Yves Thréard
Face à la campagne antifrançaise menée par l’Algérie, Bruno Retailleau apparaît bien seul à monter au front. L’écrivain binational Boualem Sansal est arbitrairement détenu là-bas depuis trois mois, notre ambassadeur a été deux fois convoqué pour se faire taper sur les doigts, Paris est à tort accusé de maltraiter des passagers débarquant à Orly ou Roissy, Alger refuse de reprendre ses ressortissants qui appellent au meurtre chez nous, la presse algérienne multiplie les insultes à l’endroit de notre ministre de l’Intérieur... Et rien ne se passe! Combien de temps encore nous laisserons-nous traîner dans la boue ?
Au lieu de cela, certains en France préfèrent se réjouir des «camouflets», disent-ils, essuyés par Bruno Retailleau. L’expulsion de l’influenceur Doualemn, agent du désordre parmi beaucoup d’autres Algériens, se heurte à des murs. Refoulé par Alger mi-janvier, il vient à présent de bénéficier d’un répit, grâce à un imbroglio juridico-administratif comme seule la France en a le secret. La qualification de son expulsion – en «urgence absolue » - a été jugée abusive par un tribunal administratif. Ses avocats s’apprêtent à demander sa remise en liberté. C’est Kafka en absurdie. Bruno Retailleau avait provoqué, il y a peu, une levée de boucliers en déclarant qu’un État de droit n’était «ni intangible ni sacré». La formule, mal comprise à dessein par les cerbères du politiquement correct, était peut-être maladroite. La réalité n’est cependant pas loin de lui donner raison. On a souvent le sentiment aujourd’hui que le droit et la justice protègent davantage ceux qui les violent que leurs victimes et la société. Pour- quoi s’interdirait-on de réformer une loi ou une procédure quand, à l’épreuve des faits, elle contrevient au bon sens, ne remplit pas son rôle ou conduit à de fâcheuses dérives? Combien de crimes et délits en sont la funeste illustration lorsqu’on remonte le sinistre parcours de leurs auteurs ?
La France doit vite s’extirper du piège que l’Algérie lui tend pour mille mauvaises raisons. Mais cela passe aussi par sa capacité à ne pas transformer son État de droit en un état de faiblesse.
Source : Figaro 31/01/2025