L’éditorial de François Marcilhac
Où va la France ? Nous ne pensons pas seulement à la médiocrité d’un personnel politique qui n’est manifestement pas à la hauteur des défis nombreux auxquels notre pays doit faire face. Nous ne pensons même pas à la dette que Macron a creusée de manière abyssale, sujet de préoccupation que nous sommes loin de négliger, puisque cette dette pourrait, à terme, surtout avec des dirigeants pour lesquels la France doit se fondre dans la mondialisation, obérer notre indépendance nationale. Si la comparaison avec la Grèce n’est pas pertinente — le poids économique, financier, géopolitique, diplomatique et militaire de la France n’étant en rien comparable avec celui de la Grèce —, toutefois, notre situation devient préoccupante, cela sans même penser aux générations futures, ce qu’il est impossible de faire sérieusement en république, dont la temporalité est celle des échéances électorales. Notre pays n’a pas encore assimilé, au sens gastrique du terme, les conséquences de la dissolution de juin 2024 que chacun ne pense déjà qu’à 2027.
Quousque non descendet ?
Oui, la France va mal. Et, renversant la devise de Fouquet, nous serions tentés de demander : « Jusqu’où ne descendra-t-elle pas ? » Nul pessimisme, dans ces propos, encore moins du désespoir, lequel demeure, au plan politique, une sottise absolue : l’histoire de France est là pour nous rappeler que des périodes de déclin ont été suivies de périodes de renouveau extraordinaire et que notre pays a su se relever à de nombreuses reprises après des temps douloureux. Mais le fait est que l’absence d’un pouvoir digne de ce nom ne fait qu’aggraver des tendances déjà lourdes, quand les mensonges de ce qu’il reste d’autorité politique ne dissimulent pas un acoquinement avec ceux-là qui préparent, notamment au sein de l’Union européenne, notre disqualification comme grande puissance et, d’abord, comme grande puissance agricole avec la ratification programmée du Mercosur. Mais qu’il s’agisse, par exemple, de notre industrie ou de nos capacités d’innovation qui demeurent grandes comme en témoigne paradoxalement la fuite de nos cerveaux — s’ils fuient, c’est qu’ils existent et que nous sommes encore capables de les former —, la France n’est pas, n’est plus à la hauteur de ce qu’elle devrait et pourrait. L’enseignement ne cesse pas d’être déclaré la priorité des priorités, mais les ministres se succèdent — cinq en dix-huit mois, de juillet 2023 à février 2025, annonçant des politiques contradictoires, laissant le métier de professeur devenir chaque jour moins attractif aux yeux des jeunes Français, tandis que la baisse du niveau des élèves ne cesse de descendre année après année. Un véritable crime ! Car, plus encore qu’avec la dette, ce sont les générations futures que nous sacrifions au nom d’un égalitarisme démocratique aussi rance (il date au moins de Langevin-Wallon, voire des années 1920) que mensonger, et qui aboutit à un abaissement général prémédité de l’enseignement, dont souffrent le plus les enfants des classes populaires et ceux, immigrés ou enfants d’immigrés, désireux de s’intégrer véritablement. Léon Daudet, dans son célèbre discours sur les Humanités suivi d’un débat à la Chambre des députés, le 22 juin 1922, rappelait que « la question de l’enseignement est primordial », ajoutant : « C’est pourquoi j’estime qu[‘] il importe d’utiliser toutes les richesses de la nation. On a dit — et j’approuve pleinement cette parole — que tous les petits Français ont droit à l’enseignement intégral. C’est la thèse que j’ai toujours soutenue. Que sont en réalité les instituteurs, les professeurs en Sorbonne, les professeurs de facultés ? Ce sont des prospecteurs, des hommes chargés de découvrir et d’extraire les richesses contenues dans tous les gisements intellectuels. Or, dans toutes les classes sociales, il y a des gisements de richesses. Il y a de l’or dans les enfants du peuple. Cet or, il faut l’amener à la surface ». Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui de tels propos valent à l’orateur des applaudissements unanimes, comme en 1922, alors que l’éducation dite nationale, qui n’a jamais autant exclu les enfants des classes populaires des études supérieures, vise désormais moins à transmettre savoirs et questionnements qu’à idéologiser la jeunesse — voire à salir l’imagination, l’identité et l’intime des tout-petits et des pré-adolescents avec l’abject projet d’éducation obligatoire à la sexualité en voie de finalisation. Mais la démocratie a-t-elle jamais eu besoin de citoyens éclairés et instruits ? On sait que l’objectif de Jules Ferry, en instaurant l’école gratuite, laïque et obligatoire, était de former de bons petits électeurs républicains. Aujourd’hui, ses héritiers visent à faire de bons petits non-citoyens individualistes, wokistes et transgenres, prêts à gober tous les discours politiquement corrects des médias dominants.
Le lent poison de l’individualisme
Car c’est bien l’individualisme délétère qui règne en maître dans le discours social qui est le véritable responsable, plus que les citoyens eux-mêmes, biberonnés dès le berceau aux « droits-à » et au déni de réalité. C’est lui le véritable auteur d’une médiocrité générale qui touche non seulement la société française, mais plus généralement les sociétés occidentales — si on entend par là les sociétés de l’ouest de l’Europe, sous domination progressiste, où seul l’intérêt personnel fait loi, d’où la délégation au Big Brotgheraméricain de leur sécurité. Certes, toute généralisation est abusiveet, en Europe même, comme aux États-Unis, avec l’élection de Trump, des foyers de résistance surgissent, des anticorps apparaissent, chez les intellectuels comme au sein de certains médias, tandis que le pays réel reste encore pour une large part indifférent aux modes les plus contraires au sens commun. Mais demeure le risque de ne plus voir, progressivement, comme tel ce qui heurte profondément la décence commune. Et, donc, d’accepter la banalisation du n’importe quoi, voire du mal. Ons’habitue à tout. C’est en cours pour le mariage dit « pour tous » comme pour la PMA. Demain, ce sera le tour de la GPA. La droite dite nationale a, du reste, anticipé le mouvement en se désintéressant de la question sociétale, voire en faisant du zèle, comme avec la constitutionnalisation de l’avortement. Mais la logique électorale est-elle suffisante pour assurer le bien commun ? Ce sont les 50 ans de la loi Veil, devenue non seulement banale, elle aussi, plébiscitée même — 81% des Français étaient, paraît-il, favorables à l’inscription de l’avortement dans la Constitution française, selon un sondage Ifop — mais, surtout, aggravée d’année en année, l’infanticide étant devenu un droit, et ce, à tel point, que les grands médias nous bassinent à intervalles réguliers sur les prétendus obstacles rencontrés par les Françaises désireuses d’avorter, alors que le nombre d’avortements augmente sans cesse : 243 623 en 2023, soit 8 600 de plus qu’en 2022 (+3,7%). Mais cela n’est pas encore suffisant. Quant aux obstacles, réels, eux, et de toute nature — professionnel, financier, de logement — pour fonder une famille, pour avoir des enfants…
Car il faut rapprocher le chiffre dramatique du nombre d’avortements de celui de notre natalité, en berne, lui. Il est, avec 663 000 naissances, près de rattraper celui de notre mortalité — dans lequel n’est pas compris le nombre d’avortements, car alors celui-ci dépasserait le premier. Le solde naturel (différence entre les nombres de naissances et de décès sur l’année) est de +47 000 en 2023, le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comment ne pas comparer les deux courbes ? Comment, aussi, ne pas se scandaliser de politiques gouvernementales délibérément hostiles à la famille et à la natalité ? Pour les 50 ans de la loi Veil, plutôt que de favoriser la famille, il est plus urgent de légaliser l’euthanasie et le suicide dit assisté. Celui auquel nos élites condamnent la France. En cinquante ans nous aurons assisté au triomphe de l’instinct de mort.
https://www.actionfrancaise.net/2025/02/17/leditorial-de-francois-marcilhac-81/