Martin Sellner s’est imposé comme une figure centrale du mouvement identitaire germanophone. D’abord étudiant en droit, il bifurque vers la philosophie tout en s’engageant précocement dans le militantisme. En 2012, il cofonde le mouvement identitaire autrichien (Identitäre Bewegung Österreich), s’inspirant des identitaires français avec des actions symboliques, une communication tranchante et une critique acerbe des flux migratoires.
Son activisme polarise : adulé par certains, vilipendé par d’autres, il attire une couverture médiatique incessante. Confronté à des pressions institutionnelles et à des violences militantes, il demeure un protagoniste clé des débats sur l’immigration et l’identité européenne.
Dans cet entretien avec Matisse Royer, Martin Sellner se confie sur son parcours, ses combats et les obstacles qu’il continue de défier.
Breizh-info.com : Vous avez commencé à militer très tôt. Qu’est-ce qui vous a poussé, en tant que jeune étudiant, à défendre une cause aussi controversée ?
À l’époque, nous avons constaté un grand potentiel dans le monde germanophone, mais un manque de plateforme. Un activisme de nouvelle droite, moderne et professionnel qui se concentre exclusivement sur les questions d’identité et de migration, avec une orientation européenne claire. Telle était notre vision et c’est de là qu’est née l’ONG patriotique la plus performante : generation identity.
Breizh-info.com : Vous avez cofondé le mouvement identitaire autrichien en 2012, en vous inspirant des identitaires français. Mais certains reprochent à ce style d’être plus théâtral que substantiel. Que répondez-vous à ceux qui disent que vos happenings manquent de solutions concrètes ?
Je pense que ces critiques ne comprennent pas vraiment le sens de l’activisme métapolitique. L’action est toujours symbolique. Leur tâche est d’attirer l’attention, de faire réfléchir les gens et de lancer des débats. Nous sommes les seuls à proposer des solutions concrètes depuis 12 ans. Le grand remplacement, l’Europe forteresse et la remigration sont des termes qui ont été largement façonnés et popularisés par les Identitaires.
Breizh-info.com : Quels souvenirs gardez-vous de ces premiers jours et qu’est-ce qui vous a poussé à structurer ce militantisme à ce moment précis ?
C’était une période de changement et de bouleversements. J’étudiais à Vienne et un groupe de jeunes de Nouvelle Droite s’est rapidement réuni autour d’un cercle de lecture. Nous avons apporté l’étincelle française dans la germanosphère et une période pleine d’aventures a commencé. Une mission sur la mer Égée, dans les Alpes françaises, sur la porte de Brandebourg. Notre mouvement était un véritable mouvement de jeunesse. Aucun membre du BI n’avait plus de 25 ans. C’était une époque magique et brillante !
Breizh-info.com : Vous êtes régulièrement vilipendé comme un raciste, un extrémiste de droite et, très vite, un nazi. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de promouvoir la haine et de radicaliser une génération ?
Il s’agit bien sûr de diabolisations faciles. Nous aimons notre peuple, mais nous respectons toutes les autres cultures. L’« antiracisme » est devenu un mot de code pour « anti-environnement ». En réalité, nous avons obtenu le résultat inverse. Nous avons créé un nouveau type de militant de droite qui ne se conforme plus aux vieux clichés, qui s’émancipe de l’extrémisme véritable, des impasses stratégiques et militantes et des fétiches symboliques. Les « travailleurs de rue » identitaires et patriotiques ont massivement réussi à professionnaliser l’activisme patriotique au cours des dix dernières années, de Paris à Vienne, en passant par Berlin, Stockholm, Berne et Londres.
Breizh-info.com : Votre activisme vous expose à des pressions institutionnelles et à la violence. Comment faites-vous face à ces défis au quotidien ?
Nous menons une guerre défensive sur deux fronts, contre les terroristes de gauche Antifa et contre la censure, le désencerclement, la surveillance et la répression des élites. Personne n’est plus sous le feu que l’opposition patriotique. Nous ne survivons que parce que nous résistons à la répression et à la terreur avec beaucoup de discipline et de persévérance. Dans la vie de tous les jours, cela signifie qu’il faut rester vigilant à tout moment et veiller à sa propre sécurité, mais aussi contrer les tentatives d’infiltration et de surveillance illégales. Je ne veux pas entrer dans les détails ici, mais nous avons acquis beaucoup d’expérience dans ce domaine.
Breizh-info.com : Vous organisez, avec l’aide d’autres personnes, le premier événement européen de grande envergure sur la remigration à Milan le 17 mai. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cet événement et quel est son principal objectif ?
L’objectif est de donner plus de substance au terme « remigration », qui a été popularisé par notre activisme en 2024, entre autres choses. Nous invitons des influenceurs, des politiciens et des activistes à travailler en réseau et à présenter ensemble notre vision de l’Europe. Le message est le suivant : nous travaillons en réseau, nous nous professionnalisons, nous nous unissons : la remigration est inévitable.
Breizh-info.com : La « remigration » est un terme que vous avez mis en avant. Comment définiriez-vous ce concept et quelles seraient les premières mesures concrètes à prendre pour le mettre en œuvre si vous en aviez le pouvoir ?
Il s’agit bien sûr d’une question complexe. Mais il y a quelques premières mesures simples à prendre.
1. la fermeture des frontières et le refoulement systématique de tous les clandestins.
2. la création de villes charters en dehors de l’Europe pour les migrants.
2. l’expulsion de tous les clandestins d’Europe vers leur pays d’origine, ou leur transfert vers ces centres non européens.
Ce serait la première phase de la remigration. Par la suite, les sociétés parallèles des personnes non assimilées seraient ciblées.
Breizh-info.com : Qui participe à ces sommets et, surtout, comment comptez-vous convaincre les personnes extérieures au mouvement identitaire que la remigration est une solution nécessaire ?
Il y a des activistes, des influenceurs, des experts et des politiciens. Des personnes différentes, mais qui, chacune dans leur domaine, font avancer la question de la remigration. Nous voulons faire connaître le terme et le populariser. Il doit devenir un mythe positif qui dit à tout le monde : nous pouvons encore renverser la vapeur. Nous pouvons sauver l’Europe ! C’est l’étincelle d’espoir que des millions de personnes attendent !
Breizh-info.com : Vous avez été au cœur de la polémique autour de la conférence de Potsdam en 2024, notamment en raison de l’influence de vos idées sur les hommes politiques de l’AfD. Aujourd’hui, face aux différents succès de l’AfD, quelle doit être sa tactique ?
L’AfD doit rester populaire et provocatrice. Son plus grand adversaire actuel n’est pas la gauche, mais les « conservateurs », qui prétendent être anti-migration. L’AfD doit dénoncer et vaincre la CDU. Pour ce faire, elle doit adopter une ligne claire et nette, c’est-à-dire continuer à propager la remigration. En revanche, la CDU perd sa base d’électeurs de trahison en trahison, et l’AfD peut s’en emparer. Avec les protestataires et les non-votants, cela peut déboucher sur des majorités. La condition préalable est que l’AfD ne se plie pas au courant dominant, mais le défie et le modifie !
Breizh-info.com : En Allemagne de l’Est, l’AfD obtient les meilleurs résultats avec un discours moins ambivalent qu’à l’Ouest. L’AfD doit-elle laisser Bjorn Hoecke prendre la tête du parti lors des prochaines élections ?
C’est au parti lui-même d’en décider, je ne m’immisce pas dans les questions de personnel du parti. Björn Höcke est clairement l’homme politique le plus performant de l’AfD. En même temps, il existe des différences indéniables entre l’Est et l’Ouest. Ce n’est pas pour rien que les grands partis allemands ont également des stratégies différentes pour l’Est et l’Ouest. L’AfD ne peut pas non plus l’ignorer. Quoi qu’il en soit, il serait fatal de placer l’ensemble du parti sur une voie occidentale « douce ». L’Ouest doit suivre la voie de la réussite de l’Est. Mais elle doit être mise en œuvre différemment.
Breizh-info.com : Que pensez-vous de l’Union européenne en tant qu’institution ? Peut-on la réformer pour y intégrer des idées telles que la remigration, ou doit-on la démanteler complètement ?
C’est une bonne question ! Je pense qu’une réforme est théoriquement possible. Mais pour l’instant, on a l’impression que les anciennes élites se retranchent dans leurs institutions. L’exemple de la Roumanie est un coup de semonce. Elles éteignent la simulation de démocratie lorsqu’une élection met en péril leurs positions de pouvoir. Nous avons besoin d’une unité européenne. Les nationalismes mesquins et dépassés ne nous apportent rien de bon et nuisent en fin de compte à toutes les nations parce qu’ils rendent l’Europe faible et vulnérable. Mais il se peut que cette alliance doive être construite parallèlement à l’UE, comme une force entièrement nouvelle, si les anciennes élites continuent à la tenir en échec.
Breizh-info.com : Sur le vorfeld, les Européens de droite doivent-ils se rapprocher des Américains suite à la victoire de Trump et au déplacement de la fenêtre d’overton ? Quelle est votre tactique ?
Nous avons besoin de toute urgence de réseaux et de canaux de communication alternatifs aux vieux transatlantiques libéraux ! Une force complètement nouvelle émerge en Amérique qui est très intéressée par un réseau avec les identitaires en Europe. Bien sûr, nous ne devons pas être naïfs. L’Amérique reste une puissance étrangère avec ses propres intérêts. Mais il existe une proximité idéologique qui constitue une base d’échange. Le facteur décisif sera les plateformes sans censure que les Américains bien intentionnés pourraient mettre à la disposition de l’opposition patriotique en Europe pour le travail d’éducation et la mise en réseau. Si l’effet X se propage à d’autres entreprises de la Silicon Valley, cela changerait la donne.
Breizh-info.com : Quel doit être le lien entre l’Europe, la Russie et les États-Unis ? Trump incarne une ligne proche de la nôtre, mais est-ce vraiment une bonne nouvelle pour l’Europe si les pays qui l’entourent adoptent des politiques plus fortes, même de la part de dirigeants qui peuvent partager vos idées ?
L’Europe doit devenir souveraine. Cela signifie aussi que le vieux « souverainisme » mesquin des différents États-nations n’est pas la solution à bien des égards. Nous avons besoin d’une autonomie économique, numérique et militaire pour être pris au sérieux. Le langage de la politique mondiale est le pouvoir, pas la moralité. Nos vieilles élites décadentes sont incapables de rendre l’Europe forte. C’est pourquoi JD Vance a raison pour l’instant : le premier et le plus grand ennemi est à l’intérieur. La remigration est la priorité absolue. Mais sur le chemin, la souveraineté géopolitique doit rester un objectif non négociable. Les puissances étrangères et les empires ne doivent avoir aucune influence sur l’Europe. Aucun patriote européen ne doit devenir dépendant d’eux ou être à leur solde ! Malgré tout l’enthousiasme justifié que suscitent les réformes de Trump, cela doit rester clair.
Breizh-info.com : La Russie est considérée par certains comme un allié potentiel contre le libéralisme occidental, mais elle a aussi ses propres ambitions impérialistes. N’est-il pas risqué de se rapprocher d’elle, au point de compromettre la souveraineté européenne que vous prônez ?
La souveraineté européenne ne doit en aucun cas être abandonnée. Toute dépendance unilatérale doit être évitée ou, lorsqu’elle existe encore, réduite.
Ni Poutine ni Trump ne sont « mauvais » ou « bons ». Ils représentent simplement les intérêts de leurs pays, qui ne sont pas les nôtres. C’est pourquoi nous avons besoin de notre propre représentation des intérêts. En termes de politique intérieure, nous pouvons certainement apprendre beaucoup des autres pays sans pour autant idéaliser la situation qui y règne. Mais cela ne signifie pas que ces États deviennent automatiquement des alliés. Comme le dit le proverbe : une nation n’a pas d’ennemis éternels, seulement des intérêts éternels. Et à mon avis, il est dans l’intérêt de l’Europe d’avoir une relation d’égal à égal avec la Russie et l’Amérique afin qu’elle puisse consacrer toute son énergie à l’assaut du Sud, à la remigration et à la renaissance de ses peuples.
Breizh-info.com : Je suis membre de l’équipe de Vox Europa, un média qui se veut une voix alternative et un réseau pour la droite en Europe. Que pensez-vous de notre approche ?
Vox europa, la voix de l’Europe. Une bonne approche et un bon nom ! La création d’une conscience européenne dans le camp national est plus importante aujourd’hui que jamais. Dans les années à venir, des puissances étrangères pourraient tenter d’entraîner l’Europe dans une nouvelle guerre de 30 ans et de monter les États-nations les uns contre les autres. Nous pourrions assister à un réveil soudain du revanchisme et des inimitiés héritées du passé, ce qui, en fin de compte, ne profitera qu’aux pays étrangers. Tous les pays d’Europe occidentale souffrent de la même maladie et nos frères d’Europe de l’Est en montrent déjà les premiers symptômes. Multiculturalisme, haine de soi, globohomo, islamisation, échange de population, censure et haine de soi. La solution est le patriotisme et la remigration, et ce dans toute l’Europe. Vox Europa pourrait devenir un catalyseur de cette prise de conscience !
Vox Europa est une initiative qui partage les voix qui façonnent l’Europe d’aujourd’hui : élus, essayistes, philosophes, activistes, artistes et influenceurs. Ces portraits ne sont pas des réponses collectives aux crises qui secouent notre Europe. Face aux grands bouleversements de notre époque, Vox Europa donne la parole à ceux qui, partout en Europe, partagent des solutions et des visions d’avenir. Le message est clair : les réalités européennes appellent des réponses européennes.
Propos recueillis par Matisse Royer
Crédit photo : DR
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