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Soutien inconditionnel de Marine Le Pen à Israël : changement de stratégie ou retour aux sources ?

Soutien inconditionnel de Marine Le Pen à Israël : changement de stratégie ou retour aux sources ?

Ce 15 mai, Marine Le Pen était invitée par la chaîne Israël 24 (1). Une grande première qui a causé quelque bruit dans le Landernau. Car si Benjamin Petrover et Michaël Darmon ont mis les petits plats dans les grands pour recevoir cette femme politique pas tout à fait comme les autres, cette dernière n’a pas manqué de renverser la table tout en tirant la nappe.

Résultat ? Les titres de presse du lendemain parlent d’eux-mêmes : « Rassemblement national, Marine Le Pen toujours plus alignée sur Israël », affirme Libération. « Marine Le Pen soutient sans réserve ce que fait Israël à Gaza », note le Huffington Post. « Benjamin Netanyahu Marine Le Pen, même combat ? », remarque Radio France. Pour une fois, ces titres reflètent la teneur des débats, sachant que la principale intéressée apporte un soutien plus qu’appuyé à la politique menée par le Premier ministre israélien.

Révolution ou simple retour en arrière ?

Voilà qui nous rappelle étrangement une autre première télévisuelle, celle de Jean-Marie Le Pen, quand invité au Tribunal des flagrants délires, l’émission mythique de Claude Villers sur France Inter, le 22 septembre 1982. C’était il y a près d’un demi-siècle et déjà, le Proche-Orient était à feu et à sang avec la guerre au Liban. Déjà, les médias étaient majoritairement pro-palestiniens et le président du Front national défendait déjà, bec et ongles, le Premier ministre d’alors, Menahem Beguin, alors empêtré dans les massacres des camps de Sabra et Chatila, au pays du Cèdre. Comme si la fille avait renoué avec le père après l’avoir métaphoriquement tué. Car entre-temps, il s’en est passé, des choses.

Les pro-palestiniens éternels minoritaires chez les nationalistes ?

Car à l’origine, la galaxie nationaliste épouse la cause sioniste, aux notoires exceptions de Maurice Bardèche, patron de Défense de l’Occident, de Pierre Sidos, fondateur de L’Œuvre française, et de François Duprat, numéro deux du Front national, le premier homme politique à avoir ouvert des bureaux en Europe pour l’OLP de Yasser Arafat. Les raisons des autres ? Elles sont diverses. Le journaliste François Brigneau, pourtant connu pour son judéo-scepticisme, n’a rien contre le fait que les Français juifs  deviennent des Juifs israéliens. Les Pieds-noirs qui, à l’époque, pèsent lourd dans cette mouvance, ont l’impression, en luttant contre l’OLP, de jouer une sorte de match retour contre le FLN algérien ; ce avec d’autant plus d’entrain que durant les « événements », l’OAS fut souvent aidée par le Mossad. Et Jean-Marie Le Pen ? À la tête de la SERP, sa maison de disques, il publie un triple album à la gloire de l’État hébreu dont les textes sont lus par un certain Gaston Ghrenassia, plus connu sous le nom de scène d’Enrico Macias. Notons que ce plaidoyer musical d’Israël aura droit à des commentaires dithyrambiques dans l’hebdomadaire Tribune juive.

La logique de la Guerre froide

Et puis, la raison principale, peut-être : le camp palestinien et ses affidés français sont tenus pour épigone de l’URSS, la Guerre froide n’étant pas exactement la période rêvée en matière de nuances. D’ailleurs, il est fréquent que les gros bras d’Occident fassent front commun avec ceux du Betar, son équivalent sioniste. Ces derniers reprendront d’ailleurs un service conjoint lors des apparitions de Marine Le Pen dans des manifestations de lutte contre l’antisémitisme ; comme quoi les vieilles alliances peuvent parfois avoir la vie dure, même si malmenées en 1990, lors de la Première guerre du Golfe.

Chute du Mur de Berlin oblige, les cartes sont redistribuées et Jean-Marie Le Pen est l’un des premiers à en prendre acte, d’où son opposition inattendue à cette ratonnade internationale visant à renvoyer l’Irak à l’âge de pierre. Une position qu’il prend seul, contre la majorité de son propre bureau politique. A-t-on alors affaire à un retournement d’alliances ? Il est vrai que « l’affaire du détail » n’a pas dû y être pour rien, le Menhir étant devenu l’une des cibles de prédilection du CRIF, instance juive tenue par Alain Finkielkraut pour un « tribunal dînatoire ». Dans la foulée, en 1990, toujours, une autre « affaire » continue d’envenimer la polémique : la manipulation de Carpentras, où l’on voit défiler le gratin politique français dans les rues de Paris, François Mitterrand en tête, derrière un drapeau israélien. Très logiquement, les Français d’origine maghrébine commencent à regarder le Front national d’un autre œil, et inversement. Puis, en 2007, il y a la dernière campagne de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle, dont la directrice n’est autre que sa fille, Marine. C’est l’époque du compagnonnage avec Alain Soral et son association, Égalité & Réconciliation, qui prône le rapprochement avec les populations issues de l’immigration. C’est aussi celle d’une autre association, Fils de France, menée par Camel Bechick, qui appelle à un semblable rassemblement.

Attentats islamistes : le grand basculement…

Le 7 janvier et 13 novembre 2015, le fragile édifice commence à basculer avec les attentats de Charlie Hebdo, du Stade de France et du Bataclan. Puis, il y aura l’assassinat, du prêtre Jacques Hamel, le 26 juillet 2016, des professeurs Samuel Paty, le 16 octobre 2020, et Thomas Bernard, le 13 octobre 2023. Sans oublier l’interminable litanie des attentats, des attaques au couteau rendant cette « alliance » de plus en plus délicate à assumer ; surtout en cette période où l’actuel conflit israélo-palestinien s’invite en France. Pour tout arranger, le nationalisme arabe à la sauce bassiste vient de perdre son dernier bastion en Syrie, après avoir disparu en Irak et en Libye ; bref, tout ce qui pouvait encore séduire une certaine frange des milieux nationalistes. Pareillement, l’OLP laïque, socialiste et révolutionnaire n’est plus qu’un lointain souvenir, à l’instar du sionisme de naguère, ces éternels adversaires s’étant conjointement reconvertis dans le messianisme religieux. Il est déjà difficile de négocier à deux, mais lorsque Dieu se mêle de la partie…

Des calculs électoraux de part et d’autre ?

D’ailleurs, on ne dialogue guère plus en France, LFI ayant en quelque sorte préempté la cause palestinienne à son unique profit, pour de bas calculs électoraux visant à conquérir un électorat musulman qu’elle méprisait autrefois. Marine Le Pen ferait-elle le même raisonnement en direction de la communauté des Français de confession juive ? Si tel est le cas, ce serait plus pour des raisons politiques, tel le soutien à une population de plus en plus en proie aux agressions de rue, qu’arithmétiques, l’électorat des cités et des mosquées alignant un peu de plus de divisions. Quoiqu’il en soit, elle semble avoir pris acte de ce changement de paradigme politique, empruntant ainsi les pas d’un père qui avait fait de même au lendemain de la fin du Bloc de l’Est. Ce choix est d’autant plus évident que, du côté de la France issue de l’immigration, les interlocuteurs sont, au pire, systématiquement hostiles à toute main tendue, ou, au mieux, parfaitement inexistants. Après, le moment choisi pour ces déclarations était-il le bon ? On est en droit de se le demander, tant ce qui se passe actuellement à Gaza dépasse largement les bornes du soutenable et que la guerre menée par Israël devient de plus en plus indéfendable. Même Emmanuel Macron s’en est rendu compte ; c’est dire. Erreur grossière ou fine stratégie ? Accommodements d’un jour ou vision à long terme ? Ce n’est évidemment pas à un journal tel que le nôtre d’en juger ; ce d’autant plus que ce pari, pour risqué qu’il puisse paraître, demeure le sien.

Il est vrai qu’à propos de pari, celui qui aurait jadis misé un fifrelin sur le fait qu’un jour, les Klarsfeld père et fils appelleraient à voter pour le mouvement fondé par Jean-Marie Le Pen serait passé pour un fieffé idiot…

(1) Marine Le Pen était invitée par la chaîne Israël 24

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