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Le prêchi-prêcha climatique du musée d’Orsay

Vincent Van Gogh, Oliviers avec ciel jaune et soleil (détail), Minneapolis Institute of Art © Wikipedia
Vincent Van Gogh, Oliviers avec ciel jaune et soleil (détail), Minneapolis Institute of Art © Wikipedia
L’opération a été présentée le 21 janvier par le musée d’Orsay et le ministère de la Culture : une cinquantaine d’œuvres du musée vont voyager dans des expositions régionales afin de sensibiliser le public aux questions climatiques. Des fois qu’il ne le serait pas assez…

Culpabilité et vertu

Pourquoi revient-il au musée d’Orsay, et pas un autre, de « transformer les consciences » (sic) ? La période couverte par ses collections (1848-1914) est celle de « bouleversements profonds liés à la révolution industrielle », explique Servane Dargnies-de Vitry, commissaire, conservatrice en chef. Elle « marque le début de l’“Anthropocène”, une nouvelle ère géologique définie par l’impact déterminant des activités humaines sur la planète. » L’homme européen, ce coupable idéal.

Le projet ne s’épargne aucun cliché, y compris celui de sa propre vertu. Son empreinte carbone sera limitée, « en privilégiant des matériaux biosourcés et réutilisables pour l’emballage des œuvres, en optimisant les tournées de transport grâce à des groupages régionaux et en favorisant l’usage de biocarburants lorsque cela est possible. » Doit-on comprendre que les œuvres ne vont pas prendre les transports en commun comme on nous y incite à longueur de publicité ?

Vivent la truite et l’anguille !

La sélection d’œuvres est variée. Elle est de qualité. Par rapport au discours qu’elles doivent supporter et illustrer, le choix est parfois pertinent. La Truite de Courbet (Ornans) symbolisera la raréfaction des truites sauvages dans la Loue, polluée aux nitrates et aux phosphates. Autre très beau tableau, Anguille et rouget d’Édouard Manet (présenté à Soissons) fera écho à la situation de l’anguille, en danger d’extinction dans l’Aisne et ailleurs.

Pour d’autres peintures, la banalité est au rendez-vous. La Chasse au Tigre de Delacroix (Le Puy en velay) est reliée aux menaces pesant sur les espèces « considérées comme nuisibles et dangereuses »Les Charbonniers, de Claude Monet (Saint-Cyr-sur-Morin) illustrent le « combustible fossile ». Le superbe Printemps arctique, signé Anna Boberg, la fonte glaciaire. On frôle l’infantilisme.

Les angoisses des marguerites

Et que dire du traitement réservé aux Marguerites de Redon (Autun) ? Elles exprimeraient les « angoisses très actuelles suscitées par les extinctions annoncées. » Quant au Bélier rétif (Tulle), modelé par Bourdelle, il symbolise, selon le dossier de presse, « un rapport d’exploitation et de contrainte » - c’est ignorer l’affection du sculpteur pour ce bélier bien réel et familier qui lui inspira trois oeuvres, dont celles-ci. Parfois on extrapole, comme avec Les Quais, de Jean Charles Cazin (Dijon), où sont représentés des pierres de construction : « notre espèce est responsable, partout dans le monde, par ses choix de production, de consommation et ses modes de vie, de la disparition massive des sols fonctionnels. »

Ne raillons pas. L’opération a plus d’un mérite, dont celui, mis en avant par Rachida Dati, de « faire vivre la culture partout en France, et notamment en ruralité ». Jacobinisme oblige, les grands musées parisiens regorgent d’œuvres stockées dans les réserves. Il est bon d’en faire profiter les régions, même si ce ne sont que des miettes. Mais les provinciaux, les ruraux, goûteront-ils le discours moralisateur qui accompagne le prêt ? A l’heure où 28 % des conducteurs français ne peuvent plus accéder aux grandes villes qui ont des ZFE Crit’Air 3 et plus (cf. la carte interactive BV sur le sujet), ce discours risque d’apparaître comme très boboïde et urbain.

Samuel Martin

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