C’est dans ce contexte que le RN a présenté, jeudi 23 octobre, son contre-budget. Un exercice périlleux, puisque de lui dépend une grande partie de la crédibilité du Rassemblement national et de sa capacité à gouverner, demain. En effet, c’est souvent sur son flanc économique que les plus vives critiques lui sont portées. Marine Le Pen ne s’y trompe pas lorsque, en guise d’introduction, elle rappelle qu’« un budget, c’est la traduction financière de choix politiques. Ce n’est pas un tableau Excel avec des plus et des moins, ce n’est pas une succession de mesures. C’est, in fine, bien sûr, un équilibre économique, mais c’est surtout un équilibre politique. »
« Nous demandons en priorité des efforts à l'État »
Le RN prévoit de dégager, avec son contre-budget, près de 36 milliards d’économie afin de réduire le déficit prévu de 143 à 107 milliards d’euros. Dans cette mouture, on retrouve les totems habituels du Rassemblement national. Mais la formation patriote a décidé de muscler ses propositions. Ainsi, par rapport à sa copie présentée l’année dernière, la baisse de la contribution française à l'Union européenne n’est plus de 5 mais de 8,7 milliards. La suppression des agences et opérateurs de l’État n'est plus chiffrée à 3,4 milliards mais 7,7. L’aide publique au développement est, quant à elle, rabotée de 2,3 milliards. « Nous demandons en priorité des efforts à l'État et ses agences avant d'aller faire la poche des Français et des entreprises », a argumenté le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy, spécialiste des questions budgétaires pour le parti mariniste.
Les économies sur l’immigration doivent rapporter 12 milliards : conditionnement des prestations de solidarité non contributives pour les étrangers à un minimum de 5 ans de travail à temps plein ; la réduction drastique du panier de soin de l'aide médicale de l'État transformée en une aide médicale d'urgence et, enfin, la suppression du visa pour soins.
Côté recettes, le RN assume la création de quelques impôts touchant les très hauts revenus et la spéculation boursière : création d'un impôt sur la fortune financière, d'une taxe sur le rachat d'actions et une autre sur les transactions financières intra-journalières.
Épargner les retraités
Sur l’épineuse question des prestations sociales, le RN assume d’épargner les retraités et leur pouvoir d’achat en refusant la limitation de l’abattement fiscal de 10 % dont ils bénéficient, comme le prévoit le budget présenté par le Premier ministre. Marine Le Pen ne s’associe pas à cette idée très ancrée à droite : « un emmurement mental qui frappe des journalistes et des économistes dans notre pays », a-t-elle fustigé, s'opposant à la ritournelle « rendre aux actifs le fruit de leur travail ».
La députée du Pas-de-Calais assume une forte baisse des impôts de production (16,2 milliards), ceux qui pèsent sur les entreprises, et une baisse du coût de l'énergie via la TVA (11 milliards). Deux mesures qui satisferont le monde patronal pour l’une et les classes populaires pour l’autre.
La gauche hurle contre un budget s’attaquant à la politique environnementale. « L’écologie serait, avec les immigrés, la première victime des propositions budgétaires formulées par l’extrême droite des coupes », explique Le Monde.
Selon un spécialiste des questions budgétaires à droite, la copie du RN est réussie. « L’exercice est rigoureux et on retrouve les grandes dynamiques du Rassemblement national », répond-il à BV, en émettant toutefois une réserve sur la baisse de la TVA et des impôts de production, « déraisonnable, compte tenu de la dette ». À ce même titre, les économies lui semblent insuffisantes. « Ce n’est pas 36 milliards d’économie mais 80, dont la France a besoin. » Comme Marine Le Pen l’a rappelé, ce budget est un « exercice politique ». Il faut donc, pour le RN, tenir les deux bouts, les économies sans heurter un équilibre social précaire.