Il y a 50 ans de cela, les communistes cambodgiens, formés idéologiquement en France, s'emparaient de Phnom Penh. Leur chef Saloth Sâr, plus connu sous le nom de Pol Pot, et d'autres dirigeants tels Ieng Sary et Mey Mann, étaient tous issus du Parti communiste français. Ieng Sary avait ainsi rendu la lecture de L'Humanité obligatoire, au sein du cercle créé dans les années 1950 en banlieue parisienne, où l'on étudiait pieusement les textes de Karl Marx, Lénine ou Staline.
Très logiquement la gauche française [la plus intelligente du monde, cela va sans dire] applaudira quand le 17 avril 1975 « les chars des Khmers rouges entrent dans Phnom Penh libéré », titre du Monde daté du lendemain. Dans ce pays de 7,9 millions d'habitants, les « libérateurs » massacrèrent entre 1,7 et 2 millions de leurs compatriotes.
À un demi-siècle de distance, nos Khmers verts n'ont, jusqu'ici, tué personne et c'est par un vote démocratique que la secrétaire nationale des Verts a été réélue dès le premier tour ce 19 avril avec 73 % des suffrages. « Sa victoire ne souffre d’aucune contestation »... car un tel « plébiscite de la part des militants : jamais une secrétaire nationale n’a été élue aussi largement » commente benoîtement L'Humanité. « Cette victoire me remplit de fierté et d’émotion », a-t-elle réagi, après la publication des résultats.
Très explicite quant la ligne d'action de son parti, Marine Tondelier entend toujours incarner l’union de la gauche. Elle n’exclut « pas a priori » la France insoumise, « à condition que Jean-Luc Mélenchon accepte qu’on travaille ensemble ». « Nous serons au service de l’intérêt général des électeurs de gauche, ils veulent qu’on reste fidèles à la promesse du Nouveau Front populaire, a expliqué la cheffe des Écologistes. Il nous faut un cadre commun, peut-être une primaire. »
Le programme sur la base duquel elle prétend agir reste plus flou. Il mérite en effet un examen sémantique : « La justice climatique, dit-elle, c’est notre bataille. Celle qui relie luttes environnementales et sociales pour contrer un système capitaliste faisant ventre de tout. Du vivant, de la planète, de notre humanité. » En dehors du fait que le PCF n'y voit clairement rien à redire, on cherche vainement à en savoir plus sur le site du mouvement où ne figurent guère que les plateformes électorales bien vagues de 2022, et des élections européennes de 2024.
L'analyse de Mediapart mérite un coup d'œil. Le 19 avril, le site d'Edwy Plenel constate que « par-delà la victoire en béton de Marine Tondelier... Avec ses nouveaux statuts et sa cheffe connue, le parti dispose d’un exécutif fort et cohérent. Mais il lui manque encore un programme pour réellement imposer l’écologie dans le débat public. »
Or, deux jours plus tôt on pouvait lire en date du 17 avril : « Congrès des Écologistes : centre névralgique de la gauche cherche projet politique désespérément. »
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : cette organisation qu'on retrouve au cœur de toutes mobilisations « contre l'extrême droite » fonctionne, sans programme, comme le « centre névralgique » prêt à redonner le signal d'une union ressuscitée, où les « utiles idiots » n'auront le choix qu'entre les islamo-gauchistes de LFI et le parti communiste.
Or, il n'est pas possible de s'interroger sur la représentativité de ce parti charnière sans examiner les chiffres officiels. Pour adhérer au mouvement il suffit de s'inscrire sans la moindre cotisation obligatoire. Et selon le site des écolos, le nombre des membres était, au jour du vote, de 13 725, mais seuls 49 % d'entre eux ont participé au scrutin, soit 6 702 suffrages exprimés dont 4 795 pour Marine Tondelier. Voila la mesure du « plébiscite ».
Remarquons que si les écolos sévissent à la tête de trop de grosses municipalités, où ils détruisent tout ce qui ressemble à l'ordre public, s'ils servent de paravent à toutes les créations de ZAD, s'ils inspirent les plus calamiteuses décisions de la magistrature administrative, telle la dernière en date empêchant d'achever les travaux de l'autoroute A69, etc. leur appareil reste contrôlé par des élus de moindre importance. Leurs statuts écartent précisément les responsabilités de maires de grande ville, si néfastes soient-ils, tel Piolle à Grenoble et tutti quanti. Tondelier n'est elle-même que conseillère municipale d'opposition dans la bonne ville de Hénin-Beaumont. Ceux-ci doivent se plier à des mots d'ordre de petits cénacles sectaires, quasiment anonymes. On retrouve ici ce qu'au Cambodge on appelait l'Angkar, « l'Organisation ».
Sympathiques nos Khmers verts ? Un peu moins que ne le pensent les naïfs lesquels jugent légitimes le rôle de parti charnière qu'ils jouent depuis trop d'années.
JG Malliarakis