Ce pays est un des plus pauvres de la terre. Pourtant, il y a 4500 ans, il rivalisait avec l’empire pharaonique que, par moments, il dirigea. Il y a 2500 ans, le royaume de Koush infligea des défaites mémorables aux Romains. Jusqu’à l’an 800, il était partagé en trois royaumes chrétiens puissants mais rivaux. Incapables de s’entendre, ils furent submergés par les cavaliers d’Allakbar.
Un réveil tardif que l’Occident a du mal à digérer
Le 3 novembre 2024, le nouveau gouvernement soudanais a mis fin à un accord de 6 milliards de dollars avec les Émirats arabes unis pour le développement de Port Soudan sur la mer Rouge, accusant Abou Dabi d’armer les islamistes les plus fanatiques, allergiques au progrès. Les Soudanais ont compris qu’il valait mieux travailler avec les Russes.
Aboutissement d’une évolution récente, amorcée par les Wagner venus pacifier les mines d’or et d’uranium. Remplacés depuis par des forces officielles. En soutenant le gouvernement contre les rebelles, le Kremlin n’est pas désintéressé. Mais il construit des infrastructures que le Soudan serait bien en peine de financer. Ce qui contrarie les pourritures mondialistes, une fois de plus russophobes.
Entre l’indépendance en 1956 à la partition du Sud en 2011, le Nord islamiste et le Sud chrétien ou animiste s’affrontèrent en 55 ans de guerres tribales, économiques et religieuses. Pour le pétrole abondant au Sud, et contre la charia imposée par Omar Al Béchir. Mais dans ce pays gouverné autrefois par des candaces, reines guerrières, une jeune femme Alaa Salah a été l’instigatrice de la révolte qui a renversé Al Béchir.
Le déclin et le malheur amenés par l’islam, comme partout
De sa conquête par les Arabes jusqu’à nos jours, ce malheureux pays qui dispose de ressources minières enviables, a mal exploité sa principale richesse : l’eau. Avec ses deux Nils et de nombreux lacs. Au Nord, on pratique l’agriculture et l’élevage sur les hauteurs du djebel Oda et la mer Rouge entre le littoral et le récif est une des plus poissonneuses du monde. Au Sud, on défriche une jungle tropicale aux terres généreuses.
Mais pour les Arabes, c’était« bilad es Sûdâan » le pays des Noirs. Synonyme d’esclaves. Géré par des sultans retranchés dans des villes fortifiées, laissant le reste du pays à l’abandon. La traite amorcée par les émirs du pédo-prophète il y a 1200 ans, a perduré jusqu’à la colonisation anglaise, et après l’indépendance. Avant que les clameurs de l’ONU soient mises en sourdine. Puisque les pays riverains de la mer Rouge avaient signé la charte contre l’esclavage, il n’existait plus !
Entre tribalisme et féodalités, l’esclavage existe toujours en 2024
Les dirigeants de Khartoum ont été trop longtemps inféodés aux Arabes, tant pour des raisons métaphysiques qu’économiques. Les indigènes les ont associés dans une commune détestation. Même si certains ministres et gouverneurs sont de purs Nilotiques ou d’authentiques Nubiens, ils sont perçus comme des « Arabes » donc des oppresseurs.
L’esclavage local pour dettes persiste sous forme de servage foncier et agricole, s’étendant à toute la famille après la mort du débiteur. L’emploi des filles à titre de soulte se fait plus discrète mais n’a jamais disparu. Ces transactions sont permises par le coran. On leur a juste donné un autre nom afin de ne pas contrarier les bonnes âmes onusiennes.
Quant à l’esclavage d’exportation vers l’Arabie, il alimente encore les harems des princes érotomanes friands de demoiselles prépubères et de garçonnets dont on distend l’anus dans des maisons d’éducation spécialisées. Signe d’un progrès notable, on ne les castre plus systématiquement comme ce fut la coutume pendant des siècles. Avec un mortalité post opératoire de 70 %.
Enfin il y a le cas particulier des djandjaouids, les cavaliers du diable en dialecte local. Ces tueurs à gages ne sont pas soudanais. Presque tous sont des Baggaras, mercenaires originaires du Tchad et du Niger. Ils se revendiquent suprémacistes Arabes, quand tous les phénotypes coexistent dans ce peuple, le moins fréquent étant celui des Arabes !
Un islam très approximatif
L’essentiel du « travail » des muftis consiste à percevoir « ez zakat », l’aumône légale, un des cinq piliers de l’islam. De gré ou de force. Mais ce n’est pas la religion officielle qui les étouffe. Ni eux ni leur ouailles. S’ils récitent la shahada et appliquent en apparence les principes pieux, ils donnent une interprétation originale du coran qu’ils mélangent à leurs antiques cultes animistes.
On porte de la nourriture aux morts, on élève des autels aux ancêtres vénérés, on psalmodie des incantations aux esprits du vent, des arbres, du fleuve et de la pluie, on idolâtre des grigris de fertilité et on trace des signes cabalistiques sur les portes pour chasser le mauvais sort. Tout ça n’est pas très islamiquement correct ! Même si ce syncrétisme est fréquent en Afrique, il faisait désordre dans un pays que Omar Al Béchir présentait comme une vitrine de l’islam parfait.
La Nubie a toujours été le principal réservoir d’esclaves dans lequel puisaient les Arabes. Un bon musulman ne pouvant mettre en esclavage un autre musulman, ils n’étaient pas trop motivés à convertir les Nubiens. Ou toléraient leur islam approximatif, puisqu’il n’est pas interdit selon certains théologiens d’asservir et de retenir dans les fers les « mauvais musulmans ». Pour parfaire leur éducation ?
La guerre de sécession
La route du Sud pourrait être un paradis pour des touristes-aventuriers. S’il n’y avait cet état de belligérance endémique. Autant le Nord est désertique et aride, autant ici on change de décor. Le Nil blanc serpentant entre de nombreux plans d’eau dans la jungle jusqu’à Rumbek, la ville des lacs, une métropole régionale du Sud Soudan.
Mieux vaut contourner Malakal, ville de garnison, sans trop se rapprocher de Kadugli à la limite de la frontière entre le nord et le sud, où se trouvent encore d’importantes concentrations militaires. Les nordistes, alternant malgré la paix de papier, escarmouches et massacres contre des populations rétives. Bien évidemment, quand ses coreligionnaires se livrent à des atrocités, Karim Ahmed Khan, procureur général de la CPI est sourd et aveugle.
Après Malakal commence « al baher al ghazal » la mer des gazelles. D’immenses étendues marécageuses couleur émeraude, nervurées d’îles flottantes, des lacs jaunâtres piquetés de traînées végétales d’un brun caramel, des canaux argentés dont on devine les tronçons serpentins à travers la canopée, formant avec les taillis une citadelle naturelle.
Une barrière inexpugnable parsemée de sables mouvants et d’épineux toxiques abritant des myriades d’insectes piqueurs. Avec ses étangs de boues méphitiques, paradis des crocodiles et des gros serpents aux venins redoutables. Un environnement difficile qui, durant des siècles, a tenu les Arabes, les Turcs, puis les Anglais et finalement les nordistes, à distance respectable des Azundés et des Avungaras.
Les crocodiles de la mer des gazelles
John Garang, 1945-2005, chef historique de l’Armée de Libération du Sud Soudan, a fini par être contesté dans ses propres rangs. Un héros devenu traître. Parce qu’il aurait accepté une autonomie dans un premier temps, avec une forme de coopération sous conditions avec Khartoum, quand ses compagnons de lutte exigeaient l’indépendance totale ou la lutte armée jusqu’à la victoire.
Son mouvement a fait scission et il est arrivé que les frères d’armes de la veille se tirent dans les pattes. Garang périra dans un hélicoptère saboté, à la veille de signer des accords pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale, prélude à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance du sud, obtenue de guerre lasse en 2011.
Depuis, la situation est instable, confuse, chaotique, avec des accrochages fréquents dans un carrousel sanglant de rivalités et d’ambitions personnelles pour accaparer le pouvoir et ses richesses. Sur fond de sempiternels conflits ethniques entrecoupés d’armistices. L’indépendance n’a apporté que des moments de paix.
Les sudistes qui avaient besoin de l’accord du Nord pour bénéficier d’un accès à la mer afin d’exporter leur pétrole, participaient parfois à leurs combats dans un mélange de mercenariat et de règlements de comptes. Mais là aussi c’est en train de changer depuis que Poutine a reçu le président du Sud dans la perspective de renforcer leur coopération. La Russie pourrait être le facteur d’équilibre qui manque aux deux Soudan.
Christian Navis