L’événement et la mise en scène de l’inauguration
L’opération de remise en place de la statue, œuvre magistrale du sculpteur Pierre-Jean David, dit David d’Angers, inaugurée en 1846, s’inscrit dans le vaste projet de réaménagement de la place Kennedy, à deux pas du château d’Angers. Pendant près de 450 jours, la sculpture monumentale a été confiée aux ateliers de la fonderie de Coubertin, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, dans les Yvelines, où elle a subi une restauration minutieuse. Une fois cela fait, la statue a regagné sa ville d’origine, prête à retrouver le regard des Angevins.
Le maire Horizons Christophe Béchu, entouré de représentants municipaux et d’une foule nombreuse, a dévoilé l’œuvre vers 11 heures. Les discours officiels ont souligné la volonté municipale de marier modernité et mémoire, en redonnant à la place Kennedy une dimension piétonne, végétalisée. Ce nouvel écrin offre à la statue un emplacement plus central, à quelques mètres seulement de sa position d’origine, et permet désormais aux passants de l’admirer de plus près. En France, seuls deux monuments rendent hommage à René d’Anjou : celui d’Angers et celui d’Aix-en-Provence, où le roi avait également laissé une empreinte durable. Sous le socle, une capsule temporelle a été également déposée, scellant symboliquement l’alliance du patrimoine et du futur. Par ce geste, la ville a voulu laisser une trace de son époque aux générations à venir, témoignant de la place essentielle qu’occupe encore le « bon roi René » dans le cœur angevin.
Qui était René d’Anjou ?
René d’Anjou naît à Angers en 1409. Arrière-petit-fils du roi Jean II le Bon, fils du duc Louis II d’Anjou et de Yolande d’Aragon, il appartient à l’une des plus illustres lignées du royaume de France. Héritier d’une dynastie ambitieuse, il cumule ainsi les titres : comte de Provence, de Guise, duc de Bar, d’Anjou et de Lorraine, roi de Naples et de Sicile ainsi que souverain titulaire de Jérusalem.
Cependant, au-delà de cette accumulation de titres, c’est sa personnalité qui fascine. Homme de culture et de foi, il incarne l’idéal du prince de la Renaissance avant l’heure. Il entretient à travers ses domaines une cour raffinée, protège les lettrés, les musiciens et les artisans, et favorise le développement des arts partout où il règne. Souverain bâtisseur, il laisse son empreinte sur de nombreux édifices, notamment au château d’Angers, où il fait aménager la célèbre galerie du Roi René. Il est aussi un adepte de la botanique et tente d’acclimater de nombreuses espèces végétales en Anjou. Ces habitudes lui valurent ainsi le surnom affectueux de « roi jardinier » ou encore de « bon roi René ».
Sur le plan politique, il s’impose comme un fidèle soutien de son cousin, le futur Charles VII, durant la guerre de Cent Ans, contribuant à la consolidation du pouvoir royal. Cependant, ses ambitions personnelles en Italie, notamment à Naples et en Sicile, échouent, mais elles témoignent de l’ampleur de ses aspirations.
L’héritage du bon roi
Vers la fin de sa vie, René d’Anjou se retire progressivement des affaires du royaume. Après la disparition de sa seconde épouse, Jeanne de Laval, il passe son temps à Angers puis en Provence. Cependant, son héritage et l’étendue de ses possessions attisent les convoitises. Le roi d’Aragon, Alphonse V, lui dispute ses territoires italiens et ruine notre duc angevin dans de nombreuses guerres. Le roi René, dernier représentant d’une lignée puissante, voit ses domaines menacés par les ambitions de son neveu, le roi Louis XI. Les tensions entre les deux hommes s’exacerbent. Méfiant envers « l’universelle aragne », surnom donné à Louis XI pour sa diplomatie rusée, René va jusqu’à s’allier à son ennemi juré, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
Cependant, le 10 juillet 1480, sans héritier direct, René meurt à Aix-en-Provence. Avant son trépas, il désigne son neveu Charles du Maine comme successeur. Ce choix contrarie profondément Louis XI mais le sort, toutefois, joue en faveur du roi de France. En effet, Charles du Maine, de santé fragile et sans héritier, meurt à son tour en 1481. Sa disparition permet alors au souverain français de réaliser son dessein et de faire de l’Anjou et de la Provence des terres de la Couronne. Avec cette captation, la monarchie française hérite également des prétentions angevines sur le trône de Naples et de Sicile, un fait qui servira de prétexte aux futures guerres d’Italie.
Ainsi, bien que presque oublié aujourd’hui en France sauf en Anjou, le roi René fut l’un des acteurs discrets mais décisifs du XVe siècle : son nom, ses alliances et son héritage se sont ainsi retrouvés au cœur des grandes manœuvres politiques qui allaient façonner les débuts de la Renaissance française.