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La paix

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L’éditorial de François Marcilhac

« Pour qui voit les choses et non plus les mots, le fléau de la guerre naît du jeu naturel des forces de la vie. Ce n’est pas un état exceptionnel, ce n’est pas un accès merveilleux et rare, mais au contraire l’effet presque constant, toujours redoutable des passions tendues et des intérêts déployés. Il suffit de laisser aller : les unes et les autres aboutissent à la lutte armée, aussi bien entre particuliers qu’entre nations ; la paix qui y met fin naît d’un labeur profond, énergique, puissant, et, dès qu’il s’arrête, elle s’arrête aussi. On ne comprend rien à la paix si on ne la conçoit comme le chef-d’œuvre de l’art politique dans la vie sociale, nationale, internationale.

Pour faire ce chef-d’œuvre, il faut que tous le veuillent. Pour ledétruire, il suffit d’un seul. »

Une rhétorique belliciste

Nos actuels va-t-en guerre méditeraient avec profit ce beau texte de Charles Maurras, tiré de Mes Idées politiques. Pour un homme de sa génération, dont les guerres ont rythmé l’existence, la paix était un bien précieux, inestimable même : non pas à n’importe quelles conditions, bien sûr, et c’est la raison pour laquelle l’Action française n’a jamais cessé de prôner l’armement et le réarmement de la France à une république insouciante et imprévoyante, et qu’elle continue de le faire, mais jouer avec la guerre, comme un petit garçon immature, pour continuer d’exister aux plans international et, surtout, national, quelle faute gravissime ! Quel crime, même, à l’égard de ses concitoyens et de son pays — sans compter nos chers amis ukrainiens dont on envisage, sans émotion particulière, de poursuivre le sacrifice. Oui, il peut suffire d’un seul pour détruire ce chef-d’œuvre qu’est la paix ou pour l’empêcher d’éclore lorsque les parties en cause y semblent enfin prêtes.

Certes, lorsque la rhétorique belliciste est devenu le seul moyen de rester en place, lorsque l’on décide d’envoyer à tous les foyers français un manuel de survie en cas de crise ou de conflit armé, parce que régner par la peur est une vieille recette — testée à grande échelle lors de la covid-19 —, la perspective de la paix enfin recouvrée est peu réjouissante et il convient de s’inventer une « menace existentielle » suffisamment imprécise, du reste — non sur son identité, qui serait la Russie, mais sur son ampleur immédiate —, pour détourner les citoyens des véritables enjeux — comme l’existence d’une hydre étrangère au cœur de la nation, qui menace jusqu’à notre diplomatie méditerranéenne, notre politique migratoire, la sécurité intérieure et la paix civile. Oui, que la perspective de la guerre est jolie ! Elle permet à un président discrédité de revenir sur le devant de la scène et à un gouvernement sans marge de manœuvre d’instrumentaliser les événements d’Ukraine et l’incertitude dans laquelle ils nous placeraient pour reprendre d’une main ce qu’il avait lâché de l’autre afin de passer le cap de la motion de censure. Ainsi, le « conclave » sur les retraites est devenu sans objet, et on prépare les épargnants et les retraités français à des lendemains pénibles. Dans la situation financière actuelle, avec un tel taux d’endettement, dont Macron est pourtant largement responsable, la nécessité de doubler le budget de nos forces armées ne peut que légitimer des efforts exceptionnels, quels qu’ils soient, surtout si on se refuse d’agiter le chiffon rouge de l’augmentation des impôts. Et surtout si, avec des trémolos dans la voix, le président en appelle à un sursaut patriotique ! « La patrie a besoin de vous, de votre engagement » et d’invoquer « la force d’âme d’une nation » : mais son en même temps ne fait plus illusion : c’est à une prétendue « patrie » européenne, à une fantomatique « nation » européenne, à laquelle il pense, ce n’est pas à la France. D’autant que la situation actuelle le pousse à abandonner notre autonomie stratégique et militaire à nos partenaires de l’UE, comme pilier d’une « souveraineté européenne ». En bon patriote allemand, et non « européen », le futur chancelier Merz est en toutcas demandeur.

Europe une vassalité existentielle

Macron, qui a abandonné toute diplomatie indépendante, et même méthodiquement sabré nos moyens matériels et humains en la matière, est puissamment aidé par une Europe institutionnelle qui surjoue l’inquiétude face à un prétendu renversement des alliances des États-Unis. Comme si les États-Unis, tout au long de leur histoire, s’étaient jamais alliés avec d’autres qu’eux-mêmes, même par OTAN interposée, ce traité instaurant la vassalisation des États européens sous prétexte, déjà, de la menace russe. Il est vrai que l’imprévisibilité apparente et la brutalité vulgaire d’un Donald Trump et de ses plus proches conseillers donnent du grain à moudre à tous ceux qui font mine de craindre, au printemps, le déferlement des troupes russes sur l’Europe. Le plus grave, au fond, c’est que cette toute nouvelle méfiance européenne à l’encontre de la politique états-unienne ne vise rien moins, plus qu’un sursaut d’atlantisme, un sursaut d’américanisme : si Trumpest critiqué violemment, de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est précisément parce qu’il ne serait pas, au fond, suffisamment américain, en ne jouant pas suffisamment sa fonction de suzerain, accusé qu’il est d’être prêt à abandonner l’Europe à l’Ours russe pour mieux affronter la Chine. L’Europe croit vivre un moment historique : elle découvre surtout qu’engagée par les démocrates américains à se tirer une balle dans le pied aux plans économique et militaire en se brouillant avec les Russes pour le plus grand profit de l’économie et de l’armement américains, l’Oncle Sam en veut toujours plus. Car pas plus Trump que Biden ne veulent d’une « défense européenne », ce qui supposerait préalablement l’existence d’une puissance politique européenne qui ne pourrait qu’être concurrente des États-Unis, surtout si, prenant goût à son indépendance, elle remettait en cause la suprématie du dollar. Mais ce que veut Trump, sous prétexte de responsabiliser les Européens, c’est, outre le beurre et l’argent du beurre, le sourire de la crémière ! Vendre toujours plus des armements bridés à des Européens toujours plus soumis à la logique impériale de l’Oncle Sam et qui ne remettront jamais en cause, sous prétexte d’une menace existentielle russe qu’on fait mine de favoriser — le fameux renversement des alliances —, l’hégémonie monétaire, militaire et économique des États-Unis. Ce que rappelle Trump, certes, en y mettant moins de forme que Biden, à l’occasion d’une recherche véritable de la paix, c’est que, comme le roi de l’histoire, l’Europe (institutionnelle) est nue ! Et que, s’agissant de l’Ukraine, il lui appartiendra, en bonne vassale, après avoir payé le prix d’une guerre américaine, d’assumer le coût d’une pax americana dont elle sera naturellement exclue, ou plutôt : à elle d’assumer la reconstruction d’un pays dévasté, tandis que les États-Unis, voire son allié britannique, chercheront à en tirer le maximum de bénéfices — s’agissant notamment, mais pas uniquement, des terres rares ukrainiennes.

Trump ment évidemment en disant que l’Europe institutionnelle n’a été inventée que pour faire pièce aux États-Unis, puisqu’elle est une création américaine mûrement réfléchie et patiemment construite sur plusieurs décennies. La panique de ses dirigeants actuels le prouve assez bien : en dehors du protectorat américain, l’Europe n’a aucune consistance. C’est pourquoi il est tout aussi faux de prétendre qu’elle est à un tournant de son histoire : car elle n’a pas d’histoire en dehors de sa soumission aux États-Unis. En revanche, si elle décidait enfin de se réapproprier les armes de sa souveraineté, la France pourrait de nouveau participer à ce « chef-d’œuvre de l’art politique » qu’est la paix, condition de toute prospérité. Maurras concluait ainsi son propos : « Nous ne troublerons pas la paix si nous sommes justes et sages et si, fidèles à la maxime de nos rois, nous voulons toujours raison garder ».

(Illustration : Miège)

https://www.actionfrancaise.net/2025/04/09/leditorial-de-francois-marcilhac-84/

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