Autres raisons pour lesquelles le libre-échange mondialiste, défendu par les États-Unis pendant 70 ans, n’est pas acceptable :
Les Européens sont en droit de se demander pourquoi il faudrait à tout prix « fourguer » des Mercedes et des produits de luxe aux Chinois, parfaitement capables de fabriquer des produits analogues, tout en acceptant massivement l’importation de produits que les Européens seraient capables de produire en relocalisant ou en lançant des usines nouvelles. Tout se passe comme si le commerce international était devenu l’indépassable horizon des sociétés multinationales. L’avenir s’appelle « juste échange », protectionnisme intelligent et non pas libre-échange !
La démondialisation est inéluctable car il ne peut pas y avoir de diminution de CO2 avec la structure actuelle du commerce mondial. La démondialisation est en réalité une nécessité écologique, sociale, d’indépendance, d’autonomie et de puissance. Tous les Européens répartis dans un grand espace économique devraient être à même, par souci stratégique, de fabriquer tous les produits sans exception aucune, que ce soient des fusées, des locomotives ou des épingles !
La libéralisation planétaire de l’économie est en fait une perversion du concept des avantages comparatifs développé par Ricardo. Aujourd’hui, les avantages comparatifs ne sont plus des avantages technologiques, géologiques ou climatiques particuliers, mais du « dumping social organisé par les entreprises multinationales qui repose sur le triptyque suivant : produire bon marché dans les enfers sociaux et environnementaux des pays du tiers-monde, valoriser les bénéfices dans les paradis fiscaux et commercialiser dans les temples de la consommation des pays riches qui deviennent de plus en plus pauvres, avec de plus en plus de chômeurs !
« Nous souhaitons être très bientôt une entreprise sans usines » a pu déclarer, le 26 juin 2001, Serge Tchuruk, le président français d’Alcatel, qui comprenait en 2000, 120 sites industriels et 150 000 personnes ! À partir de ce moment, la part de l’industrie dans la création de richesse française a plongé. Ce plongeon fut la conséquence d’un choix collectif stupide des élites françaises de délocaliser dans les pays émergents à bas coût de main-d’œuvre ; l’Allemagne sut davantage raison garder. Ces élites françaises étaient encouragées, mal conseillées par les médias, les gouvernements, les « think tanks » et de trop nombreux travaux universitaires fallacieux des pays anglo-saxons ; le libre-échange mondialiste augmentait en effet à court terme les profits boursiers des entreprises de Wall Street et du London Stock Exchange, tout en diminuant parfois les prix d’un grand nombre d’articles de consommation. Quant à Alcatel, après le désastre de plans sociaux sans fin et un mariage raté avec l’Américain Lucent, ce fleuron de l’industrie française a fini par être racheté en 2015, par Nokia !
En 1880, La Tour du Pin prévoyait déjà ce que les libre-échangistes mondialistes et l’Amérique n’ont pas vu venir
En quelques lignes, parues dans les années 1880, tout, ou presque, est dit et annoncé par La Tour du Pin : « Le système de la liberté sans limites du capital a-t-il développé la production aussi bien qu’il l’a avilie ? Nullement. Il l’a laissée dépérir sur le sol national, en émigrant lui-même, là où il trouvait la main-d’œuvre (…) à meilleur marché (…). Les conséquences du système lié à la multiplicité des voies de communication (…) seront de ne plus pourvoir le marché que par les produits des populations les plus misérables ; le coolie chinois deviendra le meilleur ouvrier des deux mondes parce qu’il n’aura d’autre besoin que ceux de la bête. Puis, comme l’ouvrier, l’ingénieur, l’agent commercial, le banquier lui-même seront pris au meilleur marché (…). Voilà comment une décadence irrémédiable attend, dans l’ordre économique, la civilisation de l’Occident au bout de cette voie de la liberté du travail où elle s’est engagée avec la doctrine de ses philosophes pour flambeau, la science de ses économistes pour guide, et la puissance de ses capitalistes ».
Retour nécessaire à l’esprit européen de la charte de La Havane des Nations Unies du 24 mars 1948 qui fustigeait le libre-échange mondialiste
Des mesures protectionnistes doivent s’imposer en Europe, comme ce fut le cas durant l’entre-deux-guerres mondiales. La meilleure preuve du bien-fondé du protectionnisme est la charte de La Havane signée le 25 mars 1948 qui prévoyait la création d’une Organisation internationale du commerce, l’OIC. La charte de La Havane fut abandonnée en 1950.
Les clauses du GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), suite aux pressions des États-Unis, lui succédèrent pour déboucher sur la folie du libre-échange mondialiste, la création de l’OMC (1995), l’erreur gravissime de l’entrée de la Chine dans cette organisation (2011), ce qui équivalait à faire rentrer le renard dans le poulailler. Ces règles étaient tout le contraire de ce qu’avait proclamé le bon sens même de la charte de La Havane. L’Amérique est donc bien la seule responsable de l’introduction du libre-échange mondialiste, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La charte qui s’intéressait au développement de chaque pays était au contraire fondée sur la coopération entre les États et non pas sur la concurrence. Chacun était maître chez soi : « le but était le plein-emploi dans chaque État, l’équilibre de la balance des paiements de chaque pays. Il s’agissait alors de favoriser la coopération en vue de faciliter le développement industriel et le développement économique général ainsi que la reconstruction des pays dont l’économie avait été dévastée par la guerre » (article 10).
Il s’agit donc aujourd’hui de reconstruire l’industrie européenne dévastée par le libre-échange mondialiste, la concurrence technologique de l’Amérique, la Chine et les pays émergents des BRICS, afin de constituer un espace économique européen autocentré, à l’abri d’une protection douanière, et qui importe ses matières premières et son énergie de la Russie, tout en coopérant technologiquement avec Moscou sur de grands projets d’avenir.
Un exemple parmi tant d’autres : la décision des Pays-Bas d’investir 2,5 milliards d’euros dans les infrastructures, pour retenir le champion technologique ASML, premier constructeur mondial des équipements pour fabriquer les puces électroniques, car il menaçait de délocaliser, est une décision stratégique intelligente et pertinente.
La défense du libre-échange est devenue aujourd’hui politiquement incorrecte à Washington
Les principes du libre-échange qui poussaient jadis des Présidents démocrates comme Bill Clinton ou Barack Obama ou des républicains comme George H. W. Bush ou son fils George W. Bush, à négocier des accords commerciaux, afin d’ouvrir des marchés aux produits et services américains, sont devenus politiquement incorrects.
En dépit du plein emploi, l’hostilité au libre-échange qui a permis à Donald Trump de gagner en 2016 dans des États jusqu’alors pro-démocrates, comme le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie, n’a guère changé. Les républicains n’osent plus faire campagne sur la nécessité de faire tomber les barrières douanières. Ils préfèrent soutenir l’idée de surtaxer les produits étrangers au nom de la défense de l’emploi et de l’indépendance nationale. C’est par exemple une coalition bipartite au Congrès qui demande à la Maison Blanche d’augmenter les droits de douane sur les panneaux solaires chinois. Même chose pour les automobiles électriques chinoises : des élus démocrates et républicains demandent une surtaxe de 25 % sur ces véhicules.
Le libre-échange « à la papa » était censé profiter à tous les consommateurs, en offrant une foule de produits à bas prix, innovants et diversifiés. Joe Biden, lui, privilégie les travailleurs. Faire baisser les prix pour aider l’Américain moyen ne serait plus un bien en soi, si cet Américain s’appauvrit, se révèle mal formé pour les nouveaux emplois ou se retrouve au chômage !
Joe Biden s’apprête à reconduire en 2024 l’essentiel des surtaxes de Donald Trump portant sur 300 milliards de dollars de produits chinois, déjà maintenus depuis son arrivée à la Maison Blanche. Il n’a en outre remplacé celles frappant des produits européens et japonais qu’en échange de quotas, in fine, tout aussi protectionnistes. En visite au siège social des « United Steelworkers » (USW), syndicat de l’industrie sidérurgique américaine, Joe Biden a proposé de tripler les droits de douane de 7,5 % sur l’acier et l’aluminium chinois.
À Washington, on trouve tout aussi légitime, de nos jours, à gauche comme à droite, que Joe Biden s’oppose à ce qu’une entreprise sidérurgique soit rachetée par un groupe japonais. Devant une foule syndiquée, Joe Biden a déclaré : « US Steel doit rester une société totalement américaine. Et cela va se produire. Je vous le promets ». Lorsqu’il s’agit de flatter le syndicat unique des 10 000 employés de US Steel, l’importance de l’alliance avec le Japon, même pour combattre les pratiques commerciales déloyales chinoises, passe au second plan. Quant aux effets néfastes de cette politique sur l’Europe, ils sont relégués au troisième plan. C’est pourtant vers l’Europe que les Chinois seront tentés de vendre leurs surplus d’acier qui n’auront plus accès au marché américain.
Peu importe aussi que les aciers produits par US Steel ne soient pas destinés aux industries de la défense, mais à celles de l’automobile, de l’électroménager et de la construction. Comme Donald Trump, Joe Biden a recours à une définition extrêmement large de « la sécurité nationale » pour justifier sa nouvelle forme de protectionnisme. En parfaite symbiose avec « United Steelworkers » », le Président des États-Unis souhaite implicitement que l’Américain Cleveland Cliffs rachète les actifs de US Steel. Le syndicat qui finance la campagne de Joe Biden rêve de créer un monopole américain domestique de l’acier, protégé par des barrières douanières, qui garantirait des salaires élevés à ses employés. L’empressement de Joe Biden s’explique d’autant mieux que Donald Trump avait aussi promis d’interdire que US Steel passe sous contrôle étranger.
Pour un commerce international équitable : « fair trade » et non pas « free trade »
Le FMI, lors de la session du 21 avril 2017, a mangé son chapeau. Il a pris une décision très importante qui était en fait un tsunami, une révolution dans la pensée politiquement correcte rabâchée depuis 50 ans par tous les perroquets, les médias, les entreprises multinationales, et les États-Unis. Le FMI a officiellement appelé à passer de l’ère du libre-échange mondialiste (« free trade ») à l’ère du commerce international équilibré (« fair trade »).
Pourquoi ce brusque changement ? Parce que le libre-échange international ne correspond plus à l’intérêt des États-Unis et parce que Donald Trump était le Président des États-Unis qui, par leurs droits de vote prépondérants, font la pluie et le beau temps au FMI. Jusqu’à ce jour tous les experts proclamaient urbi et orbi, comme aujourd’hui le changement du climat par l’homme, qu’il fallait favoriser le libre-échange mondialiste, que tous les citoyens qui voyaient disparaître sous leurs yeux les industries locales, les emplois bien rémunérés et les classes moyennes des pays industrialisés étaient atteints du syndrome maladif complètement inexact de la ligne Maginot !
Le FMI reconnaît donc que les peuples européens ont le droit de protéger leurs industries, leurs conditions de travail et leur environnement en instituant des droits de douane sociaux et environnementaux aux frontières de l’UE. C’est un peu tard maintenant que les Chinois nous ont dérobé une très grande partie de nos industries, puisque l’activité industrielle ne représente plus que 10,5 % du PIB en France.
Le patronat, les mondialistes, l’OMC, l’Amérique, l’UE, les gouvernements et les pseudo-experts ont donc menti et raconté des âneries aux peuples européens pendant 70 ans ! Faudra-t-il encore attendre 70 ans avant d’en finir avec les mensonges médiatiques du réchauffement climatique par l’homme ?
Les États-Unis, selon Costanzo Preve, ont perdu la « quatrième guerre mondiale »
Après la chute du Mur de Berlin (1989), les États-Unis ont prôné le libre-échange mondialiste pour des raisons également politiques car ils croyaient, par l’effet du commerce et l’économie, introduire la démocratie libérale en Chine et en Russie. Cette tentative a lamentablement échoué en accélérant les transferts technologiques et les délocalisations en Chine et dans les pays des BRICS, d’où leur montée en puissance. C’est ainsi qu’ils ont, selon Costanzo Preve, perdu la « quatrième guerre mondiale ».
Le libre-échange mondialiste a seulement favorisé les intérêts des États-Unis de 1947 jusqu’en 1970, date du décollage et de la montée puissance de la Chine, ce que n’ont pas tout de suite réalisé les États-Unis, d’où leur erreur stratégique, après la chute du Mur de Berlin (1989), en croyant faire tomber de cette façon les régimes autoritaires qu’ils ont contribué au contraire à renforcer, à leur propre détriment industriel ainsi qu’à celui de l’ensemble de l’Occident.
Les États-Unis et l’Europe ont souhaité l’entrée de la Chine à l’OMC, le 11 décembre 2001, car leurs dirigeants pensaient trouver le moyen de pénétrer ce gigantesque marché avec des produits à technologiques à haute valeur ajoutée, tout en gardant leurs illusions sur les changements démocratiques à venir en Chine et sur la capacité des Chinois à ne vendre que des chaussures et des produits textiles. La triste réalité fut au contraire de fournir un levier à la Chine, pour rattraper et dépasser les vieux pays industrialisés, avec des taux de croissance annuels chinois jusqu’en 2010 de 10 % par an, d’où la montée en puissance économique, technologique et militaire de l’Empire du Milieu.
Conclusion : Donald Trump voit juste et a raison pour presque tout ce qu’il entreprend, afin de défendre l’Amérique et l’impérialisme américain, mais il pourrait échouer dans sa tentative de démondialisation de l’économie car il s’attaque en même temps de façon virulente et très frontale à des tas d’ennemis dont l’oligarchie de l’argent et les entreprises multinationales, dans tous les domaines politiques, sociologiques, religieux, sociétaux, militaires, géopolitiques, économiques, boursiers, les plus divers, aussi bien à l’intérieur des États-Unis qu’à l’international ! Donald Trump n’a jamais lu le Combat des Horaces et des Curiaces !
Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï -2024- Éditions Librinova / Parution en langue russe en mai 2025 à Moscou aux éditions « Ves Mir »
https://ripostelaique.com/donald-trump-a-100-raison-libre-echange-suicide-pour-leurope-2.html