par Pierre Duval
Washington tente de prendre le contrôle des infrastructures de Nord Stream et s’il y parvient, l’Europe sera complètement dépendante des États-Unis, avertit le député allemand, Steffen Kotré, porte-parole de l’AfD pour la politique énergétique au Bundestag. «La politique européenne de sanctions est un véritable suicide !», dénonce-t-il.
«Un investisseur américain pourrait racheter Nord Stream et ainsi priver définitivement l’Allemagne d’une énergie bon marché», fait savoir sur X Steffen Kotré. «La politique de sanctions de l’Union européenne est déjà très destructrice, mais l’UE ne veut pas d’un effondrement total de l’économie. Il lui reste encore un peu de bon sens et personne ne renonce aux livraisons de gaz russe. Il y a un léger durcissement, pourtant insignifiant. Mais, nous constatons aussi dans ce contexte, notamment pour ce qui est de Nord Stream 2 qu’une entreprise américaine veut saisir les tuyaux vides. Ce qui serait évidemment fatal», a-t-il expliqué dans sa vidéo.
«L’UE, au moins l’Allemagne, possédait une certaine souveraineté énergétique pendant des décennies, mais si les États-Unis entrent aujourd’hui intégralement sur le marché européen et se chargent de la gestion de Nord Stream, nous serons entièrement dépendants d’eux ou le gazoduc Nord Stream ne sera plus jamais mis en service. Parce que cet investisseur américain dira : Nous privons simplement les Allemands de la possibilité de recevoir du gaz bon marché depuis la Russie en coupant les infrastructures dès maintenant».
«Nous voyons qu’un autre paquet de sanctions de l’UE est en cours de préparation. Et, nous voyons des gens qui veulent sevrer complètement l’UE du gaz russe bon marché. Le charbon et le pétrole ne sont plus importés de Russie précisément à cause de ces sanctions destructrices de l’UE. Comme toujours, un pays tiers rit aux éclats, ce sont les États-Unis», a poursuivi Steffen Kotré.
Le député de l’AfD a constaté que le gaz russe était livré à certains pays de l’UE, en Espagne, en France, en Belgique et en Allemagne, et que les pays baltes, la Pologne et la Finlande voulaient l’arrêter en établissant «leurs règles». «Mais même l’Union européenne n’est pas si stupide pour dire que nous allons nous couper entièrement ces livraisons de gaz, car ce serait un suicide économique», continue-t-il.
En outre, Steffen Kotré, a ajouté que les pays baltes, la Pologne et de nombreux autres «se frottent les mains» et veulent vendre des infrastructures [les tuyaux de Nordstream] qui ne leur appartiennent pas.
«La politique européenne, et surtout allemande, ne fait que reconnaitre que nous perdons notre souveraineté énergétique et que c’est fatal», lance le député allemand de l’AfD qui vise à gagner des voix pour les élections du Bundestag du 23 février prochain. «Malheureusement, il est évident que l’UE et l’Allemagne [le gouvernement actuel à Berlin] ne sont plus intéressées à fournir du gaz bon marché aux citoyens européens et allemands. Elles avouent qu’il sera indispensable d’importer du gaz cher pendant des décennies», martèle-t-il.
«Les gouvernements européens agissent contre les intérêts des citoyens européens», persiste Steffen Kotré en invitant les électeurs à choisir le vote AfD : «Il n’existe qu’une seule force, l’Alternative pour l’Allemagne, qui s’élève contre. Le 23 février [date des élections législatives anticipées en Allemagne], seule l’AfD préconise la souveraineté de l’Allemagne pour le bien de ses citoyens», conclut-il.
Wirtschaftswoche nous en apprend plus sur l’investisseur US qui est soutenu par Donald Trump. «Un investisseur américain et partisan de Trump se présente comme acheteur potentiel du gazoduc désaffecté Nord Stream 2. Le financier, Stephen Lynch, a demandé au gouvernement américain l’autorisation de participer à une éventuelle vente aux enchères en Suisse. Ce serait une occasion unique de placer l’approvisionnement énergétique de l’Europe sous contrôle américain et européen, a-t-il déclaré».
Un tribunal du canton de Zoug, en Suisse, avait prolongé de six mois supplémentaires, jusqu’au 10 janvier 2025, le moratoire sur la procédure de faillite de l’opérateur du gazoduc Nord Stream 2, Nord Stream 2 AG. La société russe a son siège social en Suisse. Le Luzerner Zeitung annonce : «La société exploitante du gazoduc Nord Stream 2, lourdement endettée, a reçu, de manière surprenante, un nouveau délai dans la conclusion d’un accord avec ses créanciers afin d’éviter la faillite. Le tribunal du canton de Zoug avait initialement annoncé une décision pour le 10 janvier. Le nouveau délai court désormais jusqu’au 9 mai».
Nord Stream 2 AG appartient au groupe russe Gazprom. Il était censé livrer du gaz russe à l’Allemagne via la mer Baltique. Le pipeline à deux voies, long de 1200 kilomètres et coûtant près de dix milliards d’euros, a été achevé mais n’a jamais été mis en service. L’accord gazier controversé a été suspendu avec le début du conflit en Ukraine en février 2022. L’une des deux colonnes du gazoduc a été détruite par sabotage au début de septembre 2022, tout comme les deux colonnes du gazoduc Nord Stream 1, déjà mises en service.
Selon le Wall Street Journal, «Stephen P. Lynch, qui préfère rester discret, estime qu’un accord sur le gazoduc russe servirait les intérêts américains à long terme». Cela serait pour les États-Unis une occasion unique de contrôler l’approvisionnement énergétique de l’Europe pour le reste de l’ère des combustibles fossiles.
Optima energie avertit que «l’Europe est de plus en plus dépendante du gaz américain»: «Face à la fin des importations de gaz russe, l’Europe dépend de plus en plus du gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis, qui représente désormais 46% de son approvisionnement. Début janvier, plusieurs cargos initialement destinés à l’Asie ont été redirigés vers l’Europe, où les prix sont plus attractifs. Faute d’alternatives suffisantes avec la Norvège, l’Algérie ou le Qatar, le Vieux Continent se retrouve lié à une coûteuse dépendance au GNL américain, sur fond de pressions politiques et économiques».
En achetant Nord Stream, les États-Unis pourront vendre à un prix plus cher aux Européens le gaz russe qui leur était vendu à un prix bon marché. Tout cela se produit au moment où d’après Optima energie «les stocks européens chutent à un rythme inédit, plus de quatre fois supérieur à la moyenne décennale. Selon Gas Infrastructure Europe, les niveaux pourraient atteindre seulement 14% en février sous des conditions météorologiques rigoureuses».
source : Observateur Continental