Immédiatement, de nombreux observateurs ont noté la dimension interraciale de l’agression. Il se trouve en effet que la victime est noire, tandis que ses agresseurs semblent être tous d’origine maghrébine. « Mon frère est régulièrement insulté de singe et de sale Noir par ces élèves d’origine maghrébine », a d’ailleurs dénoncé l’une des sœurs du collégien sur le réseau social Snapchat, selon Le Figaro et Actu Lyon. « Ce n’est pas la première fois que j’interpelle le directeur du collège contre le harcèlement scolaire et les agressions répétées de certains élèves d’origine maghrébine contre mon fils en raison de sa couleur de la peau », a également confié son père.
Un racisme que certains préfèrent ne pas voir
Mais, si la vidéo a largement tourné sur les réseaux sociaux, suscitant notamment l’indignation au sein des communautés originaires d’Afrique noire, elle n’a visiblement pas attiré l’attention de tous les médias. Le Monde, Libération, ou encore Franceinfo n’ont pas jugé nécessaire de la relayer auprès de leurs lecteurs. Il faut croire que le racisme est un bon sujet à traiter, mais à condition d’avoir des Blancs à blâmer… A titre de comparaison, il est intéressant d’observer qu’en 2024, ces trois mêmes médias s’étaient passionnés pour le cas de Divine, une militante communiste qui se disait victime du racisme de ses voisins blancs, par ailleurs sympathisants du RN. Aucun coup n’avait été porté, les faits étaient cent fois moins graves que dans l’affaire de Vénissieux, mais Le Monde, Libération et Franceinfo n’avaient pas manqué d’y consacrer plusieurs articles chacun.
Passé sous silence par les médias de gauche, le racisme intercommunautaire mérite pourtant d’être dénoncé. Il profite de son impunité pour se déployer en toute décomplexion, par exemple sur les réseaux sociaux, notamment à chaque match de foot opposant une équipe maghrébine à une équipe africaine. Il faut que les faits soient particulièrement graves et choquants pour que l’espace médiatique consente enfin à hausser le ton. Ce fut le cas en 2021, à Cergy, lorsqu’un certain Mourad D. fut interpelé après avoir frappé jusqu’au sang un livreur, en couvrant d'insultes racistes particulièrement humiliantes la femme qui filmait la scène.
Six semaines plus tard, cet homme de 24 ans a comparu devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, à raison de l'appartenance à une ethnie, nation, race ou religion », « injure publique à raison de l'ethnie, la nation, la race ou la religion » et « apologie de crime contre l'humanité ». À l’issue de quatre heures d'audience, il a écopé de deux ans de prison.
Un racisme bien ancré
Tandis que les réseaux fréristes tentent de faire croire à une « Oumma » parfaitement solidaire et indivisible, le racisme existant entre Maghrébins et Subsahariens est une réalité largement documentée. L’anthropologue franco-sénégalais Tidiane N’Diaye en a fait le sujet de son livre Le Génocide voilé (Gallimard) dans lequel il interroge l’étrange tabou existant sur la question de la traite des Noirs d’Afrique par le monde arabo-musulman. Une traite qui a concerné 17 millions de victimes tuées, castrées ou asservies, et qui a perduré depuis sans discontinuer, de l’antique Nubie au Darfour contemporain. Aujourd’hui encore, le pacte virtuel conclu entre Maghrébins et Subsahariens relève de la fable. « [Le panafricanisme] est une utopie, poursuivait Tidiane N’Diaye en 2017. Dans l’inconscient des Maghrébins, cette histoire a laissé tellement de traces que, pour eux, un "Nègre" reste un esclave. Ils ne peuvent pas concevoir de Noirs chez eux. Regardons ce qui se passe en Mauritanie ou au Mali, où les Touaregs du Nord n’accepteront jamais un pouvoir noir ».
Si elle reste taboue à gauche, cette mésentente ancestrale est toujours d’actualité. Elle s’illustre, par exemple, en Algérie, où un traitement inhumain est réservé aux migrants d’Afrique subsaharienne, et jusque dans les collèges de la banlieue lyonnaise, où des garçons noirs sont martyrisés par leurs petits camarades racisés.