Mais dans la provocation même, peut surgir une vérité que la gauche bêlante, le centre timoré et la droite amortie ont farouchement niée, minimisée ou dissimulée durant des décennies : par le jeu d’une législation sur la nationalité inadaptée à la réalité migratoire contemporaine, qui octroie la nationalité de façon automatique, a été créée de toute pièce comme une autre France composée de Français de droit mais pas nécessairement de cœur. En 1973 déjà, avec Le camp des saints, Jean Raspail imaginait la submersion migratoire d’une France incapable de réagir, en 1996 Samuel Huntington annonçait Le choc des civilisations (Odile Jacob), en 2015 Renaud Camus alertait sur « le grand remplacement » en cours, et Michel Houellebecq décrivait la société française en train de sombrer dans Soumission (Flammarion) en 2019 Jérôme Fourquet décrivait la France éclatée en archipels.
Ce que beaucoup de politologues, sociologues, démographes et écrivains percevaient si bien, et depuis longtemps parfois, le système politique refusait de le voir par idéologie et vouait aux gémonies ceux qui avaient le malheur d’être lucides. Dignes héritiers de Jean-Jacques Rousseau, ils auraient pu dire comme lui : « Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. » (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes). Mais « les faits sont têtus » (Lénine).
« Ce rêve fou de Français de souche »
A Toulouse, le week-end dernier, Jean-Luc Mélenchon a lancé : « Oui M. Zemmour, oui M. Bayrou, il y a un grand remplacement. Celui d’une génération qui vient et qui ne ressemblera jamais à la précédente » et de continuer : « Il y a une nouvelle France et que cette nouvelle France c’est la nôtre, cessez d’imaginer une France du passé qui n’est plus là, acceptez celle qui est là et dites-vous bien, comme je le dis à chacun des jeunes gens dont je sais qu’ils sont nés comme moi au Maghreb » ou bien encore ailleurs : « cette partie du pays est à nous. C’est là que naîtront vos enfants, c’est là que naîtront vos petits enfants. Voilà pourquoi je parle de nouvelle France » et de dénoncer « ce rêve fou de Français de souche ».
Au-delà du ton véhément de Mélenchon, il reste une revendication d’appropriation qui correspond à une stratégie électorale mais aussi à une réalité juridique et démographique due à l’inconséquence et à l’aveuglement de l’oligarchie politico-administrative de gauche comme de droite.
Choc de civilisations
Or la question n’est pas une question ethnique, mais de choc entre deux civilisations qui ne reposent pas sur les mêmes valeurs et qui n’ont pas produit des cultures qui se concilient aisément. Depuis l’origine l’islam est en guerre avec la chrétienté et aujourd’hui avec un Occident qui a apostasié le christianisme mais, même s’il le récuse, y puise ses racines.
Or ce que méconnait Mélenchon, c’est qu’une nation ce n’est pas qu’un espace géographique, c’est d’abord une culture née d’une civilisation donnée. Si l’on considère le territoire de l’ancien empire byzantin alors qu’il était devenu ottoman, il est patent que là où était Istanbul n’était plus Byzance. Ce qu’il méconnait encore c’est que les sociétés multiculturelles sont beaucoup plus difficiles à faire vivre en harmonie que les sociétés avec un fort corps homogène. Comme le prouvent les exemples du Rwanda, de l’ex Yougoslavie, de l’Espagne et du Pays Basque ou de la Catalogne, de l’Irlande du Nord, de la Wallonie et de la Flandre...
Mais en bon marxiste il n’en a cure car il pense que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes » (Marx) et lorsque celles-ci s’éteignent, il faut en allumer d’autres. Le prolétariat n’étant plus un moteur révolutionnaire, la gauche a trouvé dans les minorités culturelles un vecteur de luttes à exploiter. Choix assumé par le think tank (laboratoire d'idées, ndlr) Terra Nova dès 2011. Jusqu'à assumer des revendications identitaires et le risque d'une guerre civilisationnelle, demain, peut-être, civile ?
Née avec le roi Clovis et l’évêque Rémi, couronnée de lys, emportée par les aigles ou affublée du bonnet phrygien, la France nous semble aussi naturelle que l’air que nous respirons. Le citoyen Mélenchon vient nous rappeler qu’il n’en est rien. Voulons-nous réagir ou reprendre l’apostrophe de Déroulède à Barrès : « Jeune homme, la France se meurt, ne troublez pas son agonie ! »