travail précaires, désertent la profession. En 2025, la France ne comptera plus que 85 000 exploitants agricoles, contre 400 000 il y a quelques décennies.
Philippe Grégoire appelle à un changement radical du modèle agricole, basé sur la coopération et non le libre-échange. Il défend l’idée d’un commerce équitable, où les bénéfices des secteurs gagnants (comme l’aéronautique ou l’armement) compensent les pertes des secteurs primaires. Il alerte enfin sur le fait que détruire l’agriculture, tout comme l’industrie, c’est lettre en péril l’équilibre économique d’un pays, et des secteurs essentiels pour garantir l’emploi et la souveraineté nationale.
Qui dit mieux ?
Illustration : DR
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