Imagine-t-on, le quart d’un instant, une autre catégorie de population traitée de la sorte par un député ? Le personnel soignant, les immigrés, les ouvriers, les chômeurs… ? Je n’en ai rien à péter, de leurs difficultés pour survivre. Car c’est exactement ce que cette phrase signifie. Voit-on d'ici le tollé ? Non, bien sûr. Car pour imaginer, il faut que ce soit imaginable.
Lucas, Christophe, Alexandra et Camille
Qu’elle alerte sur les dangers des pesticides, soit. Il est indéniable que par le passé, certains en ont usé et abusé. Qu’elle marque son opposition à la loi Duplomb, qu’elle soulève de légitimes interrogations... c'est sa partition. Nul ne peut lui en faire le reproche. Mais qu’elle fasse montre, avec tant de vulgarité, d’un mépris si désinvolte pour nos paysans est ignoble.
Comment ne pas penser au pauvre Lucas qui, du haut de ses 18 ans, se bat pour garder la ferme de ses grands-parents sur le point d’être expulsés. Sandrine Rousseau, qui s’était apitoyée sur la supposée misère des émeutiers brisant les vitrines en 2023 - « Et si le pillage avait à voir avec la pauvreté ? Les marques avec le sentiment de relégation ? » -, n’a pas une once de pitié pour Lucas et ceux de son espèce. Rien à péter, de leur rentabilité !
Pire : comment ne pas penser à Christophe, 59 ans, viticulteur de Castillon-la-Bataille, criblé de dettes, qui s’est suicidé en mai dernier.
Comment ne pas penser encore à Alexandra, 36 ans, et sa fille Camille, 12 ans, mortellement fauchées dans l’Ariège par un OQTF (si vigoureusement défendus, eux aussi, par la même Sandrine Rousseau), sur le barrage où elles étaient venues manifester et crier au secours. Qu’elles soient des femmes ne suffit pas à leur faire trouver grâce aux yeux de la députée verte : la paysannerie, c’est l’enracinement, la transmission familiale, les traditions populaire, l’identité multiséculaire…. pire, convenons-en, que les néonicotinoïdes.
Paysanophobie
Rien à péter, de leur rentabilité ! Car dans sa phrase, Sandrine Rousseau n’introduit aucune nuance, réserve, exception. Elle manie sans hésiter l’amalgame et la globalisation qu’elle dénonce à chaque instant pour les immigrés : les agriculteurs, on peut les essentialiser sans l'ombre d'un risque judiciaire. La paysanophobie est un sport sans danger.
Bien sûr, son abominable saillie est couverte, aujourd'hui, par le bruit des mesures annoncées par François Bayrou pour le budget à venir. Pauvres agriculteurs, eux autres n'ont pas le temps ni l'envie de s'intéresser aux déclarations du Premier ministre, ce soir. Ils ne s’arrêtent pas de moissonner, puisque c’est la saison. Puis, à vrai dire, qu’on supprime deux jours fériés leur importe assez peu. Ils ne savent pas ce que ce mot veut dire.