Pour comprendre l’offense faite à la bien-pensance, il faut écouter la papesse Charline. Pour sa chronique du lendemain, Mlle Vanhoenacker s’était grimée : œil au beurre noir, sang à la lèvre : « J’ai croisé Rachida Dati, dit-elle. Qu’est-ce qu’elle nous a mis dans la tronche, hier matin, dans le 7-10, vous l’avez écoutée ? » Conséquence du pugilat : elle a dû emmener « Nico et Léa » (Demorand et Salamé) à la médecine du travail. Quant à la présidente de Radio France, Sybile Veil, la pauvre, elle est aux urgences… « Dans ce métier, quand tu te fais humilier par ta N+20, c’est devant la France entière. C’est tellement violent, on se serait cru à Bétharram. Même la CGT a pris sa défense, c’est vous dire… »
Un club pour vieux CSP+
Bien sûr, quand les N-20 de France Inter crachent sur ceux qui ne sont pas de leur monde, ce n’est que justice, car ces gens-là ne méritent pas mieux. Ils n’ont pas besoin de se grimer pour être sans dents…
Déjà, poursuit l’amuseuse, « quand elle est arrivée, j’ai senti que ça partait mal ». Et de passer la (supposée ?) intervention du technicien : « Madame Dati, c’est la régie. Faudrait songer à enlever la quincaillerie parce que… ça s’entend au micro. » Allusion au papier de Libération l’accusant d’avoir « omis » 420.000 euros de bijoux dans sa déclaration de patrimoine.
De fait, l‘atmosphère sur le plateau est très tendue. Dati n’appartient pas au club, c’est évident. On songe, là, à Pierre Bérégovoy, Premier ministre de Mitterrand raillé par la gauche caviar jusqu’au suicide, « trop peuple », moqué pour ses chaussettes. Dati n’est utile que si l’on peut rappeler ses origines d’enfant d’immigrés. Hors de cela, elle est encombrante. On ne le dit pas mais on le pense si fort que cela s’entend : elle aurait dû rester à sa place.
Bref, passé le moment anti-Trump qui ne rend pas l’effet escompté – Dati estime qu’imposer des droits de douane de 100 % sur les films produits hors des États-Unis « exposerait à des mesures de rétorsion qui seraient d’abord désastreuses pour le cinéma américain, lequel est une industrie très rentable à l’exportation » -, on entre dans le vif.
Le clou dans la chaussure, c’est la fameuse réforme de l’audiovisuel public (la constitution d’une holding) à laquelle tous espèrent qu’elle va renoncer. La peur de perdre leur pré carré les tenaille : « Y avez-vous renoncé ? », demande Demorand, d’une voix anxieuse. Non, évidemment, cela, pour trois raisons : 1) les groupes privés qui se structurent et dont le succès menace l’audiovisuel public ; 2) les audiences ; 3) les plates-formes (Netflix, Prime, etc.)
L’audiovisuel public doit être pluraliste
Léa Salamé s’insurge : les audiences sont excellentes. « Chez qui ? Chez qui ? », questionne Dati. « Plus les jeunes, plus les classes populaires, ça devient un club CSP+ et plus âgé. C’est une réalité, c’est comme ça. »
Donc, pas question d’abandonner. « Cette réforme commence à faire consensus malgré la caricature qu’on en fait », poursuit Rachida Dati, en pointant la présidente de Radio France, Sibyle Veil : « Il faut arrêter de caricaturer cette réforme en disant que c’est une réforme d’extrême droite. Voilà la manière dont Madame Veil la présente. »
« L’audiovisuel public doit être pluraliste », assène le ministre, et c’est cela qui ne passe pas. Pluraliste signifie perdre son magistère moral, et aucun de ces donneurs de leçons n’y est prêt. Alors, quand Rachida Dati évoque son père, maçon, et déplore : « Le maçon n’écoute pas France inter, c’est ça que je regrette », les ricaneurs se tiennent les côtes. Il y en a même qui se pincent le nez, comme Télérama, qui dénonce « un sens du show et des propos navrants ».
On accuse le ministre de mentir sur les chiffres car ceux de France Inter sont excellents. De nier, aussi, que le budget de la Culture a été, est ou sera en baisse, ce qui serait dans l’esprit de tous ceux-là une irréparable offense : il n’est pas question que l’audiovisuel public participe à l’effort budgétaire. Et Télérama de conclure : « Rachida Dati a fait du Rachida Dati. Un peu de Sarko, un peu de Trump, beaucoup de méthode Coué et beaucoup d’elle-même. »
C’est vrai qu’elle est restée droite dans ses bottes : « C’est bien, d’écouter le gars qui fait le malin, là, sur la scène des Molière, ou l’actrice sur 12 cm de talons à semelle rouge qui me donne des leçons sur la précarité et les inégalités. » Elle l’affirme, son objectif est ailleurs : « Je n’ai pas mis [de budget] dans les mondanités, je l’ai mis sur l’accès à la culture populaire. Le plan ruralité, le patrimoine… »
Et même le pass Culture au Puy du Fou. Impardonnable !
Marie Delarue
https://www.bvoltaire.fr/scandale-a-france-inter-rachida-dati-donne-un-coup-de-pied-dans-lentre-soi/