Comment expliquer cette crise sans précédent ? L’AFP y voit notamment une conséquence de la mauvaise santé de ses clients. Plus personnellement, elle reconnaît avoir « certainement surestimé » sa « capacité à faire reconnaître et rémunérer » par les acteurs de la tech sa propriété intellectuelle sur ses contenus. Mais le principal responsable des soucis financiers de l’agence serait à chercher de l’autre côté de l’Atlantique. Vous l’avez compris : c’est de Trump qu’il s’agit. Des contrats auraient ainsi été annulés sous « la pression » mise par des « gouvernements autoritaires ou populistes » sur des clients de l’AFP. À titre d’exemple, Fabrice Fries cite la fin du programme de « fact-checking » du groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) aux États-Unis, auquel participait l’AFP, et « l’arrêt brutal » du contrat avec la radio publique Voice of America, que l’administration Trump veut démanteler. Satané Donald !
Des sénateurs au chevet de l’AFP
Mais déjà trois se sont portés au secours de l’AFP. C’est le cas de Bruno Belin et Fabien Genet, respectivement sénateurs LR de la Vienne et de Saône-et-Loire, ainsi que du communiste Alexandre Basquin. Dans une question publiée le 10 juillet dernier à l’attention du ministre de la Culture, l’élu du Nord s’est ému de la « situation économique très dégradée » de l'agence, soulignant le rôle néfaste de « l'administration américaine ». « Alors que nous avons, plus que jamais, besoin d'une information sourcée, vérifiée, honnête et impartiale, et que, malheureusement, la désinformation devient le lieu commun, soutenir l'Agence France-Presse est une impérieuse nécessité », écrit M. Basquin. Le communiste demande donc au gouvernement d’augmenter la dotation de l'État prévue pour 2025 et 2026. Une rallonge indispensable, dit-il, pour permettre aux citoyens de bénéficier d'une « information fiable ».
Est-ce réellement le moment d’augmenter le budget de l’AFP, alors qu’on demande dans le même temps aux Français de se serrer la ceinture ? Pour ses missions dites « d’intérêt général », cette agence reçoit déjà près de 120 millions d’euros d’aides de l’État.
Une agence à la neutralité toute relative
Cette demande de rallonge arrive alors que les critiques n’ont pas épargné l’AFP, ces derniers temps. Celle qui s'était vu reprocher un manque d'impartialité sur la question du Proche-Orient s’est encore illustrée en étant accusée, dernièrement, de reprendre les informations émanant du Hamas. On sait aussi, grâce à une indiscrétion du Figaro, que des « consignes éditoriales » avaient été passées en interne, demandant aux journalistes de présenter le Hamas comme un simple « mouvement islamiste palestinien » et d’éviter de lui attribuer le qualificatif « terroriste »... Faut-il y voir un parti pris à mettre en lien avec la volonté déclarée de l’AFP de conquérir de nouveaux marchés au Maghreb ?
Entre autres originalités, on peut évoquer cette interprétation de l’AFP, reprise par bon nombre de médias, qui nous expliquait, le 6 juillet, que la mobilisation dans le Tarn contre l’A69 avait certes connu « quelques moments de tension sporadiques » - des dizaines d’armes avaient été saisies – mais que, globalement, tout s’était déroulé « dans une ambiance bon enfant ». Citons, aussi, cette dépêche AFP, publiée le 1er juin, au soir de la victoire du PSG en finale de la Ligue des champions : l’AFP y soulignait les « scènes de liesse » à Paris et ne relevait que « quelques incidents », alors que les vidéos d’agressions et de saccage circulaient partout sur les réseaux sociaux.
Plus grave encore, l’AFP a été mise en cause par la mère d’Elias, cet adolescent tué à Paris, le 24 janvier 2025, par deux délinquants. Elle a accusé l’agence d’avoir menti dans le but de « manipuler l’opinion ». « On envoie notre communiqué de presse à l’AFP et ils modifient ce qu’on a pris le temps d’écrire - c'est-à-dire qu'on a précisé qu’Elias avait été tué par une machette et une hachette, s’est-elle indignée, sur CNews. Ils modifient d’eux-mêmes l'information en disant "couteau" à la place de "machette et hachette", et en ça, ils manipulent les Français […] L'Agence France-Presse, c'est des journalistes qui sont censés être intègres, rigoureux ! »
Pas toujours, semble-t-il.