Le billet de Patrick Parment
Dans son interlocution télévisée, tout comme à la réunion des chefs d’Etat européens à Bruxelles (jeudi 6/3), outre un soutien quasi inconditionnel à Zelensky, Emmanuel Macron désigne la Russie comme étant notre principal adversaire. Il laisse même entendre que les Russes pourraient s’en prendre militairement à l’Europe.
Ce n’est qu’un pur phantasme de sa part, car rien, et certainement pas Poutine, ne laisse entendre qu’une telle attaque pourrait avoir lieu. Pour plusieurs raisons, dont la première et la plus évidente est que les Russes n’en ont pas les moyens – hormis le recours au nucléaire. Que d’autre part les Chinois s’y opposeraient pour la bonne raison que l’Europe est un débouché essentiel pour leur économie et qu’au passage, ils en profitent pour piller nos technologies. Une autre raison vient de voir le jour si elle se confirme : Donald Trump et Poutine seraient en négociation pour remettre en marche le gazoduc Nordsteam 2 qui ravitaille l’Allemagne sans passer par des intermédiaires. A en croire la presse britannique, bien mieux informée que nos médias.
A ne considérer que le plan militaire, s’il est vrai que l’Europe s’est singulièrement désarmée en raison de la protection tout à la fois de l’Otan mais plus encore du parapluie nucléaire américain, les poches de résistance seraient trop nombreuses pour empêcher la progression d’une armée russe. Notamment de la part des Polonais et des Baltes pour qui le Russe est un ennemi quasi ontologique.
Passons sur notre force de dissuasion nucléaire. Si nous sommes en mesure de faire des dégâts sur le territoire russe, la Russie a largement de quoi vitrifier l’Europe entière. Ni les uns ni les autres n’y ont intérêt. Donc, sur le fond, notre fameuse force de dissuasion ne sert à rien, si ce n’est dissuader les Russes d’avoir recours à la leur. Autre raison enfin, on ne voit pas quel intérêt auraient les Russes à envahir l’Europe. Celle-ci est non seulement divisée mais d’une grande faiblesse stratégique. Ce que Vladimir Poutine a bien compris. Bien plus intéressantes, à ses yeux, sont les négociations à venir avec Donald Trump qui va finir par lever les sanctions. Car dans la géopolitique qui se dessine, la stratégie américaine est de reconnaître la Russie afin de la dissocier de la Chine qui reste la préoccupation majeure de Trump. Et dans ce jeu-là, l’Europe est totalement absente pour la bonne raison qu’elle n’est en rien une puissance sur laquelle il faut compter. Russes et Américains s’essuient les pieds sur le tapis européen. Nous payons aujourd’hui le prix de nos faiblesses.
La grande question qui se pose est de savoir si les Européens vont enfin se décider à se constituer en puissance et non plus se comporter en valets. De voir nos représentants crier au loup et l’inique von der Leyen proposer 150 Mds€ pour nous réarmer, relève de la fantaisie. Une grande partie de l’arsenal militaire européen est américain et dépend des américains, notamment en matière de communication, enjeu crucial de la guerre moderne comme le démontre le conflit ukrainien. Et que dire des drones ! Les Européens ont du chemin à parcourir pour parvenir à une esquisse de défense communautaire.
Enfin, la guerre en Ukraine, qu’elle dure ou non, est une épine dans le pied des Européens. Comme le souligne à juste titre Pierre Lellouche, les Ukrainiens ne gagneront pas une guerre qu’ils ont déjà perdue. Le problème qui se pose et que règleront - peut-être - Trump et Poutine est de savoir quel sera son statut. Sachant qu’elle ne rentrera pas dans l’Otan, que les Russes continueront d’occuper tout le Donbass et que son entrée dans l’Europe est plus que problématique.