Antoine Léaument, coutumier des philippiques anti-CNews, a ouvert la voie : « Au lendemain du terrible meurtre islamophobe de M. Cissé, CNews a consacré sa journée à : 1) Nier le caractère islamophobe du meurtre. 2) Attaquer ceux qui disent leur solidarité avec les musulmans. 3) Produire des clichés islamophobes. Toute la journée ! », écrit-il. En support, pas moins de 36 captures d’écran barrées d’un horaire : eh oui, une chaîne info a parlé de LFI. Leur indignation est à la mesure des longues années durant lesquelles la gauche et l’extrême gauche ont mis les médias, notamment les médias publics, en coupe réglée. La députée LFI Clémence Guetté reprend le même visuel, agrémenté de quelques mots trempés dans la même encre : « Une journée sur CNews. Les milliardaires sont en campagne contre les insoumis, alors tous les coups sont permis. Ne nous laissons pas faire. Ce jeudi 1er mai, la riposte commence dans la rue », lance-t-elle, sur X. Riposte sur les réseaux, dans la rue et à l'Assemblée, donc.
« Du sang sur les mains »
Le politologue Thomas Guénolé monte à l’arbre de l’indignation fabriquée en franchissant encore une marche, puisqu’il accuse carrément CNews et Pascal Praud, sur X, d’être « moralement » responsables d’un crime ! « À force de nourrir l'islamophobie par sa propagande quotidienne, CNews, en particulier Pascal Praud, est moralement responsable de la mort d'Aboubakar Cissé, sauvagement assassiné dans une mosquée parce qu'il était musulman. Je suis en colère. »
Dans ce concert de respect de l’information et de la liberté d’opinion, l’assistant parlementaire d’Ersilia Soudais, Ritchy Thibault, se distingue par un quasi-appel au meurtre, lorsqu’il affirme que certains ont « du sang sur les mains » : il cite CNews, Monsieur Bolloré, Frontières « et tous les torchons d’extrême droite ».
Dans une belle coordination, le maire PS de Montpellier Michaël Delafosse joue une indignation digne de Sarah Bernhardt pour évoquer, auprès de BFM TV, « un autre canal que le vôtre ». On a compris. « Discours de haine », « préjugés les plus abjects », « l’autre canal » en prend pour son grade. « Ça nourrit l’intolérance, ça nourrit le racisme », poursuit l’édile, qui cite « les positions anti-musulmanes » de CNews et pleure « la République attaquée dans ses valeurs ». « Quand quelqu’un, dans un lieu de prière, exerce sa foi, c’est une liberté fondamentale de la République », énonce cet élu, la main sur le cœur. On n’avait pas entendu le maire de Montpellier (qui a plusieurs fois salué Samuel Paty, soyons justes !) lors de la terrible mort du père Hamel…
Un ton d’autant plus curieux que CNews évoque bien « la piste islamophobe » dans le décès de M. Cissé. Ça n’empêche pas LFI d’appeler à une manifestation nationale contre l’islamophobie, le 11 mai prochain. On devrait y reparler de CNews, qui réfléchira à deux fois avant de couvrir la manifestation...
Risque de drame
Riposte à l'Assemblée, enfin. Comme le précisait hier Yves-Marie Sévillia, le parti milite pour la création d’une commission d’enquête parlementaire « portant sur l’islamophobie » où serait surveillé « le rôle des médias », « dans la construction de stéréotypes négatifs à l’égard de l’islam ». Envie de censure, quand tu nous tiens...
Tout cela n’empêche pas CNews de monter à l’échelle des audiences. Sur la journée d’hier 28 avril, la chaîne de Bolloré s’est classée une nouvelle fois en tête des chaînes d’information en France, avec 4,2 % de part de marché sur l’ensemble du public, à un point devant l’ancien leader du créneau BFM TV.
Mais ces incessants appels aux levées de boucliers contre CNews et ses animateurs, outre qu’ils révèlent un curieux rapport aux médias et à la liberté de l’information, font courir aux équipes de la chaîne un risque de drame, comme le souligne Marion Maréchal : « Ces attaques sont de véritables appels au meurtre irresponsables qui peuvent à tout moment transformer la rédaction de CNews en Charlie Hebdo et Pascal Praud en Samuel Paty. »
En somme, LFI revendique par tous les moyens, légaux ou non, le monopole de la récupération médiatique, le contrôle absolu de l’information, le choix libre de l’indignation sélective et le pouvoir de décider quels animateurs, journalistes ou patrons de médias peuvent ou non exercer. L'Union soviétique a trouvé ses héritiers.